Méningites à Neisseria meningitidis sérogroupe W135 au Sénégal de 2000 à 2009

Share Embed


Descrição do Produto

Lettres à la rédaction / Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 493–500

Méningites à Neisseria meningitidis sérogroupe W135 au Sénégal de 2000 à 2009 Neisseria meningitidis serogroup W135 meningitis in Senegal from 2000 to 2009

Mots clés : Méningite ; Neisseria Meningitidis W135 ; Sénégal Keywords: Meningitis; Neisseria meningitidis W135; Senegal

1. Introduction Neisseria meningitidis sérogroupe W135 (Nm W135) a été impliqué dans les épidémies de méningite cérébrospinale qui ont atteint certains pays d’Afrique au sud du Sahara depuis 2002 [1,2]. Cette région était jusque là surtout concernée par des épidémies saisonnières dues à Neisseria meningitidis sérogroupe A, qui survenaient surtout dans les pays de la ceinture méningitique de Lapeysonnie [2]. Cette nouvelle situation était liée aux épidémies de Nm W135 (complexe ST-11/ET-37), survenues de 2000 à 2001 en Arabie Saoudite pendant le Hajj et qui ont été responsables de la diffusion internationale de la maladie consécutive au retour des pèlerins dans leurs pays [1]. Le Sénégal, contrairement aux pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Burkina et le Niger, n’a pas été concerné par les flambées épidémiques de 2002, malgré le nombre important de pèlerins qui participent au Hajj tous les ans [1,3]. Pourtant, les deux premiers cas publiés à Dakar et dus au même clone ont été observés durant cette période [4]. Depuis lors, il n’y a pas eu de travaux qui ont fait le point sur cette affection au potentiel épidémique important. Le but de notre enquête était de décrire les aspects épidémiologiques et évolutifs des cas de méningite à méningocoque W135 enregistrés dans les structures sanitaires du Sénégal depuis 2000 en collaboration avec le système de surveillance des maladies à potentiel épidémique.

495

polarisent des laboratoires de niveau district qui ne font que l’examen direct (état frais et Gram) et sont au nombre de 65 sur toute l’étendue du territoire national. Le laboratoire de bactériologie et virologie de la faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop est la structure de référence au niveau national. Il pilote les activités du réseau des laboratoires et est soumis à un système d’audit et de contrôle de qualité interne et externe. Il n’est cependant pas outillé pour faire les études biomoléculaires. Certains laboratoires tels que BIO-24, Institut Pasteur et le laboratoire de l’hôpital principal de Dakar ont la possibilité d’adresser leurs souches à des partenaires étrangers pour ce type d’analyse. Notre étude a consisté en une investigation systématique au niveau de tous les laboratoires nationaux de bactériologievirologie (CHNU Fann, Bio-24, Institut Pasteur de Dakar HEAR, hôpital Aristide-Le-Dantec, hôpital général de GrandYoff, hôpital principal de Dakar. . .). Les cas diagnostiqués au niveau des laboratoires des autres régions ont été colligés par l’intermédiaire du réseau national des laboratoires du Sénégal. Le diagnostic de méningite à méningocoque W135 était confirmé par l’étude bactériologique du LCR comprenant un examen direct positif montrant des diplocoques Gram négatif en grain de café et la mise en évidence d’antigènes solubles par agglutination au latex monovalent W135 ou bivalent Y/W135 (kit Pastorex® meningitis, Bio-Rad) et/ou la culture. La confirmation des sérogroupes et leur typage (phénotype, MLST) a été obtenus pour les deux premières souches grâce à la collaboration entre le laboratoire de bactériologie de l’hôpital principal de Dakar et le laboratoire de référence collaborateur OMS de l’institut de médecine tropicale du service de santé des armées à Marseille (IMTSSA). Les données bactériologiques (aspect macroscopique, coloration de gram, pléiocytose, culture, agglutination au latex, antibiogramme) et biochimiques (glycorachie et protéinorachie) ont été recueillies au niveau des registres des laboratoires de bactériologie et de biochimie qui avaient confirmé les cas. Les informations épidémiologiques (âge, sexe, adresse) et évolutives (décès, guérison, séquelles) ont été relevées à partir des registres et des dossiers d’hospitalisation.

2. Population d’étude et méthode 3. Résultats Nous avons mené une enquête à partir des cas notifiés au système de surveillance national des maladies à potentiel épidémique et confirmés par le réseau national des laboratoires, entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2009. La surveillance épidémiologique de routine est assurée au Sénégal par la division de la surveillance épidémiologique du ministère de la Santé et le réseau national des laboratoires assure le volet bactériologique de cette surveillance. Le système de surveillance épidémiologique est basé sur la déclaration hebdomadaire, par des points focaux, de tous les cas de méningite suspects ou confirmés, diagnostiqués sur toute l’étendue du territoire national. La confirmation des cas est assurée par les différents laboratoires du réseau national comprenant 16 laboratoires de niveau national tous situés à Dakar et 17 laboratoires de niveau régional qui réalisent tous les examens (état frais, coloration de Gram, agglutination au latex, culture, antibiogramme). Les laboratoires régionaux

Durant cette période d’étude de dix ans, 20 cas de méningite à Nm W135 ont été colligés, soit 2,9 % de l’ensemble des cas de méningite à Nm (688 cas). Parmi ces 20 patients, dont les caractéristiques sont résumées dans le Tableau I, 17 cas résidaient dans la région de Dakar et trois dans la région de Kaolack. Les deux premiers cas de la région de Dakar ont été hospitalisés à l’hôpital principal de Dakar et les autres cas ont été colligés à l’hôpital d’Enfants–AlbertRoyer (13 cas) et à la clinique des maladies infectieuses de Fann (deux cas). Le pic de fréquence (six cas) a été enregistré en 2005 alors qu’aucun cas n’a été recensé en 2002 et 2006. La majorité des cas provenait des zones suburbaines (11 cas). Dix-sept cas sont survenus au cours de la saison sèche (octobre–mai), en particulier au mois de mars (huit cas). L’âge

496

Lettres à la rédaction / Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 493–500

Tableau I Aspects épidémiologiques, paracliniques et évolutifs des méningites à méningocoque sérogroupe W135 diagnostiques au Sénégal entre 2000 et 2009. Epidemiological, paraclinical, and outcome features of meningococcus serogroup W135 meningitis diagnosed in Senegal from 2000 to 2009.

une hémiplégie. La durée moyenne d’hospitalisation était de 14 jours, avec des extrêmes de deux et 38 jours.

Paramètres Périodes (n = 20) 2000–2003 2004–2006 2007–2009 Tranches d’âge en années (n = 20) 0–5 6–15 > 15 Sexe (n = 20) Masculin Féminin Origine (n = 16) Urbaine Suburbaine Rurale Sensibilité aux antibiotiques testés Ceftriaxone (n = 9) Chloramphénicol (n = 5) Aminopénicillines (n = 10) Rifampicine (n = 4) Cotrimoxazole (n = 7) Évolution (n = 11) Décès Guérison

Fréquence

Pourcentage (%)

4. Discussion

5 9 6

25 45 30

9 7 4

45 35 20

11 9

70,6 29,4

3 11 2

18,7 68,8 12,5

9 5 9 4 1

100 100 90 100 14,3

1 10

9 91

Le sérogroupe W135 était responsable depuis plusieurs décennies de cas sporadiques isolés à travers le monde. Il a été identifié pour la première fois en 1968 et la première souche isolée en Afrique a été décrite en 1982 par Denis et al. au Sénégal [5]. Les épidémies survenues au pèlerinage annuel de la Mecque ou Hajj en 2000 et 2001 ont été suivies de cas secondaires dans tous les continents [1]. En Afrique, des épidémies meurtrières dues en partie à ce germe ont été enregistrées depuis 2002 au Burkina Faso et au Niger [1–3]. Des cas sporadiques avaient été cependant notés dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne sans qu’il y ait une véritable flambée épidémique [4,6]. Les résultats de notre travail suggèrent que les cas enregistrés au Sénégal depuis 2001 sont sporadiques. La grande majorité des cas de notre série (85 %) a été enregistrée durant la saison sèche et en particulier au mois de mars. Le même constat a été fait au Burkina Faso [7]. Cette saisonnalité est classique au cours des épidémies à méningocoques dans la ceinture de Lapeysonnie avec une corrélation entre la pluviométrie et la survenue d’épidémies de méningite à méningocoque [1,2]. L’atteinte prédominante des jeunes enfants a été aussi constamment retrouvées dans les autres travaux africains sur ce sujet, avec une moyenne d’âge de sept à neuf ans [6,7]. Toutes les souches testées de notre série étaient sensibles au chloramphénicol et aux céphalosporines de troisième génération qui sont les antibiotiques recommandés actuellement pour le traitement des méningites purulentes par l’OMS. Elles étaient également sensibles à la rifampicine, une des molécules utilisées pour la chimioprophylaxie des sujets contacts. Les souches de Nm W135 isolées dans d’autres pays africains étaient aussi sensibles à ces antibiotiques [1,6,7]. L’analyse biomoléculaire a montré que les deux premières souches appartenaient au même génotype (Nm W135:2a:P1.5,2) et phénotype (ST-11) que celles qui étaient responsables de l’épidémie d’Arabie Saoudite en 2000 et 2001 [4]. Les souches de méningocoques responsables de l’épidémie au Burkina Faso en 2002 avaient les mêmes caractéristiques biomoléculaires [1]. Le clone W135 ST-11 a été isolé dans les pays africains en 1993 et une étude de plusieurs souches isolées à cette époque dans des pays africains a révélé que les trois souches provenant du Sénégal, entre 2000 et 2001, appartenaient à ce clone [1,3]. La présence de ces souches en Afrique avant 2000 suggère selon certains auteurs que leur émergence a été favorisée par la pression vaccinale exercée sur les souches classiques A et C [7]. La même étude a noté l’émergence depuis 2002 du clône W135 ST-2881 responsable de cas sporadiques et qui doit être surveillé. C’est ce qui justifie l’intérêt de la réalisation du génotypage dans le cadre de la surveillance des souches au niveau national. La létalité, qui a été faible dans notre étude, était plus importante dans d’autres pays et l’émergence de clones hypervirulents a été évoquée par certains auteurs, y compris en Afrique [1,6,7].

médian des malades était de huit ans avec des extrêmes de deux mois et 54 ans et 85 % de cas de moins de 15 ans. Il y avait une légère prédominance masculine avec un sex-ratio égal à 1,2. Deux patients présentaient une comorbidité : un lymphome de Burkitt et un diabète. Une des patientes, âgée de 54 ans et hospitalisée au service des maladies infectieuses de Fann en mars 2001, revenait d’un pèlerinage à la Mecque et un contact familial avec des pèlerins venant de la Mecque a été établi pour les deux premiers cas. Nous n’avons pas eu d’information sur un éventuel contact avec un pèlerin lors de l’investigation des autres cas. Le LCR était en majorité purulent (60 %) et l’examen direct montrait une pléiocytose à prédominance de polynucléaires altérés (76,5 %) et des diplocoques à Gram négatif dans 75 % des cas. La culture effectuée sur 15 échantillons était positive (soit 88,2 %). Toutes les souches testées étaient sensibles à la ceftriaxone, à la rifampicine et aux phénicolés. La sensibilité aux aminopénicillines était de 90 %, alors que seules 14,3 % des souches étaient sensibles au sulfaméthoxazole-triméthoprime. L’agglutination au latex était positive chez les 20 cas dont huit au latex bivalent Y/W135 et 12 au latex monovalent W135. L’analyse de biologie moléculaire n’a été réalisé que pour les deux premières souches qui étaient des méningocoques W135:2a:P1.5,2 de séquence type ST-11. Les modalités évolutives n’étaient connues que pour 11 patients, dont un seul décès. Des complications ont été signalées chez deux patients dont un abcès du cerveau et

Lettres à la rédaction / Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 493–500

497

5. Conclusion

2 aoˆut 2010 18 novembre 2010

Les cas de méningite à Nm W135 que nous avons répertoriés au Sénégal entre 2000 et 2009 étaient peu nombreux et sporadiques. Les enfants étaient plus touchés. Une mise à disposition du vaccin tétravalent et une surveillance plus accrue de cette affection devraient être envisagées par les autorités sanitaires de ce pays et des autres pays d’Afrique subsaharienne. L’utilisation de tests rapides sensibles et spécifiques pourrait faciliter cette surveillance dans un contexte de ressources limitées.

Co-infection pulmonaire Pneumocystis et Staphylococcus aureus après chimiothérapie pour cancer bronchique

Déclaration d’intérêts

Pneumocystis and Staphylococcus aureus pulmonary coinfection after chemotherapy for lung cancer

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Mots clés : Staphylococcus aureus ; Cancer bronchique ; Pneumocystis

14 f´evrier 2011 Disponible sur Internet le 1 avril 2011 doi:10.1016/j.medmal.2011.02.005

Keywords: Staphylococcus aureus; Pneumocystis; Lung cancer

Références

1. Introduction

[1] Leimkugel J, Racloz V, Jacintho da Silva L, Pluschke G. Global review of meningococcal disease. A shifting etiology. J Bacteriol Res 2009;1(1): 6–18. [2] Chippaux JP. Control of meningococcal meningitis outbreaks in sub-Saharan Africa. J Infect Developing Countries 2008;2(5):335–45. [3] Nicolas P, Norheim G, Garnotel E, Djibo S, Caugant DA. Molecular epidemiology of Neisseria meningitidis isolated in the african meningitis belt between 1988 and 2003 shows dominance of sequence type 5 (ST-5) and ST-11 complexes. J Clin Microbiol 2005;4(10):5129–35. [4] Ndoye B, Colbalchini P, Nicolas P, et al. À propos des premiers cas sénégalais de méningite à méningocoques W135 de séquence type (ST)-11. Med Trop 2003;63(2):191–3. [5] Denis F, Rey JL, Amadou A, Saliou P, Prince-David M, M’Boup S, et al. Emergence of meningococcal meningitis caused by W 135 subgroup in Africa. Lancet 1982;11(2):1335–6. [6] Gottberg AV, Plessis M, Cohen C, et al. Emergence of endemic serogroup W135 meningococcal disease associated with a high mortality rate in South Africa. CID 2008;46:377–86. [7] Sanou I, Ouédrago R, Kizerbo GA, et al. Méningites à méningocoques du sérogroupe W135 : étude de 148 cas observés en 2002 et en 2003 au CHU de Ouagadougou. Burkina Faso Med Trop 2006;66(2): 137–42.

C.T. Ndour a N.M. Manga a,∗ M. Dia b B. Camara c F. Cissé d a Clinique des maladies infectieuses et tropicales Ibrahima Diop Mar, CHU de Fann, avenue Cheikh Anta Diop, BP 5035, Dakar, Sénégal b Réseau national des laboratoires de bactériologie et virologie du Sénégal, Sénégal c Hôpital d’Enfant–Albert-Royer (HEAR), Dakar, Sénégal d Laboratoire de bactériologie et virologie (HEAR), Dakar, Sénégal ∗ Auteur

correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (N.M. Manga).

L’apparition de lésions excavées du poumon chez un patient cancéreux en cours de chimiothérapie doit faire soulever plusieurs hypothèses diagnostiques. Il faut évoquer avant tout une progression tumorale et une infection opportuniste. 2. Présentation du cas Madame L, 66 ans, consultait en avril 2009 aux urgences pour altération de l’état général et douleurs articulaires inflammatoires évoluant depuis quatre mois. Dans ses antécédents, on retenait une chondrocalcinose articulaire, une cholecystectomie, une appendicectomie, une grossesse extra-utérine et une pose de prothèse totale de hanche gauche. La radiographie thoracique à l’entrée objectivait deux opacités homogènes lobaires supérieures droites, avec hypertrophie du hile gauche. La tomodensitométrie confirmait la présence d’un complexe gangliotumoral de 79 × 38 mm, de deux macronodules lobaires supérieurs droit, et de plusieurs adénomégalies médiastinales supra-centimétriques. Le bilan d’extension scannographique retrouvait des lésions secondaires hépatiques, surrénaliennes, cérébrales et cérébelleuses. La ponction ganglionnaire médiastinale transbronchique permettait de conclure à un carcinome bronchique à petites cellules. Le traitement décidé en RCP comprenait la pose d’une chambre implantable, trois cures de chimiothérapie par cisplatine et étoposide, associée à une irradiation de l’encéphale. Trois semaines après la troisième cure, la patiente signalait une toux avec expectoration mucopurulente. L’examen ne retrouvait pas de fièvre, de bonnes constantes hémodynamiques et des crépitants pulmonaires prédominants à droite. La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne montrait alors une réponse partielle au niveau du complexe gangliotumoral, des adénomégalies et des lésions à distance. On notait l’apparition de trois lésions excavées lobaires supérieures droites, à parois épaisses et irrégulières (Fig. 1). Le bilan biologique objectivait

Lihat lebih banyak...

Comentários

Copyright © 2017 DADOSPDF Inc.