Clones des souches de Neisseria meningitidis au Mali

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Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 7–13

Article original

Clones des souches de Neisseria meningitidis au Mali Clones of Neisseria meningitidis strains in Mali I. Guindo a,∗,c , A. Coulibaly a,d , S. Dao b , S. Traoré a , S. Diarra a,d , F. Bougoudogo a,d a

Service de sérologie et d’immunologie infectieuse, Institut national de recherche en santé publique, BP 1771, hippodrome Bamako, Mali b Faculté de médecine, de pharmacie et d’odonto-stomatologie, Bamako, Mali c Département de biologie médicale et d’exploration fonctionnelle, faculté de médecine, pharmacie et odontostomatologie (FMPOS), université Cheik Anta Diop de Dakar (UCAD), BP 5005, Fann Dakar, Sénégal d Service de bactériologie, Institut national de recherche en santé publique, BP 1771, hippodrome Bamako, Mali Rec¸u le 16 aoˆut 2009 ; rec¸u sous la forme révisée 11 avril 2010 ; accepté le 16 juillet 2010 Disponible sur Internet le 25 aoˆut 2010

Résumé Objectif. – L’objectif de notre travail était de caractériser les souches de Neisseria meningitidis isolées de 2005 à 2007 au Mali. Méthode. – Nous avons réalisé une étude transversale descriptive au cours de laquelle nous avons prélevé du liquide céphalorachidien (LCR) chez 1573 cas suspects de méningites avant toute antibiothérapie. La caractérisation des germes isolés à partir des LCR a porté sur la détermination des sérogroupes, sérotypes, séro-sous-type, séquences type et complexes clonaux. Résultats. – Les LCR appartenaient majoritairement aux enfants âgés de zéro à 11 mois (30,1 %), un à quatre ans (26,3 %) et cinq à 14 ans (25,7 %). Neisseria meningitidis a représenté 144 cas sur 244 LCR à bactériologie positive. Streptococcus pneumoniae (73 cas/244) et Haemophilus influenzae b (44 cas/244) étaient aussi présents. Les sérogroupes de Neisseria meningitidis les plus fréquents étaient A, W135 et Y. Le génotypage des 33 souches vivantes de Neisseria meningitidis a montré que trois complexes clonaux étaient présents, notamment le complexe ST-5 de sérogroupe A avec les séquences types ST-7et ST-2859, le complexe ST-11 de sérogroupe W135 avec la séquence type ST-11 et le complexe ST-167 de sérogroupe Y avec les séquences types ST-167 et ST-192. Discussion. – L’introduction du vaccin méningococcique tétravalent ACYW135 est à envisager au Mali et dans la sous-région. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Complexes clonaux ; LCR ; Neisseria meningitidis ; Sérogroupe ; Séquence type

Abstract Objective. – The purpose of our study was to identify strains of Neisseria meningitidis isolated from 2005 to 2007 in Mali. Patients and method. – We carried out a cross-sectional and descriptive study of 1573 meningitidis suspected case cerebrospinal fluid (CSF) samples before antibiotherapy. The identification of isolated germs was serogroup, serotype, subtype, sequence type, and clonal complexes. Results. – CSF samples were taken from children under 1 (30.1%), children between 1 and 4 (26.3%), and children between 5 and 14 years of age (25.7%). Neisseria meningitidis was identified in 144 out of 244 CSF positive samples. Streptococcus pneumoniae (73/244), and Haemophilus influenzae b (44/244) were also present. The most frequent Neisseria meningitidis serogroups were A, W135, and Y. Genotyping of the 33 live Neisseria meningitidis strains showed that three clonal complexes were present, especially serogroup A complex ST-5 with sequence type ST-7 and ST-2859, serogroup W135 complex ST-11 with sequence type ST-11, and serogroup Y complex ST-167 with sequence type ST-167 and ST-192. Discussion. – The introduction of tetravalent vaccine ACYW135 should be considered in Mali and West Africa. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Clonal complexes; CSF; Neisseria meningitidis; Serogroup; Sequence type

1. Introduction ∗

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (I. Guindo).

0399-077X/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2010.07.001

La méningite à Neisseria meningitidis demeure un problème de santé publique en Afrique Subsaharienne. Le Mali, pays situé

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au cœur de l’Afrique de l’Ouest fait partie de la ceinture de méningite de Lapeyssonnie [1]. Les sérogroupes de Neisseria meningitidis responsables d’épidémie sont N. meningitidis A, C, W135 [2–4]. Les sérogroupes A de complexe clonal ST-5 et W135 de complexe clonal ST-11sont responsables de la plupart des épidémies dans la région africaine [3–6]. Cependant, nous assistons, depuis 2000, à une augmentation des cas sporadiques dus au sérogroupe W135 dont la première épidémie fut confirmée en 2002 au Burkina Faso [7]. Le nombre de malades dépassent la capacité d’accueil et de traitement des services de santé en Afrique expliquant une létalité élevée : 18 % en Côte d’Ivoire, 17,6 % au Burkina Faso, 14,8 % au Ghana, 7,9 % au Niger, 4,6 % au Mali [8]. Au Mali, des vagues d’épidémies se sont succédées de 1967 à 1974 avec le clone I-1, de 1981 à 1983 avec le clone IV-1 et vers les années 1994 avec le clone III-1 [9]. Le sérogroupe A a été le plus en cause [10] et l’épidémiologie moléculaire de Neisseria meningitidis en Afrique de 1988 à 2003 a montré qu’en 1997 circulait au Mali le complexe clonal ST-5 [11]. La détermination des génotypes a un intérêt épidémiologique. Elle permet de caractériser les souches afin de mieux prévenir les survenues d’épidémie [12]. Le but de l’étude était de déterminer les sérogroupes, sérotypes, sero sous-types, séquences types et complexes clonaux de Neisseria meningitidis circulant, susceptible de provoquer des épidémies et définir leur répartition géographique au Mali. 2. Méthode Le Mali, situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, a une population de 13,52 millions d’habitants et une superficie de 1 241 231 km2 . Les épidémies de méningites font partie de ses priorités de santé publique. Les autorités sanitaires ont mis en place en collaboration avec l’OMS, un réseau de surveillance épidémiologique décentralisé et coordonné de la méningite à méningocoque par niveau : niveau cercle, niveau régional et niveau national qui est en relation avec un centre collaborateur de l’OMS de référence de méningocoque. Du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, nous avons réalisé sur l’ensemble du territoire national (les huit régions administratives du Mali et le district de Bamako), une surveillance épidémiologique des méningites bactériennes. Nous avons étudié les caractéristiques sociodémographiques des sujets (spécifiquement l’âge, le sexe et la région d’appartenance), bactériologiques du liquide céphalorachidien LCR (macroscopie, microscopie, cuture, latex). Était considéré comme cas suspect de méningite, toute fièvre d’apparition brutale associée à une raideur de la nuque (adulte, adolescent et enfant de plus d’un an) ou un bombement de la fontanelle (enfant de moins d’un an). Les LCR sont prélevés avant tout traitement antibiotique chez les patients dits cas suspects de méningite. Ces LCR sont prélevés dans des tubes stériles, gardés à l’abri de la lumière et acheminés au plus une heure de temps pour manipulation au laboratoire national de référence, l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP) à Bamako (cas des centres de santé du District de Bamako). Pour les centres en dehors du district de Bamako, les LCR sont recueillis dans le milieu de transport spécifique

Trans-Isolate et acheminés à l’INRSP. Le délai de transport dans ce dernier cas était de sept jours. Les LCR ainsi rec¸us ont été observés à l’œil nu afin d’apprécier l’aspect macroscopique. Les examens microscopiques ont consisté, d’une part, à apprécier sur frottis coloré au gram la morphologie des germes et d’autres parts à dénombrer les éléments cellulaires par millimètre cube à l’aide de la cellule de Malassez. Pour la culture de Neisseria meningitidis, des géloses au sang cuit ou gélose au chocolat enrichie avec du Polyvitex® ou du Supplément G® ont été ensemencées et incubées à 37 ◦ C sous CO2 en atmosphère humide pendant 24–48 heures. Pour Streptococcus pneumoniae, la gélose au sang frais fut utilisée avec une incubation de 24 heures à 37 ◦ C et pour Haemophilus influenzae b, la gélose au sang cuit incubée pendant 24 heures à 37 ◦ C. L’identification a été faite en tenant compte des résultats concomitants de la culture, du latex et de la coloration au gram. Nous avons défini par LCR positif à : • Neisseria meningitidis tout LCR présentant des diplocoques gram négatif en grain de café intra- ou extracellulaire, positif au latex et dont les colonies à la culture sont rondes, lisses, bombées, translucides, non pigmentées, non hémolytiques et oxydases positives ; • Streptococcus pneumoniae tout LCR présentant des diplocoques ou courtes chaînettes de cocci gram positif, positif au latex et dont les colonies à la culture apparaissent petites, translucides à bord net ayant une tendance à confluer et entourées d’une hémolyse de type alpha. • Haemophilus influenzae b tout LCR présentant des coccobacilles courts à gram négatif, positif au latex et dont les colonies sont grisâtres, translucides avec 0,5–1 mm de diamètre, lisse et légèrement convexes. Le sérogroupage de Neisseria meningitidis a été effectué par le test au Pastorex® et l’utilisation des antisérums spécifiques. Les autres germes ont été identifiés selon la démarche bactériologique classique utilisée à l’INRSP à savoir gram, culture, isolement (et réisolement), identification (tests biochimique, spécifique). Neisseria meningitidis a fait l’objet de plus d’investigation : les souches ont été conservées à −70 ◦ C dans des cryotubes contenant 1 ml de bouillon trytone soja avec 15 % de glycérine. Les souches restées vivantes ont été envoyées dans un premier temps au centre de recherche pluripathologique de Ouagadougou au Burkina Faso pour le contrôle des sérogroupes, puis expédiées à l’institut de santé publique d’Oslo en Norvège pour la détermination des sérotypes, sero sous-types, séquences types et complexes clonaux. Le typage a été effectué par utilisation d’anticorps monoclonaux par la technique Dot Blot [13–16]. Pour le génotypage, l’amplification des fragments de gènes par PCR a été utilisée et chaque locus a été analysé au ABI prism 377 DNA sequencer (Applied Biosystem, Foster City, CA). Les séquences ont été comparées dans une base de données MLST (http://pubmlst.org/neisseria) pour déterminer les séquences types et complexes clonaux [17,18].

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cas), Salmonella para typhi B (deux cas), Escherichia coli (un cas) et streptocoque B (trois cas).

3. Résultats La surveillance épidémiologique des trois années nous a permis de collecter un total de 1573 cas de LCR dont 244 positifs. 3.1. Données sociodémographiques Le plus grand nombre de LCR fut enregistré à Bamako District (1078/1573 cas, soit 68,5 %). À Koulikoro et Sikasso furent enregistrés respectivement 223 LCR/1573 et 159 LCR/1573. Le sex-ratio homme/femme était de 1,45. La tranche d’âge des 0–11 mois a été la plus fréquente avec 30,1 %. Les enfants âgés d’un à quatre ans et de cinq à 14 ans avaient des effectifs proches et ont représenté respectivement 26,3 et 25,7 % (Tableau 1). 3.2. Caractéristiques bactériologiques 3.2.1. LCR négatifs et positifs Un effectif de 1329/1573 LCR étaient négatifs, soit 84,5 % des LCR prélevés. Les LCR positifs, au nombre de 244, avaient une proportion plus élevée à Kayes avec 52,4 % (11/21), une région dans la frontière Ouest du pays avec le Sénégal. Cette proportion a été de 12,3 % (132/1078) à Bamako District, 33,3 % (53/159) à Sikasso et 24,7 % (19/77) à Mopti (Tableau 1). 3.2.2. Germes Les 244 LCR positifs ont montré une fréquence plus élevée de Neisseria meningitidis (114 cas), soit 46,7 % du total de ces LCR positifs. En outre, furent isolés Streptococcus pneumoniae (73 cas/244 positifs), Haemophilus influenzae b (44 cas/244 positifs). D’autres rares germes ont été isolés. Il s’agit d’Acinetobacter (quatre cas), Candida albicans (un cas), Pseudomonas aeruginosa (un cas), Enterobacter aerogenes (un Tableau 1 Description sociodémographique des patients prélevés. Sociodemograghic features of patients. Caractéristiques

LCR total

LCR positifs

473 (30,1 %) 414 (26,3 %) 405 (25,7 %) 281 (17,9 %)

69 (14,6 %) 38 (9,2 %) 70 (17,3 %) 67 (23,8 %)

1573 (100 %)

244 (15,5 %)

1078 (68,5 %) 21 (1,3 %) 223 (14,2 %) 1 (0,1 %) 159 (10,1 %) 76 (4,8 %) 6 (0,4 %) 9 (0,6 %) 0

132 (12,3 %) 11 (52,4 %) 25 (11,2 %) 0 53 (33,3 %) 19 (24,7 %) 2 (33,3 %) 2 (22,2 %) 0

1573 (100 %)

244 (15,5 %)

Patients/tranche d’âge 0 à 11 mois 1 à 4 ans 5 à 14 ans 15 ans et plus Total Régions/District Bamako Kayes Koulikoro Ségou Sikasso Mopti Gao Tombouctou Kidal Total

9

3.2.3. Selon l’âge Sur 69 LCR positifs chez les 0–11 mois, huit étaient N. meningitidis, mais les germes les plus fréquents étaient S. Pneumoniae (34 cas) et H. influenzae b (23 cas). Chez les un à quatre ans, les trois germes les plus fréquemment rencontrés avaient des effectifs très proches avec 12 cas de N. meningitidis, 11 cas de S. Pneumoniae et 13 cas de H. influenzae b. Chez les cinq à 14 ans, 44 des 70 LCR positifs étaient N. meningitidis, 19 étaient S. Pneumoniae. Chez les 15 ans et plus, N. meningitidis était prédominant avec 50 cas sur 67 LCR positifs (Tableau 2). 3.2.4. Saison Les LCR positifs ont été plus rencontrés aux mois d’avril avec 79 cas dont 60 N. meningitidis, de mars avec 59 cas dont 27 N. meningitidis et de mai avec 28 cas dont 12 N. meningitidis (Tableau 2). 3.2.5. Sérogroupes de N. meningitidis Le sérogroupage des 144 Neisseria meningitidis isolés a permis de les classer en 99 Neisseria meningitidis du groupe A (Nm A), six Neisseria meningitidis du groupe W135/Y (Nm W135/Y), six Neisseria meningitidis du groupe W135 (Nm W135), un Neisseria meningitidis du groupe Y (Nm Y) et deux Neisseria meningitidis du groupe X (Nm X). Par régions d’étude, Neisseria meningitidis A a été le groupe le plus fréquent avec les effectifs les plus élevés à Bamako District (48 cas) et Sikasso (35 cas). Sur les six Neisseria meningitidis W135, la région de Mopti a enregistré à elle seule quatre cas (Tableau 3). 3.2.6. Clones Trente-trois souches de Neisseria meningitidis ont été caractérisées. La majorité de ces souches (15 souches) de formule antigénique A:21:P1.20,9 étaient de séquence type 2859, de complexe clonal ST-5, de PorA P1.20,9 et de FetA F3-1. Trois (3) souches de sérogroupe A appartenant au complexe ST-5 étaient de séquence type ST-7. Dix (10) souches de sérogroupe W135 appartenaient à la séquence type 11 et au complexe ST-11 ; Sept (7) d’entre eux étaient de formule antigénique W135:2a: P1.5,2 mais trois (3) n’ont pu être sérotypés. Trois (3) des quatre souches de sérogroupe Y appartenaient au complexe ST-167 et étaient de séquence type 767. Le quatrième de séquence type ST-192, appartenait à un complexe non assigné (Tableau 4). 4. Discussion Cette étude nous a permis de caractériser les souches de Neisseria meningitidis prévalant en dehors des périodes d’épidémie à méningocoque. De 2005 à 2007, un total de 1573 LCR ont été examinés. La prédominance des échantillons provenant de Bamako District (1078/1573) serait le fait de la taille plus élevée de sa population urbaine (deux millions d’habitants) au moins quatre fois celle de chacune des autres régions [19], le

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Tableau 2 Répartition des micro-organismes isolés. Distribution of isolated pathogens. Caractéristiques Régions/District Bamako Kayes Koulikoro Ségou Sikasso Mopti Gao Tombouctou Kidal Total

Neisseria meningitidis

Autresa micro-organismes

Streptococcus pneumoniae

Haemophilus influenzae b

Total

52 7 6 0 36 10 1 2 0

51 1 8 0 8 5 0 0 0

21 3 9 0 7 4 0 0 0

8 0 2 0 2 0 1 0 0

132 11 25 0 53 19 2 2 0

114

73

44

13

244

Tranches d’âge 0 à 11 mois 1 à 4 ans 5 à 14 ans 15 ans et plus Total

8 12 44 50

34 11 19 9

23 13 4 4

4 2 3 4

69 38 70 67

114

73

44

13

244

Sexe Masculin Féminin Total

74 40

49 24

27 17

8 5

158 86

114

73

44

13

244

Germes par mois Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Total

2 7 27 60 12 4 0 0 0 0 1 1

1 7 18 11 11 6 4 2 6 1 2 4

3 5 14 5 5 1 1 1 4 1 2 2

0 3 0 3 0 2 1 3 0 1 0 0

6 22 59 79 28 13 6 6 10 3 5 7

114

73

44

13

244

a

Autres germes : Acinetobacter (quatre cas), Candida albicans (un), Pseudomonas aeruginosa (un), Enterobacter aerogenes (un), Salmonella para typhi B (deux), Escherichia coli (un) et Streptocoque B (trois).

taux de consultation plus important des zones urbaines et aussi le caractère plus facile du District à envoyer les échantillons au laboratoire de référence (INRSP) par rapport aux autres régions. Nous avons enregistré à Bamako 132 LCR positifs sur 1078 prélèvements. En revanche, les régions des Koulikoro et Sikasso qui ont les effectifs les plus élevés après Bamako District ont respectivement enregistrées 25 LCR positifs sur 223 prélèvements et 53 LCR positifs sur 159 prélèvements. Une grande proportion de LCR était négatif (84,5 %) dénotant ainsi une fréquence élevée de cas suspects non confirmés à la bactériologie. Cela pourrait avoir plusieurs causes dont principalement les conditions générales d’acheminement dans l’étape préanalytique de la cytobactériologie du LCR et une détermination non rigoureuse du cas suspect à la clinique ; nous nous

proposons d’améliorer cela, d’une part, en formant et en recyclant des agents aux niveaux cercle et région sur les conditions générales d’acheminement et de rechercher l’ADN par PCR dans le cas des LCR troubles à bactériologie négative, et d’autre part, à rappeler la définition du cas suspect aux prescripteurs de demande de cytobactériologie du LCR. Parmi les différents germes identifiés, Neisseria meningitidis occupe la première place avec 46,72 % suivie de Streptococcus pneumoniae avec 29,91 %, puis Haemophilus influenzae b avec 18,04 %. Cependant, notre étude est limitée par l’absence de données d’antibiogramme qui nous renseigneraient, d’une part, sur le meilleur traitement à adopter, et, d’autre part, sur les Haemophilus influenzae b avec ␤-lactamase et les Streptococcus pneumoniae de sensibilité diminuée aux ␤-lactamines

I. Guindo et al. / Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 7–13 Tableau 3 Répartition des sérogroupes de Neisseria meningitidis. Distribution of Neisseria meningitidis serogroups. Caractéristiques

Nm A

NmW135/Y

NmW135

Nm Y

Nm X

Total

2005 2006 2007

6 32 61

1 0 5

1 0 5

0 0 1

1 1 0

9 33 72

Total

99

6

6

1

2

114

Année

Régions/District Bamako Kayes Koulikoro Sikasso Mopti Gao Tombouctou

48 6 5 35 5 0 0

2 1 0 1 1 0 1

0 0 1 0 4 0 1

1 0 0 0 0 0 0

1 0 0 0 0 1 0

52 7 6 36 10 1 2

Total

99

6

6

1

2

114

Nm A : Neisseria meningitidis A ; Nm W135 : Neisseria meningitidis W135 ; Nm W135/Y : Neisseria meningitidis W135/Y (W135 and Y are not differentiated by agglutination) ; Nm Y: Neisseria meningitidis Y ; Nm X: Neisseria meningitidis X.

vérifiant ainsi que les recommandations de l’OMS en matières de traitement des méningites sont toujours d’actualités. La prédominance de N. meningitidis était plus accentuée dans l’étude de Traoré [20] (1996–1999) qui trouve 69,84 % de méningocoque parmi les germes isolés. Au cours de la saison épidémique 2004 au Burkina Faso avec 117 cas confirmés, Neisseria meningitidis a représenté 42 %. La létalité y était supérieure à 10 %, de même au Ghana et en Côte d’Ivoire la même année [8]. Le nombre de LCR positifs était plus élevé aux mois d’avril (Tableau 2) avec 79 cas (60 N. meningitidis), mars avec 59 cas (27 N. meningitidis) et mai avec 28 cas (12 N. meningitidis) ; cela s’expliquant par le fait que ces mois correspondent à des périodes de forte chaleur au Mali, période de rapide expansion des méningites bactériennes les plus fréquentes. Ces périodes sont

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confirmées par les études réalisées par Laforce et al. [6] dans plusieurs pays d’Afrique, Traoré [20], Sokona [21] et Sidibé [22] au Mali. Aplogan et al. [23] au Togo et Besancenot et al. [24] au Bénin ont également enregistré de fortes prévalence en période de chaleur. La fréquence le plus souvent élevée du méningocoque au Mali peut s’expliquer par son appartenance à la ceinture de la méningite de Lapeyssonnie [25]. Nous constatons, à travers nos résultats, que la méningite à méningocoque est une affection de tous les âges (Tableau 2). Dans la tranche d’âge 0–11 mois, Streptococcus pneumoniae est le germe le plus fréquent avec 49,28 %, cependant Neisseria meningitidis était moins mais représenté à hauteur de 11,59 %. La tranche d’âge un à quatre ans est marquée par une fréquence quasi égale des trois germes les plus dominants. Dans les tranches d’âge de cinq à 14 ans et 15 ans et plus, Neisseria meningitidis est le plus fréquent, Haemophilus influenzae b est pratiquement absent. Cela a été confirmé par plusieurs auteurs. L’étude de Koumaré et al. [9] a montré que Neisseria meningitidis se retrouve plus chez les sept à 14 ans et 25 à 29 ans (75–88 %). Celle de Traoré et al. [20] a confirmé que la méningite à méningocoque est une affection de tous les âges. Dans l’étude de Kanté [26], le pneumocoque et Haemophilus influenzae b étaient les plus fréquents jusqu’à 14 ans et largement supplantés à partir de 15 ans par Neisseria meningitidis. La fréquence élevée de Streptococcus pneumoniae dans notre étude, particulièrement chez les 0–11 mois constituant une couche vulnérable, revêt une importance capitale sur le plan épidémiologique (S. pneumoniae aussi responsable de septicémie et de pneumonie qui sont graves chez les enfants de moins de cinq ans). Introduire une vaccination protégerait théoriquement contre 85 à 90 % des pneumocoques chez les individus de plus de deux ans [27], mais nécessite au préalable la caractérisation des souches circulant de pneumocoque (sérotype et génotype). La politique de traitement, surtout pour la couche vulnérable (celle inférieure à deux ans), doit alors être soutenue par des données d’antibiogramme en effet absentes dans notre étude. Cependant, poursuivre la surveillance avec plus d’investigation chez les

Tableau 4 Caractérisation des souches de Neisseria meningitidis isolées. Identification of Neisseria meningitidis strains. Sérogroupe

Sérotype

Sous-type

Séquence-type

Complexe

PorA

FetA

Effectif

W135 W135 W135 Y Y Y A A A Aa

2a 2a NT NT NT NT 21 21 21 –

P1.5,2 P1.5,2 P1.5,2 P1.5 P1.5 P1.5 P1.20,9 NST P1.20,9 –

11 11 11 767 767 192 2859 7 7 –

ST-11 ST-11 ST-11 ST-167 ST-167 NA ST-5 ST-5 ST-5 –

ND P1.5,2 P1.5,2 P1.5-1,10-8 P1.5,10-8 P1.18-11,42-1 P1.20,9 P1.20,9 P1.20,9 P1.20,9b

ND F1-1 F1-1 F3-1 ND Pcr F3-1 F3-1 F3-1 –

5 2 3 2 1 1 15 1 2 1

ND : non déterminé ; NT : non sérotypable ; NST : non séro-sous-typable ; ST : séquence type ; NA : non assigné ; PCR : polymerase chain reaction. a Sérogroupe déterminé par PCR. b Séro-sous-type déterminé par séquence producteur de PCR.

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enfants de moins de cinq ans diminuerait aussi bien les méningites que les pneumonies et septicémies dues à Streptococcus pneumoniae dans cette population cible. L’intérêt du typage des souches de N. meningitidis est surtout épidémiologique [28,29]. Le risque d’épidémie est fonction de la nature de la souche qui circule, c’est-à-dire du sérogroupe, du sérotype, du sero sous type, de la séquence type et du complexe clonal. Les épidémies récentes en Afrique sont dues aux sérogroupes A et W135 [5–7]. Dans notre étude, N. meningitidis A a été le plus fréquent avec 86,8 % des méningocoques isolés mais les sérogroupes W135 et Y étaient néanmoins présents en faible proportion. La caractérisation des souches dans notre pays et dans la sous région est donc un moyen de surveillance épidémiologique de la méningite cérébrospinale. Les 33 souches de méningocoques caractérisées nous ont permis de comparer les profils obtenus avec ceux de certains pays africains : • quatre souches de formule Y:NT:P1.5 de complexe ST-167. Ce complexe a été trouvé au Niger. Le sérogroupe Y de séquence type ST-23 fut trouvé au Sénégal en 2002 et la séquence type ST-2880 au Niger en 2003 [7] ; • dix souches de formule W135:2a:P1.5, 2. Ce profil antigénique correspond au complexe ST-11. Mais trois souches de W135 sont non sérotypées. Le complexe ST-11 qui a circulé au Mali est le même trouvé au Tchad, au Soudan, au Kenya et en Ouganda la même année. Il a été trouvé en 2002 au Sénégal ; • 17 souches de formule A:21:P1.20,9 dont 15 de séquence type ST-2859 et deux de séquence type ST-7 appartenant tous au complexe ST-5. La ST-7 du complexe ST-5 a été trouvé au Burkina Faso, au Niger et au Togo. Elle est responsable de l’épidémie de 2006 au Niger. La séquence type ST2859 du complexe ST-5 majoritairement trouvée, a été isolée à Bamako, cette souche est responsable de l’épidémie de méningite de 2003 et 2006 au Burkina Faso [30]. Depuis février 2000, des bouffées épidémiques de méningites dues au sérogroupe W135 de séquence type ST-11 se développent en Afrique [7,31]. L’émergence du sérogroupe W135 en tant que clone épidémique, en Afrique fut confirmée par l’épidémie au Burkina Faso en 2002 [32]. La même année, des souches W135 appartenant au ST-2881, totalement différent du ST-11 ont été mises en évidence chez des cas sporadiques de méningites à méningocoques au Niger, au Bénin, au Tchad et au Nigéria [6]. 5. Conclusion La fréquence élevée de N. meningitidis A (complexe ST-5) et la présence des sérogroupes W135 (complexe ST-11) et Y (complexe ST-167) pouvant émerger et se répandre, nécessitent le choix du vaccin tétravalent ACYW135 qui doit être uniformisé dans la sous région dans un contexte de libre et intense circulation des personnes. Nous recommandons le renforcement de la surveillance qui est capitale pour évaluer l’impact de la vaccination. Une étude sur la sensibilité aux antibiotiques des méningites bactériennes fréquentes est en cours. Mais nous pro-

posons en plus, la caractérisation du pneumocoque à une échelle nationale en vue d’introduire un vaccin. Remerciements À l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP) et le personnel de la surveillance épidémiologique. À l’université et le centre de recherche pluripathologique de Ouagadougou au Burkina Faso. À l’Institut de santé publique à Oslo en Norvège, particulièrement au centre de référence et de recherche sur le méningocoque. Références [1] Koumaré B, Bougoudogo F, Diarra L, Dembélé P, Cisse M, Boulais C. Neisseria meningitidis du sérogroupe A clone III-1 responsable de la récente épidémie de méningite survenue au Mali. Mali médical 1996;XI(1–2):34–5. [2] Dao S, Goita D, Oumar AA, Diarra S, Traore S, Bougoudogo F. Aspects épidémiologiques des méningites purulentes au Mali. Med Afr Noire, édition électronique 2008;5510:514–8. [3] Nicolas P, Raphenon G, Guibourdenche M, Decousset L, Stor R, Gaye BA. The 1998 Senegal epidemic of meningitis was due to the clonal expansion of A:4:P1.9, clone III-1, sequence type 5 Neisseria meningitidis strains. J Clin Microbiol 2000;198–200. [4] Stephens DS, Greenwood B, Brandtzaeg P. Epidemic meningitidis, meningococcaemia and Neisseria meningitidis. Lancet 2007;369(9580): 2196–210. [5] Norheim G, Rosenqvist E, Aseffa A, Yassin MA. Characterization of Neisseria meningitidis isolate from recent outbreaks in Ethiopia and comparison with those recovered during the epidemic of 1988 to 1989. J Clin Microbiol 2006;44(3):861–71. [6] Laforce FM, Ravenscroft N, Djingarey M, Viviani S. Epidemic meningitidis due to group A Neisseria meningitidis in the African belt: a persistent problem with a imminent solution. Vaccine 2009;27:SUP2 (128 p.) (83 ref.), [Note: B13–B19]. [7] Nicolas P, Norheim G, Garnotel E, Djibo S, Caugant DA. Molecular epidemiology of Neisseria meningitidis isolated in the African meningitidis belt between 1988 and 2003 shows dominance of sequence type 5 (ST-5) and ST-11 complexes. J Clin Microbiol 2005;43(10): 5129–35. [8] OMS. Méningite épidémique : bilan de la saison 2003–2004. Réseau de la méningite épidémique, WHO/CDS/CSR/ARO/2005.5. [9] Koumare B, Bougoudogo F, Cisse M, Doumbia T, Keita MM. Aspects bactériologiques des méningites purulentes dans le district de Bamako. À propos de 1541 souches bactériennes recueillies de 1979 à 1991. Bull Soc Pathol Exot 1993;86:136–40. [10] Broutin H, Philippon S, Constantin de Magny G, Courel MF, Sultan B, Guégan JF. Comparative study of meningitidis dynamics across nine African contries: a global perspective. Int J Health Geogr 2007;6:29. [11] Achtman M. Molecular epidemiology of epidemic bacterial meningitis. Rev Med Microbiol 1990;1:29–38. [12] Riou JY, Djibo S, Sangaré L, Lombart JP, Ragot P, Chippaux JP, et al. A predictable comeback: the second pandemic of infections caused by Neisseria meningitidis serogroup A subgroup III in Africa, 1995. Bull Who 1996;74:181–7. [13] Wedege E, Høiby EA, Rosenqvist E, Froholm LO. Serotyping and subtyping of Neisseria meningitidis isolates by co-agglutination, dotblotting and Elisa. J Med Microbiol 1990;31:195–201, doi:10.1099/00222615-31-3-195. [14] Frasch CE, Zollinger WD, Poolman JT. Serotype antigens of Neisseria meningitidis and a proposed scheme for designation of serotypes. Rev Infect Dis 1985;7:504–10.

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