Mal de Pott sous-occipital : trois cas

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Rev Rhum [E´d Fr] 2000 ; 67 : 641-5 Atlantoaxial tuberculosis: three cases - Joint Bone Spine 2000 ; 67 (in press) © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833000000132/SCO

FAIT CLINIQUE

Mal de Pott sous-occipital : trois cas Fadoua Allali1, Ali Benomar2, Mohamed El Yahyaoui2, Taib Chkili2, Najia Hajjaj-Hassouni1 1 Service de rhumatologie B, hôpital El Ayachi, Salé, Maroc ; 2service de neurologie, hôpital des spécialités, Rabat, Maroc

(Reçu le 20 janvier 2000 ; accepté le 20 juillet 2000)

Résumé – Le mal de Pott de la charnière cervico-occipitale (CCO) est exceptionnel. Il expose à de graves complications bulbomédullaires. Les auteurs rapportent trois cas de tuberculose de la CCO à partir d’une série de 63 cas de tuberculose vertébrale. L’âge moyen des patientes est de 51 ans (extrêmes : 20–69). Le délai moyen de diagnostic est de 4,6 mois (extrêmes : 1–8). Dans les trois cas il n’existait pas de déficit neurologique malgré l’existence d’une luxation atloïdo-axoïdienne. Le scanner cervico-occipital a orienté le diagnostic en montrant des images lytiques de la charnière cervico-occipitale et un abcès prévertébral dans les trois cas. Le diagnostic fut bactériologique dans deux cas et histologique dans un cas. L’évolution fut favorable dans les trois cas sous antibacillaires, immobilisation cervicale et arthrodèse chirurgicale. Malgré la fréquence de la tuberculose ostéoarticulaire dans les pays en voie de développement, le mal de Pott sous-occipital est rare. Il peut exposer à une grande instabilité et à de graves complications bulbomédullaires. Il nécessite un diagnostic et un traitement rapides. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS rachis / sous-occipital / tuberculose

Summary – Atlantoaxial tuberculosis: three cases. – Atlantoaxial tuberculosis is uncommon, produces atypical clinical manifestations, and can cause serious compression of the spinal cord and medulla oblongata. Three cases seen over a 14-year period among 63 patients with tuberculous spondylitis were reviewed. Mean age was 51 years (range, 20-69). Mean time to diagnosis was 4.6 months (range, 1-8). Neck pain and torticollis were consistent features. Although all three patients had atlantoaxial instability, none had neurological deficits. Computed tomography showed lytic lesions of the craniocervical junction and an abscess anterior to the spine. The diagnosis was confirmed by microbiological studies in two patients and histological studies in one. The outcome was favorable after antituberculous drug therapy, immobilization of the neck, and surgical arthrodesis. Atlantoaxial tuberculosis is rare, even in developing countries where tuberculosis remains endemic. Because major instability and serious complications due to compression of the spinal cord and medulla oblongata can occur, early diagnosis and treatment are of the utmost importance. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS spine / sub-occipital / tuberculosis

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Le mal de Pott sous-occipital se distingue des autres localisations vertébrales par son extrême rareté, sa fréquence est estimée à moins de 1 % [1, 2]. Sa sémiologie clinique et radiologique est particulière et son pronostic est conditionné par la menace de compression bulbomédullaire. Nous rapportons trois cas de tuberculose atloïdo-axoïdienne à partir d’une série de 63 cas de spondylodiscites tuberculeuses colligés durant une période de 14 ans [3]. OBSERVATIONS Observation 1 Mme F.A., 20 ans, présentait depuis un mois, en postpartum, un syndrome méningé avec fièvre, céphalées et vomissements. L’examen notait une raideur de la nuque sans déficit neurologique. L’examen général retrouvait un abcès volumineux, induré du sein gauche. La radiographie du rachis cervical objectivait une luxation atloïdo-axoïdienne (figure 1). Le scanner cervicooccipital montrait des images lytiques de C1–C2 avec un abcès rétropharyngien (figure 2), une lyse de C3, de C7, de la clavicule et de la 2e côte gauches avec un abcès du grand pectoral. La radiographie pulmonaire montrait une image de miliaire. Sur le plan biologique, la vitesse de sédimentation (VS) était à 50 mm à la 1ère heure, la sérologie VIH était négative, l’intradermoréaction était positive à 12 mm. Le bacille de Koch (BK) fut mis en évidence au niveau des crachats et à la ponction de l’abcès froid du sein. La biopsie osseuse ne fut pas jugée nécessaire vu son risque, l’atteinte multifocale et la mise en évidence du BK à distance. La patiente a été traitée par une immobilisation plâtrée thoracocervicale et par les antibacillaires selon le protocole adopté par le ministère de la santé publique : rifampicine (10 mg/kg/j), izoniazide (5 mg/kg/j), pyrazinamide (15 mg/kg/j) six jours sur sept pendant un an avec adjonction de streptomycine (1 g en im/j pendant le 1re mois en raison de l’atteinte pulmonaire). Après la fin du traitement, le scanner de contrôle montrait une bonne reconstruction osseuse. Mais du fait de la persistance de l’instabilité atloïdo-axoïdienne et malgré l’absence de troubles neurologiques, une arthrodèse chirurgicale par voie postérieure a été pratiquée. L’évolution fût très satisfaisante avec un recul de deux ans. Observation 2 Mme L.A., 69 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, présentait des cervicalgies depuis huit mois,

Figure 1. Radiographie du rachis cervical montrant une luxation atloïdo-axoïdienne.

non améliorées par les traitements antalgiques. L’examen clinique trouvait une légère raideur du rachis cervical avec une tuméfaction latérocervicale gauche. La VS était à 40 mm à la 1re heure. La radiographie standard du rachis cervical montrait une luxation atloïdoaxoïdienne. Le scanner montrait un processus lytique latérocervical gauche au dépens de l’arc antérieur et des masses latérales de C1, C2, C3 avec envahissement des parties molles prévertébrales et de la graisse épidurale (figure 3). Le BK fut isolé à la ponction chirurgicale de l’abcès. En raison de l’importance des lésions osseuses et du risque d’atteinte médullaire, une arthrodèse a été

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Observation 3 Mme A.B., 65 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, présentait depuis cinq mois des névralgies cervicobrachiales, inflammatoires, mal systématisées, avec apparition quatre mois après d’un tableau d’hypertension intracrânienne et diminution de l’acuité visuelle sans déficit neurologique. La VS était à 50 mm à la 1re heure. Le scanner montrait un processus lésionnel du trou occipital, de l’arc postérieur de l’atlas et de l’axis avec envahissement des parties molles prévertébrales étendu de la charnière cervico-occipitale (CCO) jusqu’à C4 et réduction de la lumière de l’hypopharynx et l’oropharynx. La biopsie chirurgicale montrait un granulome épithélio-giganto-cellulaire avec nécrose caséeuse. La patiente fut traitée par rifampicine, izoniazide et pyrazinamide pendant un an avec une immobilisation plâtrée thoracocervicale et arthrodèse. Le recul évolutif est de 16 mois. Figure 2. Scanner cervical montrant des images lytiques de C1-C2.

Figure 3. Scanner cervical montrant un abcès latérocervical gauche étendu en endocanalaire avec lyse de l’arc postérieur de C1 et refoulement de la moelle vers la droite et en arrière.

réalisée associée à une immobilisation plâtrée thoracocervicale et à un traitement antibacillaire (rifampicine, izoniazide et pyrazinamide) pendant un an. La radiographie standard montrait un début de reconstruction osseuse des vertèbres lysées après la fin du traitement. Le recul évolutif est de 14 mois.

DISCUSSION Malgré la grande fréquence de la tuberculose ostéoarticulaire et notamment rachidienne dans les pays en voie de développement, le mal de Pott sous-occipital reste exceptionnel [3]. À notre connaissance, environ 100 cas ont été rapportés dans la littérature. C’est une pathologie du sujet jeune dont la moyenne d’âge est de 29 ans (51 ans chez nos patients). Elle peut se présenter sous différents tableaux cliniques. Il peut s’agir d’un tableau de cervicalgies banales généralement postérieures, le plus souvent asymétriques avec des irradiations vers la région occipitale, l’oreille, le membre supérieur [4]. Cette latéralisation correspondrait à une atteinte prédominante d’une masse latérale. La raideur cervicale est classiquement retrouvée dans près de 80 % des cas [2]. Parfois il s’agit d’emblée d’un tableau plus grave de compression médullaire à l’origine d’une tétraparésie ou d’une tétraplégie d’installation rapidement progressive ou insidieuse selon le mécanisme en cause [1, 2, 5]. En effet, ce tableau neurologique peut être secondaire à une dislocation C1–C2, par rupture ou désinsertion du ligament transverse, à une impression basilaire par écartement des masses latérales lysées ou encore à une extension d’un abcès froid épidural. Chez notre 1re patiente, le début aigu peut être expliqué par la grossesse et les mauvaises conditions socioéconomiques de même que l’atteinte multifocale : pulmonaire, ostéoarticulaire sur plusieurs étages et mammaire. Une autre particularité de notre observation est la localisation exceptionnelle au sein. Quelques très rares cas de

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tuberculose mammaire ont été rapportés en milieu endémique dans un tableau d’atteinte multifocale, chez des patientes immunodéprimées. La tuberculose atloïdo-axoïdienne peut également s’exprimer par des troubles psychiatriques [5], ou encore par une atteinte ORL : la paralysie du XII peut survenir dans 3,5 % des cas et la dysphagie dans 12,5 % des cas [2], elle est due à un abcès rétropharyngé qui peut également provoquer une dysphonie et une dyspnée. Les données radiologiques orientent vers le diagnostic. Au début de l’évolution, la sémiologie est discrète, en raison des difficultés d’interprétation de la radiologie conventionnelle, origine d’un grand retard diagnostique exposant alors au risque de compression médullaire. De profil, deux signes doivent alerter : la perte du parallélisme du bord inférieur de l’arc postérieur de C1 et du bord supérieur de l’apophyse épineuse de C2, et en avant l’augmentation de l’espace graisseux rétropharyngé. Celui-ci ne doit pas mesurer plus de 7 à 10 mm. Dans le cas contraire il existe un abcès prévertébral [2, 4, 6]. Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique permettent une meilleure définition des anomalies osseuses, des parties molles et des déplacements vertébraux [6-9]. En IRM, les corps vertébraux et les abcès apparaissent en hyposignal en T1 et en hypersignal en T2. L’IRM paraît être utile dans le diagnostic différentiel avec les spondylodiscites à pyogènes. En effet, des études IRM comparant les spondylodiscites tuberculeuses et celles à pyogènes trouvent que dans le 1er groupe, l’atteinte est généralement multifocale, les abcès sont plus volumineux, l’intensité du corps vertébral atteint est moins homogène en T2 et le renforcement de la périphérie par le gadolinium est plus fréquent que dans les spondylodiscites à pyogènes [9]. Le diagnostic différentiel peut se poser également avec les autres dislocations atloïdo-axoïdiennes non traumatiques (polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Grisel, spondylarthrite ankylosante) qui peuvent être facilement éliminées par le contexte clinique et l’absence d’images lytiques à la radiographie [10]. La confirmation du diagnostic est apportée par la mise en évidence du BK dans l’abcès, ou par la biopsie scannoguidée ou chirurgicale. Mais, dans les zones d’endémie et lorsqu’il existe des signes de présomption, la confirmation bactériologique ou histologique ne paraît plus indispensable pour instituer un traitement antibacillaire. Un faisceau d’arguments convergents permet de retenir le diagnostic : la notion de contage tuberculeux, la positivité de l’intradermoréaction,

l’aspect radiologique, l’existence d’autres localisations et la mise en évidence du BK à distance. Le traitement médical peut être suffisant. Tous les auteurs s’accordent sur la nécessité d’une immobilisation thoracocervicale en urgence allant de cinq mois à un an [1, 11-13]. Mais l’importance de certaines destructions osseuses, leur évolutivité et la durée de la phase de reconstruction rendent la minerve trop inconfortable et parfois insuffisante. Dans ces conditions ou en cas d’apparition de signes de compression évolutive, l’arthrodèse chirurgicale est indiquée [6, 12-14]. La voie d’abord peut être antérieure, postérieure ou combinée. Les abcès rétropharyngiens et épiduraux peuvent être drainés, s’ils sont volumineux, afin d’accélérer la guérison [1]. L’évolution se fait vers la reconstruction osseuse avec fusion et blocs vertébraux. Les radiographies standard montrent des images de condensations somatiques, de vertebra plana et de bloc vertébraux parallèlement à la guérison. En IRM, chez les malades traités correctement, le signal vertébral se normalise en quelques mois. CONCLUSION Malgré la fréquence de la tuberculose ostéoarticulaire dans les pays en voie de développement, la tuberculose atloïdo-axoïdienne reste exceptionnelle. Elle expose à une grande instabilité et à de graves complications bulbomédullaires. Le diagnostic est évoqué devant l’existence d’images radiologiques typiques. Le traitement est généralement médicochirurgical. RE´FE´RENCES 1 Akhaddar A, Gourinda H, Gazzaz M, Elmadhi T, Elalami Z, Miri A. Mal de Pott sous-occipital chez l’enfant. Rev Rhum [Éd Fr] 1999 ; 66 : 851-4. 2 Strecken J, Boissonnet H, Manzo L, Pheline C, Dobbelaer P, et al. Mal de Pott sous-occipital. Neurochirurgie 1987 ; 33 : 482-6. 3 El Maghraoui A, Benbouazza K, El Hassani S, Bezza A, Lazrak N, Hajjaj-Hassouni N. Les spondylodiscites tuberculeuses. Analyse d’une série de 63 cas. Sem Hôp (Paris) 1997 ; 33–34 : 1049-56. 4 Magnet M, Thierry A, Couaillier JF, Tavernier C, Strauss J. Ostéite tuberculeuse de l’atlas. À propos d’une observation. Rev Rhum Mal Ostéoartic 1984 ; 51 : 273-5. 5 Kanaan IU, Ellis M, Safi T, Al Kawi MZ, Coates R. Craniocervical junction tuberculosis : a rare but dangerous disease. Surg Neurol 1999 ; 51 : 21-5. 6 Roche PH, Malca SA, Pellet W. Spondylodiscite tuberculeuse. Éléments du diagnostic et intérêt de L’IRM. À propos d’une localisation cervicale. Neurochirurgie 1993 ; 39 : 248-53. 7 An HS, Vaccaro AR, Dolinskas CA, Bauerle WB. Differentiation between spinal tumors and infection with magnetic resonance imaging. Spine 1991 ; 16 : 334-8.

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