Stratégies thérapeutiques des méningites néonatales à Escherichia coli

June 29, 2017 | Autor: Xavier Durrmeyer | Categoria: Humans, Newborn Infant, Anti-Bacterial Agents
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Stratégies thérapeutiques des méningites néonatales à Escherichia coli Therapeutic strategies for Escherichia coli neonatal meningitis X. Durrmeyera,*, R. Cohena, E. Bingenb,c, Y. Aujardc,d aService de Réanimation Néonatale et Néonatalogie, Centre Hospitalier intercommunal de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil cedex, France. bService de Microbiologie, Université Paris-Diderot, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. cUniversité Denis Diderot, 5, rue Thomas Mann, 75013 Paris, France. dService de Réanimation et Pédiatrie Néonatales, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Résumé L’évolution des méningites néonatales à E. coli, précoces et tardives, est marquée par une mortalité élevée, 12  % à terme et 18  % chez le prématuré, des complications précoces –  abcès cérébral, ventriculite, infarctus ischémo-hémorragiques- et des séquelles fréquentes, neurosensorielles (14-17  %) et neuro-développementales (10-17  %). Ces complications, bien qu’observées même après un traitement précoce et efficace, sont plus fréquentes après un retard au traitement ou une antibiothérapie initiale inadaptée. Les autres principaux facteurs de mauvais pronostic sont des troubles hémodynamiques, des apnées, des convulsions, une hypoglycorachie et un EEG anormal. Le traitement antibiotique doit donc être le plus précoce possible et repose sur l’utilisation d’une céphalosporine de 3e génération (C3G) – en particulier le céfotaxime – en raison de ses caractères pharmacocinétiques-pharmacodynamiques (Pk-Pd) les mieux adaptés. Des molécules neuroprotectrices ont été récemment proposées de façon expérimentale pour améliorer le pronostic, inhibiteurs des médiateurs de l’inflammation ou du relargage de composants bactériens, inhibiteurs de l’apoptose. L’effet protecteur des corticoides est discuté. La ciprofloxacine présente une activité anti-inflammatoire intrinsèque et peut être utilisée en association avec le céfotaxime les premiers jours du traitement. Récemment la prévalence des souches d’E. coli résistantes aux C3G a augmenté, impliquant le recours au méropénème en cas de méningite confirmée à bacille à Gram négatif dans l’attente de l’antibiogramme et en cas de souche résistante au C3G. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. *Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19: S140-S144

Summary Outcome of early and late onset E. coli neonatal meningitis is poor with 12% (term infant) to 18% (premature infant) mortality rates. Early complications are cerebral abscesses, ventriculitis and ischemo-haemorragic cerebral lesions. Long term sequelae, particularly neurosensorial [14-17%] and neurodevelopmental [1017%] are frequent. Delayed or unadapted antibiotic treatment is associated with an excess of complications. Main risk factors are hemodynamic failure, apnea, seizures, hypoglycorachia and abnormal EEG. Antibiotics must be started as soon as possible with a third generation cephalosporin (3GC). Cefotaxime is the most largely 3GC used with good tolerance and the most appropriate Pk/PD parameters, frequently in association with ciprofloxacin. Experimentally, neuroprotective drugs were recently proposed to improve prognosis such as inflammatory inhibitors, leakage bacterial components inhibitors, PMN penetration inhibitors in CSF, apoptosis regulators. Clinically protective effect of corticosteroids is discussed. Ciprofloxacin has an intrinsic anti-inflammatory activity and seems interesting to use in addition to conventional antibiotherapy during the first days of treatment. Prevalence of 3GC-resistant E. coli is 5% in the vaginal flora of pregnant women in some hospitals in France; this rate leads to reconsider first line antibiotic treatment and to switch cephalosporin with meropenem in neonates with confirmed gram negative bacilli or 3GC-resistant E. coli meningitis. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Stratégies thérapeutiques des méningites néonatales à Escherichia coli

1. Introduction L’incidence des méningites néonatales est de 0,16 p. mille naissances vivantes en France  [1]. E.  coli est responsable de 6  % des cas de méningites précoces chez les nouveau-nés à terme versus 47 % chez les prématurés. Dans les méningites tardives, E.  coli est responsable de respectivement 34  % et 54  % des méningites du nouveau-né. Ces méningites sont responsables d’une mortalité et d’une morbidité, en particulier neurologique, élevées [2-4]. Seule une stratégie thérapeutique optimale, mise en œuvre dès que le diagnostic est évoqué, permet d’en réduire les séquelles. Ces méningites sont la conséquence d’une bactériémie, le plus souvent par translocation d’origine digestive [5]. La concentration bactérienne sanguine, les facteurs de virulence de la bactérie, dont l’antigène capsulaire K1, facilitent la rupture de la barrière hémato-méningée (BHM) [6]. Cette rupture favorise l’infection du LCR de façon assez spécifique à cet âge de la vie qui se complique souvent d’abcès cérébraux [7]. Le but du traitement est d’agir sur les conséquences directes infectieuses, et indirectes inflammatoires, de l’infection neuroméningée afin d’en réduire les conséquences sur le système nerveux central [6]. Enfin, des résistances d’E. coli aux C3G, ont été rapportées dans les méningites néonatales en France  [8] et nécessitent une adaptation du traitement antibiotique. La prévalence du portage dans les selles d’E. coli résistant aux C3G est supérieure à 4 % dans dans une population communautaire d’adultes jeunes [9]. Près de 5 % des E. coli isolés des prélèvements vaginaux chez la femme enceinte sont BLSE (P. Mariani-Kurdjian, 2011, non publié).

2. Physiopathologie de la méningite à E. coli La BHM représente une protection naturelle des cellules cérébrales contre les agents infectieux ou toxiques circulant dans le sang. Les jonctions serrées («  tight junctions  ») qui relient entre elles les cellules microvasculaires endothéliales cérébrales régulent de façon très sélective le passage d’ions et de molécules dans le tissu cérébral  [6,10]. Certaines souches d’E. coli possèdent des facteurs de virulence leur permettant de traverser la BHM et de pénétrer le système nerveux central (SNC) par voie hématogène [5,7]. L’invasion méningée est donc la conséquence d’une bactériémie le plus souvent secondaire à une translocation urinaire ou digestive. Le risque de localisation méningée dépend de l’intensité de la charge bactérienne sanguine  : il est de 5  % pour une concentration bactérienne < 103 cfu/ml et de 50 % au-delà [11]. Cette concentration seuil est d’autant plus facilement et rapidement atteinte par

E. coli K1 que l’antigène capsulaire K1 lui confère une résistance au pouvoir bactéricide du sérum. La présence de facteurs de virulence et leurs interactions avec le cytosquelette des cellules de la BHM de l’hôte permettent l’invasion des cellules endothéliales microvasculaires [6,10]. Le passage de la BHM par les bactéries entraîne un afflux cellulaire (pleïocytose) induisant une libération de molécules pro-inflammatoires (IL1ß/TNFα, CD18, PARP, MMP, NF-κB, caspases), qui à leur tour favoriseront l’afflux de cellules inflammatoires  [6]. Ces molécules sont responsables de lésions neuronales, rapidement irréversibles et à l’origine des séquelles neurologiques cliniques observées.

3. Implications thérapeutiques 3.1. Traitement antibiotique Il repose sur une antibiothérapie précoce, adaptée au germe et au site de l’infection. Les essais randomisés publiés dans les années 1980 montrent l’avantage des céphalosporines de 3e génération par rapport à l’association ampicilline +  chloramphénicol  [12]. La sensibilité de la bactérie est un paramètre essentiel dans le choix de l’antibiotique. Les données pharmacocinétiques-pharmacodynamiques (Pk/Pd) des antibiotiques permettent d’affiner le choix du traitement. Les E. coli sont dans 40  % des cas résistants à l’ampi/amoxicilline ; le céfotaxime est le traitement recommandé y compris en cas de sensibilité de la souche à l’amoxicilline en raison de son quotient inhibiteur (concentration d’antibiotitique dans le LCR/CMI) plus favorable (10  fois plus élevé qu’avec l’amoxicilline même en présence de souches sensibles). D’une façon générale, les concentrations d’antibiotiques obtenues dans le LCR sont très inférieures aux concentrations sériques équivalentes, mais la demi-vie est plus longue (tableau I). Le rapport des concentrations sérum/LCR des ß-lactamines varie, selon les molécules, les études et le moment du prélèvement, de 2 à 20 %. Dans les méningites expérimentales, les meilleurs critères Pk/Pd prédictifs d’une efficacité optimale pour les ß-lactamines sont d’obtenir une concentration dans le LCR au moins 10  fois supérieure à la CMI de l’antibiotique et d’être 100 % du temps au dessus de la CMI. Ces données impliquent que les doses d’antibiotiques soient élevées, doubles de celles utilisées dans les infections systémiques, soit 200  mg/ kg/j pour le céfotaxime en période néonatale. Avec ces posologies, les concentrations des ß-lactamines sont suffisantes dans le LCR, mais restent faibles dans le parenchyme cérébral, ce qui contribue au développement d’abcès cérébraux dans 10 à 20 % des cas, malgré une antibiothérapie in vitro efficace. Pour les E. coli sensibles, non producteurs de β-lactamase à spectre

X. Durrmeyer et al.

Archives de Pédiatrie 2012;19: S140-S144

étendu (BLSE), le céfotaxime est à la fois la molécule la mieux tolérée, la plus maniable et celle qui permet d’obtenir les meilleurs paramètres Pk/Pd. La ceftriaxone est contrindiquée en période néonatale. Pour les E. coli sécréteurs de BLSE et donc résistants aux C3G, les carbapénèmes restent les seules β-lactamines actives. Parmi les carbapénèmes, le méropénème est à la fois le plus maniable et celui qui permet d’obtenir les meilleurs paramètres Pk/Pd  [13,14]. Son utilisation est préférable à celle de l’imipénème dont l’excipient contient de la cilastatine, composé neurotoxique et qui accroit le risque de convulsions. Depuis quelques années, le pourcentage de femmes enceintes porteuses de E. coli producteurs de BLSE (de type CTX-M le plus souvent) dans les prélèvements vaginaux augmente régulièrement pour atteindre 4,69  % à ce jour (P. Mariani-Kurdjian, données hôpital Robert Debré 1992-2012, non publié). La conséquence en est l’augmentation du risque de colonisation ou d’infection des nouveau-nés par ces E. coli porteurs de BLSE. Le changement des règles actuelles d’antibiothérapie probabiliste devrait se poser à terme. Devant une méningite néonatale dont l’examen direct révèle la présence d’un bacille à Gram négatif doit-on remplacer le céfotaxime par le méropénème lors de l’instauration du traitement initial ? La réponse est probablement positive dans le cadre des méningites néonatales – et cette attitude est impérative si le nouveau-né  – ou sa mère –  sont connus pour être colonisés par un E. coli porteur de BLSE. En revanche, un carbapénème ne se justifie pas devant une suspicion de méningite (absence de germe à la coloration de gram) ou LCR non recueilli. Le retour au céfotaxime est impératif si la bactérie y est sensible sur l’antibiogramme. Les aminosides cumulent de nombreux désavantages dont des CMI élevées et des concentrations dans le LCR et le parenchyme cérébral très modestes. Ils ne peuvent être donc utilisés que comme traitement d’appoint, dans le but

d’obtenir une synergie et une bactéricidie plus rapide en l’absence de preuve clinique de leur bénéfice. Les fluoroquinolones – essentiellement la ciprofloxacine – sont largement utilisées en association aux ß-lactamines depuis plus de 20  ans en France, dans les méningites néonatales à BGN. La ciprofloxacine possède plusieurs avantages théoriques : concentrations dans le LCR et le parenchyme cérébral satisfaisantes, CMI basses quand la souche est sensible à la ciprofloxacine et à l’acide nalidixique et activité sur les bactéries quiescentes. Ces molécules n’ont pas fait l’objet de larges études prospectives mais de nombreux «  case reports  » et d’une étude pilote française  [15]. Cette dernière étude multicentrique prospective a concerné 26  nouveau-nés présentant une méningite néonatale dont 15 avaient reçu un traitement associant β-lactamine, aminoside et ciprofloxacine et 21 un traitement associant β-lactamine et aminoside (groupe contrôle). La ciprofloxine était administrée les 5 premiers jours du traitement à une posologie de 20 mg/kg/j dans la première semaine de vie et de 30 mg/kg/j au-delà. Les résultats à court et moyen terme sont indiqués dans le tableau II. Globalement, aucune complication à court terme n’a été observée chez 93  % des nouveau-nés du groupe ciprofloxacine vs 43  % des nouveaunés du groupe contrôle. À 12-24 mois de vie, l’évolution neurodéveloppementale était normale dans respectivement 87 vs 58 % des cas. Cette étude comportait plusieurs biais : absence de randomisation, épidémiologie bactérienne différente dans les 2 groupes, absence de sous-groupe en fonction du terme. Toutefois, la rareté de la pathologie et les problèmes éthiques qu’elle sous-tend, expliquent l’absence de confirmation de ces résultats dans une plus large étude contrôlée. Les choix thérapeutiques à envisager en fonction de la sensibilité d’E. coli aux ß-lactamines et aux quinolones sont indiqués dans le tableau III. Les posologies généralement utilisées dans les méningites néonatales sont indiquées dans

Tableau I Propriétés PK/PD des antibiotiques disponibles. CMI 50 (mg/l)

CMI 90 (mg/l)

C médiane (mg/l)

QI50

QI 90

Amoxicilline

4

512

3

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