Celto-Slavica. Essais de mythologie comparée

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XXXVIIT-2012

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ETUDES CEL TIQUES

CNRS EDITIONS

SOMMAIRE

Mar·ion SAUREL, Stéphane VERGER, Audrey MORJGONI, Le vase orné de Plichancourt, (Marnt>), el les cér·amiques à décor· d'étain en Champagne à La Tène ancienne ....... ........ .. . . . ... Venceslas KRUTA, La place et la signification du cheva l dans l'imagerie celtique.. ........ .............................................. .. Jean-Jacques CHARPY, Le bélier, l'oiseau rapace et leurs rappot·ts avec la Divinité pdncipale....................... ........ ........................ Anne GEISER, JuHa GENECHESI, Nicola SCOCCJMARRO, Monnaie et écriture au second âge du fer· autou r· de l ' arc alpin. Une nouvelle approche des statères épigraphes attribués naguèœ aux Salasses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Er·ic P. HAMP, Gaulish ordinals and theil· history ........ .. ... ........ ...... Ede P. IIAMP, llampica................................................. ...... ..... Pierr·e-Yves LAMBERT & David STIFfER, Le plomb gau lois de Rezé... A.J. HUGHES, On substantiating lndo-European *w!k 1'os 'wolf' in Celtie, Continental anrllnsular ......... . ... ............. ... ........ ... ... .. Bemm·d SERGENT, Sueellus et Visvakarman. ..... ............ . .............. Patrice LAJOYE, Celto-Slavica. Essais de mythologie comparée . . . . . . . . . . Noémie BECK, Les cheveux de la Morrigain....................... . .... . .. . .. . Paul RUSSELL, Culhwch 's weaponry: Penntireg and Enilleg.. . ... ... .. ... Piel'l'e-Yves LAMBERT, Notes de vieux-breton...............................

165 175 197 229 259 271

Nécrolobrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résurnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Abstn1cts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index des mots du volume XXXVIII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

281 369 375 381

7 43 61

77 131 137 139

ISSN 037:-l-1928 ISBN 978-2-271-07460-7

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9 782271 074607

www .cm·seditions. fr·

55 €

CELTO-SLAVICA. ESSAIS DE MYTHOLOGIE COMPARÉE

PAR

Patrice LAJOYE

Les Slaves sont singulièrement ignorés dans les études comparatistes occidentales1 . Si l'on fuit exception de quelq ues mticles et chapitres de jeunesse de Georges Dumézil (et de ses retours sur ces travaux par la suite)2, les chercheurs à a voir clairement osé utiliser des matériaux slaves en les considérant comme d'égale valeur aux autres sont peu nombreux. Tout récemment, un important colloque a été publié, mais celui-ci montrait encore une nette prédilection pour la lingu istique3 . Quelques articles sont aussi parus ees dernières années duns le .Journal of lndo-European Stttdies. C'est encore trop peu. Celle absence singu) ière tient essentiellement au fait que les sources anciennes concernant la mythologie slave sont quasiment inexistantes : en dehors de quelques allusions dans des textes médiévaux, aucun mythe, aucun récit ne nous est parvenu. Il faut clone faire appel au folklore, lequel est, quant à lui, particul ièrement abonda nt. Chants épiques, contes, cliclons : la richesse des Slaves à ce sujet est immense, même s'il faut manier ces matériaux avec précaution. Je tenterai donc une première approche, par le biais d'une petite série de sondages qui s'appuieront sur des comparaisons exclusives avec: la mythologie celtique. Ce caractère exclusif serait d'ailleurs à expliquer par une analyse historique plus poussée'1. Nous verrons en lout cas au passage que ces comparaisons peuvent apporter un éclairage singulier sur quelques points intéressants et depuis longtemps é tudiés de la mythologie celtique.

Yspaddaden Penkawr en Russie .T'ai déjà eu l'occasion de signaler des personnages du même type que le géant gallois Yspaddaden Penkawr ehe7. les Slaves de l'Est' . J'ai depuis pu en trouver de l. Cet article a faill'ohjel d'une communication partielle à la journée d'étude de novembre 2007 de la Société Belge J 'Études Ceiliques. 2. On relèvera deux chapitres de D UMÉZIL, 1924, un autre de D UMÉZIL, 1929, les articles DUMÉZIL, 1925 a cl b ; 1969; cl deux esquisses de mythologie : D UMÉZIL, 20 03 . On ne peul que conseiller la lecture de ces lruvaux margiuuux dans l'œuv re de Georges Dumézil. 3. MAr. M A'I'llU:'oiA e t Fo~ll:'ol, 2006. 4. J'ai introduit, dans une petite étude sur le type or thodoxe d'icônP. de la Vierge à trois rn a in~, l'idée de la possible persista nce locale de mythes celtiq ues issus des Celtes danubiens ou d' Illyrie : LAJOYE, 2010. D'autres voix ou modes de transmission sont sans cloute possibles. 5. LAJOYE, 2006 , pp. 221-222.

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PATR ICE LAJOYE

nouveaux. Faisons-en l'inventaire d'Ouest en Est. Notre personnage apparaît au Nouveau-Mexique, dans un conte d'origine espagnole intitulé L'Oiseau vert6 • 11 y est question d'une jeune fille à la recherehe de ses deux frères qui vient à rencontrer un vieil homme: « Là, sur un vi~ux lit dans un coin de la pièec, il y avait un vieil, très vieil homme avec une barbe qu i tombait sur ses genoux, des soun:ils et des cils qui tombaient sur son menton. Il essaya de parler, mais la barbe était si lourde q u'il ne le pouvait pas. Hemarquanl que le vieil homme essayait de dire quelque chose, Maria prit u n~ paire de ciseaux et lui coupa la barbe afin qu'il puisse parler ».

On remarquera que, même si l'histoire est ici très déformée, il est question de coiffer le personnage aux sourcils si imposants, comme dans le conte de Kulhwch et Olwen. Ce conte du Nouveau-Mexique vient comme il a été dit vraisemblablement d'Espagne, où une présence celtique antique est bien connue. En Irlande, on connaît bien I3alor, qui a été plusieurs fois comparé à Yspaddaden Penkawr, il est inutile J'y revenir ; quant au Pays de Galles, c'est précisément le personnage d'Yspuddaden Penkawr qui nous sert de point de départ. Passons chez les Slaves, plus exactement les Slaves de l'Est. On les abordera par leur périphérie, grâce à un eonte tsigane, Le prince aux trois étoiles, collecté en Hongrie dans les années 1960, auprès d'un jeune conteur de 15 ans7 • Ce conte nous monh·e son héros trouver, dans une maison éclairée d'une simple bougie, une vieille sorcière. Le héros, en guise de salut, lui envoie des injures, auxquelles la sorcière répond: « Merci de m'avoir saluée ainsi, autrement, j e l'aurais mangé. Je t'au ro is coupé la tête. Mais il y a une fourehe dans le coi n, sers-toi d'elle pour soulever mes sourcils, que je te voie. Car je ne te vois pas: mes sourcils sont trop grands>>.

Par la suite, la vieille sorcière engage le héros à son service. Un peu plus à l'Est, en Ruthénie subcarpathique, c:hez des Ukrainiens de Slovaquie donc, le héros d'un c:onte, après avoir tué un dragon, rencontre sa mère, qui n'est autre que la version locale de la baba Jaga. Or elle aussi a besoin de fourches de fer pour soulever ses paupières 8 . En Ukraine, le personnage de Vij créé par Nicolas Gogol, monstre qui réclame qu'on lui soulève ses paupières afin de pouvoir voir un diacre qui se tient dans un cercle magique, réemploie en fail u11 motif associé dans les traditions populaires à divers personnages : Bunjaka, Buno, Kasjan (sainL Jean Cassien)9 • Dans certains cas (Buno), des fotu·chcs sont nécessaires pour découvrir les yeux, dans d'autres (Kasjan), c'est une !oree maléfique ou un esprit mauvais.

6. CAMPA, 1947, pp. :326-328. 7. VALLIS, 1968, pp. 38.5-387. 8. Pm.fVKA, 1922, pp. 2.57-266. 9. L t:VKif.VSKAYA, 1998; lvA NOV, 1971; BELOVA, 2002.

LVANOV,

1973;

NAz,IREVSKI,

1969. Synthèse dans

CEIJ'O-SLAVICA.

au )St

I~SSAIS DE

MYTHOLOGJ E COMPAH ÉE

199

En Biélorussie, e'est un conte lié à l'équivalent local du héros Il'ja Muromec qui met en œuvre un tsar nommé piè re>> a nglo-sa xun pière>> lexicaux cild: « enfant». < *to-ro-ussgab> Texte biélomsse

Slugi mac vernna

padymicja bmvy! mne vilkami

Traduction

Mes ser viteurs fidèles

soulevez avec les fou rches

Xaceu en pagljadzec'

mes sourcils ! Il voulait voir

w Illjulku

1

llljuska

Commentaires Slugi:

Texte russe

VozMoi brovi i res- ] a pogljaiL~ mite-ku vily nicy éom yja.

éto on zu ptica Cto nbil moi.-r

zeleznyjc~.

SJ'IWVCJ

gljadzec' : (( regarder, VOll' »

cf irl. glé ; gauL gliso-

poe la

le

205

Le fils se change en grain de millet parmi Gwion Bach se chauge en grain de blé et se cache parmi d'autres grains dans une grange. d'autres grains . Keridwen se change en poule el mange tout, y I.e magicien se change en c:oq et n1ange tout, sauf le héros qu i, au dern ier morne nt, se compris Gwion llac:h. .. change en faucon el mange le mag ICJen. La trame est donc très semblable, et pour caus e, puisq u'il s'a git là e ncore d'u n conte -typ e bien connu, le AT 325, « Le magicien el son élève » 27• Le conte russe est très fidèle au conte -type, ce que n'est p as l'Ilistoire de Taliesin, qui oublie des passages e Ldes motifs, pour en ajouter d'autres (le cha udron). Mais ce q ui est commun aux deux versions, r usse et galloise, et a priori à elles seules, est l a volotllé initiale d'une mère de donner l u > . La seule femme qui remplit ces conditions est Vasilisa Nikuli~na, la femme de Danilo L ovcanin. Le prince refuse d'abord de prendre l a femme d'un autre, mais cel ui qui a lancé l'idée lui conseille alors d'envoyer Danilo >.

Enfin, à douze ans, il réunit autour de lui une dru,zina, c'est-à-dire le strict équivalent de l'irlandaise Fianna, une troupe de jeunes guerriers entièrement dévoués à son ser vice. Mais il faut les entretenir, ces guerriers, et c'est a insi que : « La drulina dort, mais Volx ne dor t pas: Il se métamorphose e n loup gris, Cour t, saute da ns les forêts sombres et les bosq ue ts, Tue des bêtes à cornes.

Il tient la bride haute aux loups e t aux ours. Les 1.ibel ines et les panthères, sa viande pré fé rée, L es lapins e t les renards ne le dégoûte nt pas. Volx donna à boire et nourrit sa brave drulina , Chaussa e t habilla ses braves garçons : Tls portaie nt des pelisses en zibeline Et les échangèrent contre des pelisses de panthère. La drulina dort, mais Vol x ne dort pas.

Il sc mé ta morphose en fa ucon clair, Vole loin, vers la mer bleue.

Il c hasse des oies et des cygnes blancs,

Il tient la bride haute à des petits cana rds gris. Il donna à boire et nourrit sa brave dmlina ».

Volx fait ainsi appel à de multiples reprises à ce qui ressemble plus à un don qu'à une science, au point qu'on a écrit qu'il était une fo rme de cha man russe·~h. Cependant, l a comparaison avec l'Irla nde invite à y voir toul autre chose 3ï . Le chef (ici roi) par 34. Certaines variantes précisent que ce fut « lorsque la Lune se leva» ou hien «lorsque le Soleil se coucha »: JA KOBSON el Szr.FTEL, 1949, p. 22-23. 35. Cc qui n'est pas sans rappeler le dieu grec Apollon. 36. Son prototype historique, le prince Vseslav, est né coiffé d'après la Chronique de Nestor. Il es! en tout très clairement désigné, on l'a elit, comme étanl un loup-garou duns les textes mécliévaux: JAKonsoN et SzEFTEn, 1949, pp. 56-70. 37. Je ne ferai ici qu'effleurer le dossier, qu i mérite un ar ticle à par t entière, avec examen des variantes de la bylinc.

CELTO-SLAVICA. ESSA TS m: MYTH OLOGIE COM Pi\ RÉE

·n te 'e

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excellence de la Fianna est Fionn mac Cumhaill, héros bien connu. Ma is Fion n serait doté, selon un texte , d'une réinearnation en un autre héros moins connu, MonganJa. De ce Monga n, la tradition irlanda ise a s urtout retenu ses déboires conjugaux. Mais on sait qu'il est, comme Vol x, le fil s d'un être de l'Autre Monde, ici Manannan, le dieu de la mer. Or voici justement ce que dit de lui Ma nannan da ns la Navigation de Bra.n: «Au monde, sa ns cra inte, Il prend ra la lorme de tous les a n ima ux Da ns la mer verte e t su r la te rre . Il sera un d ragon devant les troupes de la nuit.

JI sera un loup da ns toutes les forêts. Il sera cerf aux bois d'argent Dans la campagne 4 ui se parcourt e n ehar. Il sera saumon tacheté dans un lac plein.

J1 sera phoque, il sera beau cygne blanc. Il tiend ra pendant un long sièd e, Cent a ns, la haute royauté.

JI eourra les chemins. La pierre

de sa tombe [scral lointaine .

Il labourera les plaines, roue sur la men>.



Les parallèles entre les deux légendes sont ainsi évidents. Que penser de Mongan qui quand on sait que Volx . Est-il possible aussi de dire que si Mongan >, ce n'est que par simple hasard ? De même quand Mongan devient saumon tacheté alors que Volga peut 12• Mais le Cosaque n'a pas l'intention de se laisser fa ire. Il par vient à envoyer trois balles de plomb de son arquebuse vers les a igles. Enfin, d'autres Cosaques a rrivent alors q u'il est déjà mort, e t le me llent en terre. L'intervention des aigles pourrait être considérée comme une s imple action de charognage si nous n'avions pas ici la phrase : « il s g uettent l'âme du Cosaque ». De fa it, on retrouve le motif de l'aigle, en plus développé et riche en détails, dans une autre duma, Les Trois frères d 'Ozov'1·1• Là encore, un Cosaque est mourant. Il se couche au pied d'un mont ou plus vraisem blablement d'un tu mulus funéraire'14 : « n se penche où le vent souffle, Il s'ineline où l'herbe s'incline, Voilà que des a igles aux ailes noi res arrivent en volant, Se posent au chevet du Cosaque, S'approchent de ses boucles noires».

Mais le Cosaque ne se sent pas encore prêt à mourir: il leur réclame un déla i d'une heure. Une fois le délai écoulé:

41. ANToNovrë ct DRAGOMA'IOV, 1874, p. 35 ; trad. in CrrouzKo, 1879, pp. 74-75. 42. La Mort du Cosaque dans la uallée de Koclyma , texte ct trad. in SCHERRF.R, 1947, pp. 99-100. 43. MAKSIMOVlC, 1824; texte ct trad. in ScHF.RRER, 1947, pp. 90-96. >.

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Dans les deux cas, le guerrier est moura nt, mais choisit malgré tout l'heure de sa mort: il peut la re tarder, en chassant les aigles noirs qui accourent lors que l'âme quille le corps. Ce s ont autant J 'éléments qu'on retrouve en Irlande, da ns la version la plus ancienne de la mort de Cuchulainn4 5 • Vaincu et blessé à mort, Cueh ulainn retarde toutefois le moment fatidique en s'attachant à un pilier de pierre. Lorsque ses adversai res s'approchent de lui, son ehevalle J éfend encore. Enfin : >

Peu de temps après, le héros arri ve enfin ù tuer le ch·agon. Plus à l'Est, on retrouve quelque chose de s imilaire dans un conte moldaves0 • Là encore, un héros et un dragon se battent: >

Une autre version remplace le corbeau par un fa ucon, un rapace clone, comme J'aigle des dumJ' : «Ils commencèrent par s'assener des coups de massue, celles-ci se brisèrent. Alors ils engagère nt un corps à corps, la lutte loyale, la lulle des braves où le plus fort gagne. Les rochers s'abattaient, les collines s'abfmaient, au ciel les nuages tonnaient et toul cela s'ensui vait de la lulle de ee ehien de dragon contre Kréméné-le-Vaillanl. Ils luttèrent ainsi jusqu'à l'épuisement eomplet et tombèrent à terre. La grande ardeur, causée par la lutte, faisait sortir une flamme grise de la gueule du dragon et une flamme verte de la bouche de Kréméné. Couc:hés par terre et hors d'haleine, ils virent dans le bleu du ciel un faucon décrire des c:erdes.

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Le dragon quand ille viL, hurla de toutes ses forces :

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73.

213

Faucon , faucon, va au bord du Dmwbe apporte dans lon bec un rot d'eau fratche jpourj apa iser ma soif sinon c'en est fa it de loi et non seulement de toi mais aussi de toute ta gent ct de celle de tous les oiseaux.

Le faucon faisait la sourde oreille et planait toujours. Kréméné-le-Vaillanl adressa aussi sa prière au faucon: Faucon, fauconneau, prends un pol va à la source apporte de l'eau pom apaiser ma tioif arrose-moi

ent 51. llOT€ZATOU, 1986, p. 108.

PATRICE LA.IOYE

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pour rafraîehir mon âme moi , je le servirai [de la) chair de dragon tu en auras pour toute la journée toi et ta gent et cel le de Lou s les oiseaux. L e faucon sc posa e t d isparut à la recherche de l'eau, l'attente ne fut pas longue, le voilà qui revint apportant dans s es griffes un broc d'eau de source, donna à boire à Kréméné, ensuite l'arrosa et lu i rafraîchit l'â me. Kréméné reprit vite ses forces, empoigna le hide ux dragon, l'écrasa contre la terre el en fit un las de goudron. Telle fut la fin du hideux dragon. Le ciel s'éclaircit, le soleil parut, la brise apporta l'odeur des c hamps 52 • » Ces versions moldaves permettent rie revenir à une aulre version slovaque, où le héros se bat non plus conb·e un tlragon, mais contre un mauvais roi, et da ns laquelle il n'est plus question d'oiseau, ma is d'un vieill ard: «À proximité du pont, ils se transformèrent en fl ammes el se mirent à se brûler mutuellement, im pitoyablement. Ils se brûlèrent longtemps, mai s sans arriver à un résu ltat. C'est alors que passa, personne ne savait d'où il venait, un vieux mendiant ries chemins. 'Vénérable vieill ard', s'écria la flamme bla nche, 'puise de l'eau et a rrose la flamm e rouge, je le don nerai un kreutzer'. Le vieil homme acqu iesça et revint bientôt avec de l'eau. A lors la flamme rouge cria très vite : 'Vénérable vieillard, je tc donne un deni er, si tu verses celle eau sur la flamme bl anche'. Le vieillard le fit, car pourlui un denier représentait plus qu'un kreutzer. Le roi était rnort501 • »

Notons enfin que le motif a pénétré e n Ukraine, mais d'une façon très déformée: , les latinistes pour 69 , les slavistes pour>, m ais tous se rapportent sans J oute primitivement à l a Terre. Mach a est une dé esse triple , el surtout lrifon ctionnelle 70 ; prophétesse ou voyante, reine e l guerrière, elle est surtout gara nte de la prosp érité . D e la prophétesse el de la g uerrièr e, n ou s n'avon s qu'une seule alleslalion, un seul texte garant à chaque fois 71 • Ce s on t donc d es rôles qui ne sont sans d oute p as primord ia ux, bien que s olidement é ta blis. En revan ch e , l'aspect de tr oisièm e (onction csl alleslé par les multiples variantes d'un m êm e r écit el a donc da être le plus populair e. R eprenons d eux d es vers ions lraduilcs p a r Chris tian Guyonvarc'h :

« Il y avait un riche paysan des Ulates sur le sommet tles montagnes l!t dans le déser t. Son nom était Crunnchu, fil s d'Agnoman. En tant qu'hahitant du désert, il augmenta beaucoup sa

e

richesse. Il était entouré d e nombreux fil s. La fe mme qui était avec lui mourut, à savoir la mère de ses enfants. Il fut longtemps sans fe mme. Un jour qu'il était sur sa couche, seul dans sa maison, il vil une b elle jeune femme dans la gr ande maison, venant vers lui avec une excellence de fcn·m, Revue des Etudes Slaves, Xl, 1931, pp. 149-170. MILEC et AIIIIENTIF.B ES (d') 1926- Ivan Milee cl Henri d'Armentières, Contes slovaques, Genève, La Petite Fusterie, 1926. NAZAREVSKI 1969 - A.A. Nazarevski, « Vij v povesti Gogolja i Kasjan v narodnykh poverjakh o 29 fevralja >>, Voprosy rnsskoj literatnry, 2, 1969, pp. 39-46len russej. POKOH.NY 1959-1969 - Julius Pokorny, lndogennanisches Etynwlogisches Worterbuch, llern; München, Francke Verlag, cop. 1959-1969,2 tomes en 3 vols. de 692, p. 693-1183,4.95 p. PoLIVKJI 1922 - ji rf Polfvka, «Du surnaturel Jans les eontes slovaques>>, Revue des lùudes Slaves, Tl , 1922, pp. 104-124 et 256-271. PROPP et Pu·mov 1958- Vladimir Ya. Propp et B.I. Putilov, Byliny, Moscou [en russe], 19.58. R A LSTOt~ 1873- W. R. S. Ralston, Russian Folk-Tales, Londres, Smith, Elder and Co, 1873. Ri\)IBAUD 1876- Alfred Ra mbaud, La Russie épique. Etude sur les chansons héroïqnes de la Rnssie, Paris, Maisonneuve, 1876. RYBNIKOY 1861-1867 - P.N. Rybnikov, Pesni sohrannyja .. ., Moseou len russel, 1861-1867. ScHERRF.R 191·7- Marie Scherrer, Les Du.my ttkrainiennes. Epopée cosaque. Textes ukrainiens et traductions intégrales , Numen, vol. 26, fa~c. 1, 1979, pp. 50-88. VALI.IS 1968 - Eva Vallis, « '1\vo gipsy tales from Hungary "• AcUL Linguistica Acad emiae Scientiarum Hungaricae, t. 18, 3-1·, 1968, pp. 37.5-392. VOTII ]905- Henry V. Voth , The Traditions of the Hopi, Field Colurnbian Museum, 1905 . WrrKOWSK I 1971 - Teodolius Witkowski, >, Onornustim (Polska Akadcmia Nauk Komitet .J e~y kozn aws t wa), X V1, 1971 , pp. 178-185. WRATlSLAW 1890 - A.Il. Wratislaw, Sixty Folk-Tales from Exclusi-vely Slavonie Sources, Londres, 1890.

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