Tuberculomes cérébraux : à propos de six cas

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revue neurologique 165 (2009) 943–948

Me´moire

Tuberculomes ce´re´braux : a` propos de six cas Brain tuberculomas: Six cases R. Battikh a,*, M. Yedeas b, J. Labidi a, N. Ben Abdelhafidh a, J. Zaouali b, A. Sellami b, R. Mrissa b, O. Azzouz b, B. Louzir a, M. Ben Moussa c, N. Ben Abdallah d, S. Othmani a a

Service de me´decine interne, hoˆpital militaire de Tunis, Montfleury, 1008 Tunis, Tunisie Service de neurochirurgie et de neurologie, hoˆpital militaire principal d’instruction, Tunis, Tunisie c Laboratoire de microbiologie, hoˆpital militaire principal d’instruction, Tunis, Tunisie d Service de radiologie, hoˆpital militaire principal d’instruction, Tunis, Tunisie b

info article

r e´ s u m e´

Historique de l’article :

Introduction. – Malgre´ la recrudescence de la tuberculose, l’atteinte ce´re´brome´ninge´e

Rec¸u le 11 juin 2008

demeure rare, ne repre´sentant que 2 a` 5 % des localisations tuberculeuses.

Rec¸u sous la forme re´vise´e le

Patients et me´thode. – Nous rapportons six cas de tuberculomes ce´re´braux survenus chez des

7 fe´vrier 2009

patients VIH ne´gatifs, hospitalise´s entre 2001 et 2006 au service de me´decine interne de

Accepte´ le 17 mars 2009

l’hoˆpital militaire de Tunis (Tunisie).

Disponible sur Internet le

Re´sultats. – Les ce´phale´es, la fie`vre, les troubles de la conscience, un syndrome de´ficitaire ou

23 avril 2009

un syndrome ce´re´belleux e´taient les principaux signes cliniques. Le tuberculome e´tait sous forme disse´mine´e dans quatre cas et sie´geait au niveau du tronc ce´re´bral dans deux cas. En

Mots cle´s :

dehors des deux cas confirme´s par l’examen anatomopathologique ou par l’isolement du BK

Tuberculome

dans le liquide ce´phalorachidien, le diagnostic e´tait pre´somptif dans les autres cas. Un

Mycobacterium tuberculosis

traitement antituberculeux conduit pendant 13 mois en moyenne, associe´ dans cinq cas a`

Cerveau

une corticothe´rapie de quatre a` six semaines, a permis la gue´rison chez cinq patients.

Tronc ce´re´bral

Conclusion. – Les tuberculomes ce´re´braux sont caracte´rise´s par leur polymorphisme cli-

IRM

nique. Malgre´ un traitement adapte´, leur pronostic reste re´serve´. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Antituberculeux Keywords: Tuberculoma

abstract

Mycobacterium tuberculosis Brain

Introduction. – Despite the resurgence of tuberculosis, partly due to HIV infection, central

Brain stem

nervous system involvement remains rare, accounting for only 2 to 5% of all tuberculosis

MRI

forms.

Antituberculosis

Patients et method. – We report six cases of brain tuberculomas occurring in patients free of HIV infection and hospitalized between 2001 and 2006 in the internal medicine department of a Tunisian military hospital (Tunis). Results. – Four patients had an underlying defect. Headache, fever, consciousness disorders, deficit disorder or cerebellar syndrome are the main symptoms. Tuberculomas were multiple and disseminated in four cases and localized in the brain stem in two cases.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Battikh). 0035-3787/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2009.03.006

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Positive diagnosis could be established in two cases on the basis of the pathology results of a brain biopsy or detection of Mycobacterium tuberculosis in the cerebrospinal fluid; the diagnosis was presumptive in the other cases. Five patients recovered under antituberculosis treatment maintained on average 13 months (11 to 16 months). Steroid treatment was associated in five patients and tapered off for four to six weeks. One 78-year-old diabetic patient died in a context of cachexia with multiple organ failure. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1.

Introduction

Bien que l’incidence des formes extrapulmonaires de la tuberculose semble en augmentation, notamment chez les patients immunode´prime´s, les localisations neurome´ninge´es, notamment les tuberculomes, restent rares. Nous rapportons six cas de tuberculomes ce´re´braux survenus chez des patients se´rone´gatifs pour le VIH et particulier par leur forme clinique : forme disse´mine´e (quatre cas), tuberculome du tronc ce´re´bral (deux cas).

2.

Observations

Six patients (quatre femmes et deux hommes), aˆge´s en moyenne de 55 ans (44 a` 78 ans), ont e´te´ hospitalise´s pour tuberculomes ce´re´braux dans le service de me´decine interne de l’hoˆpital militaire de Tunis entre 2001 et 2006 (Tableau 1). Quatre patients avaient une tare sous-jacente (diabe`te : un cas ; insuffisance re´nale chronique secondaire a` une ne´phropathie diabe´tique : un cas ; amylose re´nale : un cas ; hypothyroı¨die : un cas). Le motif d’hospitalisation e´tait un syndrome de´ficitaire dans deux cas, un syndrome ce´re´belleux dans un cas, des troubles de la conscience dans deux cas et un syndrome confusionnel dans un cas. Le de´but e´tait brutal dans quatre cas et progressif dans deux cas, avec un de´lai moyen d’hospitalisation respective de ` l’examen a` l’admission, il e´tait note´ 3,5 jours et de 2,5 mois. A une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral chez tous les patients, une fie`vre dans quatre cas (moyenne : 39 8C), des troubles de la conscience dans deux cas (obnubilation : un cas ; coma : un cas), un syndrome me´ninge´ dans deux cas, un syndrome ce´re´belleux dans deux cas, une he´mipare´sie gauche dans deux cas, un syndrome confusionnel dans un cas, une he´miple´gie gauche dans un cas et un syndrome quadripyramidal dans un cas. Les ce´phale´es furent signale´es par tous les patients. L’he´mogramme avait objective´ une hyperleucocytose dans deux cas (moyenne : 14 300 e´le´ments/mm3), une lymphope´nie dans quatre cas (moyenne : 870 e´le´ments/mm3 ; extreˆmes : 650 a` 980 e´le´ments/mm3). Le syndrome inflammatoire biologique e´tait constant avec une valeur moyenne respective de la vitesse de se´dimentation (VS), de la CRP et de la fibrine´mie a` 50 mm la premie`re heure (35 a` 125 mm), a` 54 mg/l (15 a` 195 mg/l) et a` 4,4 g/l (4 a` 4,7 g/l). La se´rologie VIH e´tait ne´gative chez tous les patients. Une tomodensitome´trie ce´re´brale, effectue´e dans quatre cas, e´tait normale dans deux cas. Elle avait objective´ dans un cas une formation tissulaire au niveau du tronc ce´re´bral de 3 cm de diame`tre, prenant le produit de contraste en pe´riphe´rie d’une fac¸on annulaire. Dans l’autre cas, elle avait mis en e´vidence deux le´sions annulaires parie´tales droites (20 mm)

et du tronc ce´re´bral (5 mm), hypodenses, avec prise de contraste en pe´riphe´rie et œde`me pe´rile´sionnel. L’IRM pratique´e chez tous les patients avait objective´ une le´sion e´le´mentaire en hyposignal en ponde´ration T1 dans tous les cas. En ponde´ration T2, cette le´sion e´tait en hyposignal dans trois cas et en hypersignal dans trois cas. Le rehaussement apre`s injection de gadolinium e´tait annulaire dans tous les cas. Ces le´sions e´taient sous forme disse´mine´e en sus- et sous-tentoriel dans quatre cas (Fig. 1). Au niveau du tronc ce´re´bral, la le´sion e´tait unique dans un cas (Fig. 2) et double dans l’autre cas. La taille des le´sions e´tait variable de quelques millime`tres a` 3 cm. Par ailleurs, l’IRM ce´re´brale avait mis en e´vidence un discret œde`me pe´rile´sionnel dans trois cas, une prise de contraste me´ninge´e dans deux cas et des le´sions d’ische´mie ce´re´brale dans un cas e´voquant une vascularite ce´re´brale associe´e. Une biopsie ste´re´otaxique pratique´e chez deux patients n’e´tait contributive que dans un cas en objectivant une re´action gigantocellulaire avec ne´crose case´euse. La recherche de BK dans les crachats et les urines (six cas) et le LCR (quatre cas) n’e´tait positive que dans un cas (LCR). En dehors des cas confirme´s par l’examen anatomopathologique (un cas) ou par l’isolement du BK dans le LCR (un cas), le diagnostic e´tait pre´somptif dans les autres cas, base´ sur l’e´volution favorable sous traitement antituberculeux et sur des e´le´ments d’orientation : la notion de contage tuberculeux (deux cas), la pre´sence de fie`vre vespe´rale associe´e a` des sueurs et une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral

Fig. 1 – IRM ce´re´brale (SE T1 avec injection de gadolinium) : multiples tuberculomes en sus- et en sous-tentoriel (cas 1). Brain MRI (SE T1 with gadolinium injection): multiple supraand infratentorial tuberculomas (case 1).

Tableau 1 – Tableau re´capitulatif des six cas de tuberculomes ce´re´braux Summary table of six cases of brain tuberculomas. ˆ ge/Sexe Cas n o A

Tare

De´lai de Fie`vre IDR consultation

Sie`ge des le´sions (nombre)

Le´sions associe´es (IRM ce´re´brale)

Ce´phale´es He´mipare´sie G Sd ce´re´belleux Sd quadripyramidal Raideur me´ninge´e

E´tage sus- et sous-tentoriel (multiples)

¨de`me pe´rile´sionnel

7700 (690)

Ce´phale´es Coma

E´tage sus-et sous-tentoriel (multiples)

Vascularite ce´re´brale

15 200 (2100)

1

44 ans/F

Aucune

3 mois

+

2

52 ans/F

Diabe`te IRC

2 jours

0

3

63 ans/M

Aucune

2 mois

+

+

Ce´phale´es He´mipare´sie G Ataxie ce´re´belleuse

Tronc ce´re´bral (unique)

¨de`me pe´rile´sionnel

5500 (1800)

4

65 ans/F

Hypothyroı¨die

2 jours

0

+

Ce´phale´e He´miple´gie G

Parie´tale D tronc ce´re´bral (2 le´sions)

¨de`me pe´rile´sionnel

5

78 ans/F

Diabe`te

7 jours

+

Ce´phale´es Obnubilation Sd me´ninge´e

E´tage sus-et sous-tentoriel (multiples)

6

78 ans/M

Amylose re´nale

3 jours

+

Ce´phale´es Sd confusionnel

PL

Diagnostic

Dure´e CT E´volution du traitement antituberculeux

15

Normale

Anapath (biopsie ce´re´brale)

14 mois

+

F

195

Normale

Pre´somptif

16 mois

+

F

20

NF

Pre´somptif

16 mois

+

F

9600 (1200)

25

NF

Pre´somptif

12 mois

+

F

Prise de contraste me´ninge´e

13 400 (670)

36

Me´ningite lymphocytaire hypoglycorachique

Pre´somptif

35 jours

E´tage sus- et

Prise de

7100 (920)

34

Me´ningite

Bacte´riologique

11 mois

sous-tentoriel (multiples)

contraste me´ninge´e

lymphocytaire hypoglycorachique

(isolement de BK dans le LCR)

De´ce´de´e (j37)

+

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+

GB/mm3 CRP (lymphocytes/ (mg/l) mm3)

Signes neurologiques

F

F : fe´minin ; M : masculin ; IRC : insuffisance re´nale chronique ; IDR : intradermore´action a` la tuberculine ; G : gauche ; Sd : syndrome ; D : droite ; GB : globules blancs ; PL : ponction lombaire ; NF : non faite ; LCR : liquide ce´phalorachidien ; CT : corticothe´rapie ; F : favorable.

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Fig. 2 – IRM ce´re´brale (SE T1 avec injection de gadolinium) : tuberculome du tronc ce´re´bral (cas 3). Brain MRI (SE T1 with gadolinium injection): brain stem tuberculoma (case 3).

(trois cas), une intradermore´action (IDR) a` la tuberculine supe´rieure a` 10 mm chez des patients non vaccine´s (deux cas), la pre´sence d’une image pulmonaire e´voquant un ante´ce´dent d’une tuberculose pulmonaire (un cas), une me´ningite lymphocytaire hypoglycorachique (deux cas). Un traitement antituberculeux quadruple (INH – rifampicine – e´thambutol – pyrazinamide) prescrit pendant deux mois e´tait relaye´ par une bithe´rapie (INH – rifampicine) pour une dure´e totale de 13 mois en moyenne (11 a` 16 mois). Une corticothe´rapie a` doses de´gressives e´tait prescrite chez cinq patients pour une dure´e totale de quatre a` six semaines. L’indication e´tait la pre´sence d’un œde`me pe´ri le´sionnel (trois cas), la pre´sence d’un syndrome confusionnel avec atteinte me´ninge´e (un cas), la pre´sence d’un coma en rapport a` une vascularite ce´re´brale (un cas). L’e´volution fut favorable dans cinq cas, avec une ame´lioration progressive de la symptomatologie clinique et biologique (recul moyen : trois ans). Les le´sions radiologiques avaient disparu au bout d’une anne´e de traitement en moyenne chez quatre d’entre eux (neuf a` 15 mois). Un patient (cas 3) avait garde´ une petite le´sion punctiforme au niveau du tronc ce´re´bral sans traduction clinique et sans signes d’e´volutivite´ a` l’IRM de controˆle faite une anne´e apre`s l’arreˆt du traitement. Une patiente diabe´tique (cas 5), aˆge´e de 78 ans, est de´ce´de´e au 37e jour d’hospitalisation dans un tableau de cachexie avec de´faillance multivisce´rale secondaire probablement a` une tuberculose disse´mine´e.

3.

Discussion

Malgre´ la recrudescence de la tuberculose, en partie lie´e a` l’infection par le VIH, l’atteinte ce´re´brome´ninge´e demeure rare, ne repre´sentant que 2 a` 5 % des localisations tuberculeuses. Elle se manifeste essentiellement sous forme de me´ningite. Les tuberculomes ce´re´braux repre´sentent 15 a` 30 % des formes de tuberculoses du syste`me nerveux central

(Bargallo et al., 1993; Flanney et al., 1993). Cette fre´quence est de 24 % dans une se´rie tunisienne de 122 cas de tuberculoses du syste`me nerveux central (Kilani et al., 2003). Les tuberculomes repre´sentent 35,3 % de l’ensemble des cas de tuberculoses neurome´ninge´es hospitalise´s dans notre service durant une dizaine d’anne´es (17 cas). Les tuberculomes ce´re´braux surviennent a` tout aˆge de la vie sans pre´dominance de sexe (White et al., 1994). La formation d’un tuberculome passe par plusieurs phases. La confluence d’un conglome´rat de microgranulomes dans une zone d’ence´phalite aboutit a` la formation d’un tuberculome mature non case´ifie´. Dans la plupart des cas, une ne´crose case´euse centrale se de´veloppe, d’abord solide, mais elle peut dans certains cas se lique´fier et on parle d’abce`s. Le plus souvent, les tuberculomes ont une capsule comportant du tissu collage`ne, des cellules e´pithe´loı¨des, des cellules de Langhans et des lymphocytes (Bargallo et al., 1993; Garg, 1999). Les mauvaises conditions socioe´conomiques, le diabe`te (deux cas), les pathologies cance´reuses, l’insuffisance re´nale chronique (un cas), les traitements immunosuppresseurs, l’infection par le VIH sont les facteurs de risque souvent signale´s (Kilani et al., 2003). Un des patients avait une amylose re´nale avec un syndrome ne´phrotique et aucun d’eux n’e´tait se´ropositif pour le VIH. Les signes neurologiques re´ve´lateurs sont ceux d’un processus expansif intracraˆnien. Il peut ainsi s’agir de ce´phale´es, de de´ficits neurologiques focaux, de crises d’e´pilepsie ou encore de confusion (Garg et al., 1999). En dehors des crises convulsives, tous les autres symptoˆmes pre´cite´s e´taient pre´sents dans notre e´tude. Des cas totalement asymptomatiques sont rapporte´s chez des patients hospitalise´s pour miliaire tuberculeuse pulmonaire (Gupta et al., 1997). Les e´le´ments d’orientation diagnostique tels qu’une tuberculose pulmonaire e´volutive (une patiente), un ante´ce´dent de tuberculose, la notion de contage tuberculeux (deux patients) et les signes ge´ne´raux tels que fie`vre et amaigrissement peuvent manquer (Gropper et al., 1994). Les tuberculomes ce´re´braux sont habituellement associe´s a` une autre localisation tuberculeuse, ge´ne´ralement pulmonaire. Cette dernie`re peut eˆtre occulte mais responsable de la diffusion he´matoge`ne du BK vers le parenchyme ce´re´bral (Garg, 1999). Un des patient avait des stigmates d’un passe´ tuberculeux et une patiente avait une tuberculose pulmonaire et urinaire e´volutive. Rarement les tuberculomes ce´re´braux s’associent a` une me´ningite (deux cas dans notre se´rie) qui peut eˆtre le foyer d’origine mais qui peut eˆtre secondaire a` la rupture d’un tuberculome dans l’espace sous-arachnoı¨dien (Berenguer et al., 1992). Le sie`ge des tuberculomes est variable. Classiquement, la localisation a plutoˆt tendance a` eˆtre soustentorielle chez l’enfant et sus-tentorielle chez l’adulte. Dans 15 a` 20 % des cas, les tuberculomes sont multiples (quatre cas dans notre se´rie) (Arvind et al., 1993). Les tuberculomes he´misphe´riques, qui repre´sentent 50 % des cas, sont longtemps bien tole´re´s avant de se manifester par des crises convulsives ou un syndrome de´ficitaire (cas 4), souvent par effet de masse. Ils sie`gent fre´quemment aux lobes parie´taux et de manie`re significative plus souvent dans l’he´misphe`re gauche, en concordance avec l’hypothe`se d’une disse´mination embolique par voie he´matoge`ne plus fre´quente sur l’he´misphe`re dominant (Arvind et al., 1993). Les tuberculomes du tronc ce´re´bral (cas 3 et 4) sont rares et ne repre´sentent que 2,5 a` 8 % de l’ensemble des tuberculomes (Arvind et al., 1993). Les

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diffe´rences de tailles et de localisations anatomiques des tuberculomes du tronc expliquent l’extreˆme varie´te´ de leur expression se´miologique. Des ce´phale´es, une paralysie oculomotrice, un de´ficit moteur, comme ce fut le cas chez deux des patients, par atteinte des fibres longues, une ataxie, voire un syndrome alterne, sont les symptoˆmes les plus fre´quemment rencontre´s. Une alte´ration de la conscience, probablement par souffrance de la substance re´ticule´e, une hydroce´phalie d’origine me´canique sont possibles (Arvind et al., 1993). Plus rarement, ces tuberculomes peuvent se localiser au niveau des citernes, la fosse poste´rieure, le chiasma optique, la selle turcique, les tubercules quadrijumeaux, le corps calleux, les amygdales ce´re´belleux, le plexus choroı¨de, le troisie`me ventricule, l’espace sous-dural, les cavite´s mastoı¨diennes ou du sinus caverneux (Arvind et al., 1993). Des tuberculomes en plaque sur la me´ninge corticale faisant discuter le diagnostic de me´ningiome ou un empye`me sous-dural ont e´te´ rapporte´s (Van Dellen et al., 1998). Les aspects radiologiques du tuberculome ce´re´bral ne sont pas spe´cifiques. Le scanner ce´re´bral re´ve`le le tuberculome comme une le´sion isodense ou hyperdense dans les formes calcifie´es et qui, apre`s injection d’iode, se rehausse en couronne ou de fac¸on nodulaire (White et al., 1994). L’IRM est plus sensible que le scanner pour la de´tection des tuberculomes de petite taille et ceux localise´s au tronc ce´re´bral (Jinkins et al., 1995; Kilani et al., 2003; Kupta et al., 1990). Ils sont iso- ou hypo-intenses par rapport a` la substance grise en T1 et se rehaussent de fac¸on annulaire apre`s injection de gadolinium. Sur les se´quences ponde´re´es T2, ils apparaissent habituellement en hyposignal entoure´s d’un hypersignal correspondant a` l’œde`me pe´rile´sionnel (Jinkins et al., 1995; Kilani et al., 2003). La taille des tuberculomes est variable. Dans la se´rie de Boukobza et al. (1999), tous les tuberculomes (huit cas) avaient un diame`tre infe´rieur a` 10 mm. Salgado et al. (1989) ont de´crit des tuberculomes plus volumineux, entoure´s d’un important œde`me, et visibles en T1 sous la forme d’un hyposignal. En revanche, lorsque les le´sions sont petites, elles ne sont pas visibles en T1 et apparaissent en T2 sous forme d’une hyperintensite´ punctiforme. Pour d’autres, ces le´sions passent inaperc¸ues en T2 et c’est la se´quence apre`s contraste qui apporte plus d’informations et les tuberculomes sont identifie´s quelle que soit leur taille (Kupta et al., 1994; Salgado et al., 1989; Whiteman et al., 1995). Kioumehr et al. (1994), a` partir d’une se´rie de 18 patients (dont dix e´taient se´ropositifs pour le VIH), de´crivent un aspect diffe´rent des tuberculomes a` l’IRM suivant le stade e´volutif de la le´sion. Les petits tuberculomes peuvent apparaıˆtre comme des le´sions disse´mine´es de signal variable, alors que les tuberculomes matures sont plus volumineux, ont un centre hypo-intense et sont entoure´s d’œde`mes ; le rehaussement a` ce stade peut eˆtre nodulaire mais e´galement en anneau. Le diagnostic diffe´rentiel se pose surtout avec l’abce`s tuberculeux et avec les le´sions tumorales lorsqu’elles sont encapsule´es et a` centre ne´crotique (Kioumehr et al., 1994). L’abce`s est ge´ne´ralement plus volumineux que le tuberculome. Il est souvent unique, multiloculaire avec un centre ne´crotique de signal liquidien a` l’IRM et s’accompagnant d’un œde`me pe´rile´sionnel plus important (Kilani et al., 2003; Van Dellen et al., 1998). Il sie`ge le plus souvent au niveau des he´misphe`res ce´re´braux, dans la re´gion cortico-sous-corticale

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et au niveau des noyaux gris centraux, mais e´galement au niveau du cervelet ; beaucoup plus rarement, il se de´veloppe au niveau du tronc ce´re´bral et dans les ventricules (Boukobza et al., 1999). Par ailleurs, les le´sions ayant une attache dureme´rienne peuvent ressembler a` un me´ningiome (Boukobza et al., 1999). Le diagnostic diffe´rentiel se pose diffe´remment chez les patients VIH+. Il faut e´voquer dans cette e´ventualite´ la toxoplasmose et le lymphome (Boukobza et al., 1999). La pre´sence au scanner de calcifications, associe´es a` un rehaussement en anneau appele´ « target sign », est conside´re´e par certains auteurs comme spe´cifiques de tuberculome (Bargallo et al., 1996; Bargallo et al., 1993). Pour d’autres, ce signe n’est pas exclusif des tuberculomes et il peut se voir au cours des lymphomes et des abce`s a` toxoplasme ou d’origine bacte´rienne non spe´cifique (Bargallo et al., 1996; Bargallo et al., 1993). Le diagnostic de certitude repose sur la mise en e´vidence du bacille tuberculeux dans les pre´le`vements bacte´riologiques ou sur une histologie montrant un granulome tuberculeux (Pagnoux et al., 2000). Sous traitement antituberculeux, une re´gression comple`te ou partielle des le´sions ce´re´brales est obtenue dans 62 a` 88 % des cas (Kilani et al., 2003; Salgado et al., 1989). Cette involution se fait lentement, sur plusieurs mois, et la re´solution de´finitive n’est souvent obtenue que tre`s tardivement (12 mois en moyenne dans notre se´rie). La re´gression en taille est lente dans le premier mois (7,3 %), puis rapide de 15 a` 20 % par mois. L’œde`me disparaıˆt progressivement en six mois (Awada et al., 1998). Les tuberculomes d’un diame`tre infe´rieur a` 1 cm re´gressent beaucoup plus rapidement en quatre a` dix semaines, alors que l’on compte entre cinq et huit mois pour les le´sions de 2,5 cm de diame`tre (Awada et al., 1998). L’augmentation de la taille des le´sions et l’apparente non re´ponse au traitement dans les premie`res semaines malgre´ un traitement bien adapte´ sont une e´ventualite´ non exceptionnelle (aucun cas dans notre se´rie) justifiant une surveillance attentive par imagerie car ils peuvent eˆtre a` l’origine de l’aggravation d’une hypertension intracraˆnienne ou d’une compression (Awada et al., 1998; Nicolls et al., 2005). E´tant donne´ le me´canisme immunopathologique a` l’origine de ce phe´nome`ne, apre`s s’eˆtre assure´ de la sensibilite´ du BK et de la bonne observance du patient au traitement, il est habituellement be´ne´fique de faire appel a` l’action anti-inflammatoire des corticoı¨des (Afghani et Lieberman, 1994). Le de´veloppement paradoxal de multiples tuberculomes ce´re´braux au cours du traitement est possible, mais les le´sions finissent par disparaıˆtre avec la poursuite du traitement (Jinkins et al., 1995). Une gue´rison comple`te est obtenue chez la moitie´ des patients et des se´quelles neurologiques a` type de convulsions ou d’atrophie optique sont note´es dans 37 % des cas (Pagnoux et al., 2000; Stelianides et al., 1997). Une ence´phalomalacie re´siduelle, des calcifications peuvent apparaıˆtre (Jinkins et al., 1995). Le traitement antituberculeux associe initialement l’isoniazide, la rifampicine, l’e´thambutol et la pyrazinamide pendant deux mois, relaye´s par une bithe´rapie (isoniazide, rifampicine). En l’absence d’e´tudes, la dure´e recommande´e du traitement est de neuf a` 12 mois. Une corticothe´rapie est souvent associe´e en cas d’œde`me ce´re´bral extensif ou d’atteinte me´ninge´e associe´e (Arvind et al., 1993; Awada et al., 1998; Kioumehr et al., 1994; Kupta et al., 1990; Steichen et al., 2006).

948 4.

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Conclusion

Les tuberculomes ce´re´braux restent une localisation rare de la maladie tuberculeuse. Ils sont caracte´rise´s par un polymorphisme clinique entraıˆnant souvent un retard diagnostic. L’IRM est l’examen de choix pour e´voquer le diagnostic, surtout celui des tuberculomes de petite taille et ceux du tronc ce´re´bral. Leur pronostic reste re´serve´ malgre´ l’ame´lioration de leur prise en charge.

Conflits d’inte´reˆts Aucun.

r e´ f e´ r e n c e s

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