Pachydermopériostose : à propos de deux cas

May 28, 2017 | Autor: K. Bouslama | Categoria: Genetics, Bone Formation, Image Features
Share Embed


Descrição do Produto

J Radiol 2005;86:340-3 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2005

fait clinique

ostéo-articulaire

Pachydermopériostose : à propos de deux cas L Rezgui-Marhoul (1), W Douira-Khomsi (1), K Bouslama (2), M Karoui (2), M Ben Dridi (2) et L Hendaoui (1)

Abstract

Résumé

Pachydermoperiostosis: a report of two cases J Radiol 2005;86:340-3

La pachydermopériostose ou l’ostéoarthropathie hypertrophiante primitive est une maladie génétique bénigne, associant hippocratisme digital, arthropathie, épaississement cutané et périostose des os longs. C’est une entité rare et peu connue qui pose des problèmes de diagnostic différentiel avec les ostéoarthropathies hypertrophiantes secondaires. Les auteurs rapportent deux nouveaux cas avec revue de la littérature.

Pachydermoperiostosis or primary hypertrophic osteoarthropathy is a benign genetically determined disease, manifested by finger clubbing, hypertrophic skin changes and periosteal bone formation. It is rarely reported and was for a long time misdiagnosed and confused with secondary hypertrophic osteoarthropathy. We present the imaging features in two cases and review the literature. Key words: Pachydermoperiostosis. Osteoarthropathy. Pachydermia.

a pachydermopériostose ou ostéoarthropathie hypertrophiante primitive est une entité radioclinique associant des manifestations cliniques et radiologiques : épaississement de la peau de la face et du scalp, hyperplasie des parties molles et anomalies osseuses des extrémités (1, 2). Décrite depuis 1868, cette maladie génétique bénigne est rare et d’étiologie encore non élucidée. Nous rapportons deux nouveaux cas avec revue de la littérature.

L

Observation n° 1 Mr. T.M. âgé de 24 ans, sans antécédent pathologique, se plaignait depuis 1 an de poly arthralgies distales devenant de plus en plus fréquentes et violentes avec l’apparition récente d’un épaississement marqué de la peau du visage et du cuir chevelu. L’état général était conservé. À l’examen, le faciès du patient était particulier avec un aspect gras du visage, luisant, boursouflé et rouge. Au niveau du front, on notait un épaississement du derme entraînant de grands sillons transversaux profonds. L’examen clinique montrait des mains élargies de grande taille avec des plis palmaires accentués des doigts boudinés, renflés aux extrémités en « baguette de

(1) Service d’Imagerie Médicale. (2) Service de Médecine Interne, CHU Mongi Slim, 2046 Sidi Daoud, la MarsaTunisie. Correspondance : L Rezgui-Marhoul E-mail : [email protected]

Mots-clés : Pachydermopériostose. Ostéoarthropathie. Pachydermie.

tambour ». Les pieds étaient aussi déformés boudinés. Le reste de l’examen clinique était, par ailleurs, normal. L’interrogatoire notait la notion de consanguinité des parents et aucun cas similaire dans la famille n’a été relevé. Des radiographies des mains et des pieds de face ont été réalisées, complétées par un bilan radiologique du squelette axial et périphérique. Elles ont permis de mettre en évidence une hyper ossification périostée bilatérale et symétrique touchant les os des extrémités et des membres sans dépasser les coudes et les genoux et sans syndrome lytique ou condensant associé (fig. 1a-c). Les bilans biologique et hormonal étaient normaux. Devant cette anomalie osseuse du squelette, un bilan étiologique a été démarré. Une radiographie du thorax, une échographie abdominale et cardiaque ainsi qu’une fibroscopie digestive ont été réalisées et sont revenues normales. Une pachydermopériostose dans sa forme complète a été retenue et un traitement à base d’anti-inflammatoire et d’isotrétinoïne a été démarré. L’évolution a été bonne avec un recul de 7 mois.

Observation n° 2 Mr. J.M. âgé de 58 ans, s’est plaint, depuis 9 mois de gonalgies bilatérales devenant de plus en plus handicapantes. L’examen clinique a noté une augmentation bilatérale du volume des genoux avec un flexum d’environ 30°. Les coudes et les

hanches étaient également un peu limités dans leurs mouvements. Aux extrémités, on notait une hypersudation associée à un hippocratisme digital. Les radiographies standard réalisées ont mis en évidence une hypertrophie des os longs avec épaississement diaphysaire et hyperostose périostée très marquée sans autre anomalie de la médullaire ou de la corticale osseuse (fig. 2a-c). Le bilan biologique mettait en évidence un syndrome inflammatoire avec une VS à 45 mm à la première heure. Une ostéoarthropathie hypertrophiante d’origine secondaire a été évoquée mais la recherche étiologique est restée négative (radiographie du thorax, échographie abdominale et cardiaque, examen ORL, fibroscopie bronchique avec biopsies systématiques, tomodensitométrie thoraco abdominale, fibroscopie digestive et colonoscopie). Devant la négativité du bilan étiologique, le caractère primitif de cette ostéoarthropathie hypertrophiante a été retenu et le patient a été mis sous traitement anti-inflammatoire non stéroïdien et des soins de kinésithérapie pour lutter contre le flexum des hanches et des genoux. Le patient a été perdu de vue.

Discussion La première identification de la pachydermopériostose a été faite par Friedrich en 1868, qui l’a appelée « hyperostose du squelette entier » (1, 3, 4). En 1935, un groupe de trois dermatologues : Touraine,

L Rezgui-Marhoul et al.

Pachydermopériostose : à propos de deux cas

341

a b c

Fig. 1 : a b c

Fig. 1: a b c

Solente et Gole, l’individualisent de l’ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique de Pierre Marie secondaire à un certain nombre d’affections thoraciques et extra thoraciques (5), et ce n’est qu’en 1948 que Vague lui attribue le nom de « pachydermopériostose » terme désignant actuellement l’ostéoarthropathie hypertrophique primitive (1). Il s’agit d’une affection rare, à caractère familial, qui se transmet selon un mode autosomique dominant, à pénétrance et à expressivité phénotypique variables (1, 3). Sa fréquence rapportée dans la littérature est de 3 à 5 % de l’ensemble des ostéoarthropathies hypertrophiantes (6, 7). Elle peut atteindre toutes les tranches d’âge avec une prédominance masculine et une tendance à la bilatéralisation de l’atteinte (1, 4). Trois formes cliniques de la pachydermopériostose ont été décrites : – La forme complète est la plus commune, se caractérise par la présence d’altérations cutanées à type de pachydermie pliJ Radiol 2005;86

Patient 1 radiographies des mains, des pieds et de la jambe droite de face montrant une hyper ossification périostée, un épaississement des corticales des tissus mous sans atteinte articulaire. Patient 1 Frontal radiograph of the hands, feet and right leg showing periosteal new bone formation in long bones and thickening of soft tissues.

caturée avec un épaississement de la peau de la face et du scalp ou « cutis verticis gyrata » bien visible au niveau du visage et notamment du front associées parfois à une atteinte palpébrale avec un ptosis bilatéral, une hypertrophie des glandes sébacées, des glandes sudorales eccrines et apocrines, une hypertrophie massive des extrémités avec hypertrophie palmoplantaire et hippocratisme digital (1, 2, 8, 9). – La forme incomplète ou maladie de Currarino, a été initialement décrite par Currarino en 1961 d’où son nom (7). Cette forme se caractérise par sa prédominance chez les sujets de race noire et la présence d’une ostéoarthropathie primitive avec retard de fermeture des fontanelles mais sans atteinte cutanée associée. – La forme fruste associe une pachydermie à des atteintes osseuses minimes (5, 10). Les anomalies histologiques constatées au cours de ces trois formes cliniques n’ont aucune spécificité : œdème, infiltration lymphoplasmocytaire, dilatation

et épaississement des petits vaisseaux auxquels succèdent l’apparition d’une hypertrophie du tissu conjonctif. Les lésions périostées sont analogues : hyper vascularisation avec œdème et infiltration cellulaire, puis hypertrophie conjonctive (1, 2). Le bilan biologique est souvent normal. Parfois, on peut noter une élévation transitoire des phosphatases alcalines ou de la vitesse de sédimentation au début de la maladie mais sans que cela ne soit spécifique (7). De même, un taux sérique d’ostéocalcine élevé chez ces patients a été rapporté par Oikarinen et al. mais aucune valeur discriminative n’a été établie (2, 4). Le mécanisme pathogénique de la pachydermopériostose reste encore mal connu. La plupart des auteurs plaident en faveur d’anomalies génétiques du fibroblaste (1, 6). D’autres pensent qu’il s’agit d’une hyperstimulation exogène de la prolifération de ces fibroblastes et incriminent dans la genèse de la maladie un facteur de croissance secrété par les plaquettes et les

342

Pachydermopériostose : à propos de deux cas

L Rezgui-Marhoul et al.

a b c

Fig. 2 : a b c

Fig. 2: a b c

cellules endothéliales « le Platelet Drived Groweth Factor » (1, 5). Cependant, certaines données permettent d’expliquer les déformations constatées. Au niveau du derme, la sécrétion anormale de protéoglycane et de collagène serait à l’origine d’une accumulation anormale de matrice extracellulaire d’où la pachydermie et le cutis verticis gyrata. L’atteinte osseuse serait expliquée par l’origine embryologique commune de ces fibroblastes avec les ostéoblastes, il en découle un déséquilibre entre l’activité ostéoclastique et ostéoblastique de l’os avec une augmentation de la résorption osseuse de l’os médullaire et une augmentation de l’activité ostéoblastique de l’os cortical responsable d’une périostose (1). L’imagerie repose sur les radiographies standard qui sont les examens de première intention et qui suffisent généralement au diagnostic ; elles permettent de mettre en évidence une hyper ossification périostée bilatérale et le plus souvent symétrique qui touche les os des extrémités sans dépasser les coudes et les

Patient 2 Radiographie du fémur gauche, des deux genoux et de la jambe gauche de face montrant l’hypertrophie des os longs, l’hyperostose périostée et l’épaississement des corticales et des parties molles sous cutanées. Patient 2 Frontal radiograph of the left femur, both knees and the left leg showing hypertrophy of long bones, periosteal new bone formation and soft tissue thickening.

genoux et sans atteinte articulaire associée. La scintigraphie osseuse révèle une hyperfixation au niveau des zones corticales (1, 5). La tomodensitométrie, quand elle est pratiquée, analyse bien l’ossification périostée puisqu’elle est sensible aux anomalies du périoste et de la corticale contrairement à l’IRM qui a peu d’intérêt et analyse mal la corticale osseuse (1113). Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les ostéoarthropathies hypertrophiantes secondaires qui sont de loin les plus fréquentes et le diagnostic de pachydermopériostose doit être un diagnostic d’élimination qu’il ne faut poser qu’après avoir éliminé une cause sous jacente (4, 7). Cette dernière, en général chronique, peut être pulmonaire (syndrome de Pierre Marie Bamberger) mais aussi pleurale, médiastinale, cardiaque, hépatique ou gastro-intestinale (7). En effet, même si certains paramètres cliniques ou radiologiques sont fortement évocateurs d’une pachydermopériostose, aucun signe n’est pathognomonique et une ostéoarthropathie hypertrophiante secon-

daire peut revêtir l’aspect de toutes les formes cliniques sus décrites (7). L’évolution est le plus souvent chronique avec alternance de poussées et de rémissions. Le génie évolutif est imprévisible et le pronostic de la maladie est souvent bon (6). Le traitement de la pachydermopériostose n’est pas univoque, il dépend de la forme clinique et du degré de l’atteinte osseuse et cutanée. Le traitement conventionnel inclut des antalgiques, des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens et de la colchicine (5, 6) avec une préférence particulière à la Phénylbutazone qui semble être plus efficace (6). Un traitement à base d’isotretinoïne voire même des tentatives de chirurgie esthétique ont été préconisés par certaines équipes en cas de pachydermie manifeste (5, 9). Récemment, certains auteurs ont démontré l’efficacité du traitement par tamoxifène (14) mettant en jeu l’influence de cofacteurs hormonaux agissant par le biais de récepteurs fibroblastiques pour les androgènes. J Radiol 2005;86

L Rezgui-Marhoul et al.

Conclusion La pachydermopériostose est une affection bénigne rare qui touche le derme, les tissus mous et l’os. Le diagnostic étiologique reste mal élucidé. La radiologie tient une place essentielle dans le diagnostic positif.

Pachydermopériostose : à propos de deux cas

4.

5.

6.

Références 1.

2.

3.

Combemale P, Kanitakis J, Maquart FX, D’incan M, Thomas L. La pachydermopériostose : Étude ultrastructurale. Ann Dermatol Venereol 1994;121:893-7. Offret H, Venencie Py, Fain J, Quillard J, Badarani N. Atteinte palpébro-conjonctivale de la pachydermopériostose. J Fr Ophtalmol 1996;19:64-8. Venencie PY, Blanchet P, Mallet V, Chantome A, Quillard J. Pachydermopériostose associée à un foyer d’hématopoïèse extra-médullaire sans myèlofibrose. Ann Dermatol Venereol 1998;125:193-5.

J Radiol 2005;86

7.

8.

Sinha Gp, Curtis P, Haigh D, Lealman GT, Dodds W, Bennett CP. Pachydermoperiostosis in childhood. British Journal of Rheumatology 1997;36: 1224-7. Beauregard S. Cutis verticis gyrata et pachydermopériostose : plusieurs cas dans une même famille. Résultats préliminaires du traitement de la pachydermie avec l’isotrétinoïne. Ann Dermatol Venereol 1994;121:134-7. Guyot-Drouot Mh, Solau-G, Cortet B, Deprez X, Chastanet P. Rhumatologic manifestations of pachydermoperiostosis and preliminary experience with bisphosphonates. The Journal of Rheumatology 2000;27:2418-23. Gaston- Carrette F, Porteau-Cassard L, Marc V, Zabraniecki L, Ginesty E. À propos d’un cas de maladie de Currarino (ostéoarthropathie hypertrophiante primitive sans atteinte cutanée). Rev Rhum 1998; 65:653-5. Araki Y, Tsukaguchi I, Nakamura H. Pachydermoperiostosis involving the skull and spine: MR findings. AJR Am J Rœntgenol 1993;160:664-5.

9.

10.

11.

12.

13.

14.

343

Cribier B, Lipsker D, Mutter D, Grosshans E. Pachydermie vorticellée occipitale : Traitement chirurgical de réduction. Ann Dermatol Venereol 1993;120:542-5. Rai A, Zaphiropoulos Gc. An unusual case of peri-articular soft tissue finger swelling an adolescent male: pachydermodactyly or pachydermoperiostosis? British Journal of Rheumatology 1994;33:677-9. De Padova-Elder SM, Ditre CM, Kantor GR, Elder JPJR. Cutis verticis gyrata and pachydermoperiostosis : demonstration with computed tomography. Arch Dermatol 1992;128:276-7. Demirpolat G, Sener RN, Stun EE. MR imaging of pachydermoperiostosis. J Neuroradiol 1999;26:61-3. Loredo R, Pathria MN, Salonen D, Resnick D. Magnetic resonance imaging in pachydermoperiostosis. Clin Imaging 1996;20:212-8. Maeda H, Kumagai K, Konishi F, Katayama Y, Hiyama K. Successful treatment of arthralgia with tamoxifen citrate in patient with pachydermoperiostosis. Rheumatology 2000;39:1158-9.

Lihat lebih banyak...

Comentários

Copyright © 2017 DADOSPDF Inc.