17/2016 Textes et documents au temps des Guerres d’Italie : Alciato, Gagliano, Guicciardini, Machiavel, Sforza

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17/2016 Textes et documents au temps des Guerres d’Italie : Alciato, Gagliano, Guicciardini, Machiavel, Sforza

Éloge de la lettre JEAN-LOUIS FOURNEL

Full text À l’issue de la préparation de ce volume, le comité de rédaction de Laboratoire italien tient à remercier chaleureusement Edwige Lambert pour son travail de préparation des volumes de notre revue, et notamment de ce numéro particulier « Textes et documents ». 1

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Depuis sa création il y a plus de quinze ans, notre revue a voulu, au travers de sa rubrique « Textes et documents », laisser une place régulière à la publication de textes inédits – voire, éventuellement et plus rarement, à la republication de textes difficiles d’accès, y compris dans les plus grandes bibliothèques publiques. Ce choix n’était pas dicté par un attrait pour l’érudition gratuite. Encore moins pour le fétichisme des présumées pépites oubliées n’ayant de valeur que pour ces « antiquaires » amoureux des fragments de statue dont se moque Machiavel dans le prologue aux Discours sur la première décade de Tite-Live. Ce dont nous voulons rendre compte ainsi, c’est de notre conviction qu’un texte n’a jamais disparu, qu’il est toujours prêt à retrouver vie grâce aux lectures que l’on peut en faire. Toute analyse sérieuse passe par la lecture et la relecture de la lettre des textes qui constituent les sources de notre réflexion : il existe de la sorte une forme de disponibilité du texte qu’il nous revient d’accueillir et de prendre en considération. Cette présence de la lettre des textes est d’ailleurs une composante de ce que nous sommes plusieurs à appeler, dans le travail effectué depuis quinze ans au sein de cette revue, « philologie politique », une tension faite de notre attention à la vie des mots, une attention qui passe y compris par les pratiques de traduction auxquelles nous avons consacré le numéro précédent de Laboratoire italien. La conviction que nous portons est que cette vie des mots est susceptible de nous dire quelque chose de crucial sur les formes d’engagement des acteurs dans le verbe et sur les usages des textes qu’ils ont écrits, qu’il s’agisse de la façon dont leurs contemporains s’en saisissent ou des usages qui en sont faits ultérieurement. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons considéré qu’il y avait quelque pertinence à consacrer un numéro entier de notre revue à ces « Textes et documents »

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qui nous sont chers. Les propositions reçues nous le permettaient ; nous avons donc saisi l’occasion qui se présentait : voilà donc ces cinq traces écrites qui ont en commun d’avoir été rédigées dans le premier quart du XVIe siècle et par des acteurs engagés dans la vie politique de leur temps. Ils sont donc tous marqués par la perception des bouleversements induits par le début des guerres d’Italie. Ainsi se succéderont les textes suivants, selon l’ordre alphabétique des auteurs, puisqu’il n’était pas question d’une autre organisation de ces cinq articles, compte tenu des longueurs et natures très différentes de ces écrits. En premier lieu, on y trouvera une comédie inédite du célèbre juriste (avocat et professeur de droit) Alciato (que les Français du XVIe siècle nommaient Alciat), son Phylargyrus rédigé pour l’essentiel entre avril et septembre 1523 (avec quelques ajouts importants en 1527). Antonio Nogara nous en offre ici une édition critique, assortie de la traduction du texte en italien. Sur le modèle des comédies grecques – à laquelle il reprend y compris la tradition des chœurs – et notamment d’Aristophane, dont il traduisit Les Nuages, Alciato entend faire de l’écriture comique une arme contre le vice en général, mais aussi contre tous ceux qui ont emprunté le chemin du vice : la comédie devient ainsi clairement un texte d’intervention qui n’hésite pas à s’en prendre à des personnes encore en vie et se veut clairement de nature politique. Nous proposons ensuite une édition des ricordi insérés dans le « libro debitori e creditori » de Giuliano da Gagliano présentés par Agnès Pallini-Martin, qui souligne que « ces quelques folios d’écrits familiaux et historiques ne sont sans doute pas destinés à être lus par d’autres que son auteur et ne concernent pas son activité marchande, spécificités qui leur donnent un caractère singulier ». Ces ricordi sont rédigés à partir de 1503 (jusqu’en 1521) et sont insérés dans un livre de compte qui fut ouvert, lui, en 1495, une date dont il est inutile de souligner l’importance quand on parle d’un texte écrit par un marchand lié à la banque des Médicis et qui était revenu depuis peu dans sa ville natale après un long séjour en France. Ce texte de ricordi est notamment singulier par la typologie polymorphe qu’il offre avec une tripartition entre récit politique, récit militaire et récit familial, placés dans une sorte de paratexte des livres de compte. C’est bien la période troublée vécue par les Florentins qui semble imposer dans la pratique quotidienne du marchand-banquier un entrecroisement de ces récits répondant à des logiques différentes. Marcello Simonetta présente en troisième lieu une série de lettres inédites autour du « Tumulto del Venerdì », ce soulèvement florentin qui a précédé de quelques semaines le renversement du régime médicéen en avril 1527 : ces lettres ont la particularité de procurer un regard extérieur – celui de l’ambassadeur ferrarais Orazio Floridi, en l’occurrence –, sur les événements qui ont souvent été illustrés par le seul regard interne des grands historiens florentins, notamment celui de Francesco Guicciardini, qui était un des acteurs essentiels de la chose et dont le récit des événements (Storia d’Italia, XVIII, 7) peut se prêter à un intéressant débat sur l’articulation entre écriture de l’histoire, autobiographie et expérience personnelle. Andrea Guidi nous offre ensuite un inédit bref mais très important de Machiavel qui est consacré à une « Minuta di provvisione per la restituzione dei beni agli eredi dei Medici e per la riforma dello stato », rédigé à l’automne 1512, et montre notamment comment le Secrétaire florentin tentait encore et toujours, y compris après le retour des Médicis au pouvoir, d’intervenir dans le jeu politique de la cité mais aussi comment, plus largement, le départ du gonfalonier à vie, Piero Soderini, dont Machiavel était le conseiller privilégié, avait ouvert une période d’instabilité institutionnelle qui dura quelques mois. Enfin, Séverin Duc publie « une étude de la survie du pouvoir princier, en Lombardie, au moyen de l’écrit, et ce, au temps des guerres d’Italie ». Il s’agit de deux plis diplomatiques produits à l’automne 1526 par Francesco II Sforza, duc de Milan. Conservés à l’Archivio di Stato de Milan, ils illustrent le statut crucial des textes diplomatiques dans une période de guerres permanentes, dans lesquelles la survie

même des États est un enjeu immédiat de la confrontation entre les armées du roi de France et celles de l’Empereur sur le sol italien. En 1526, un an après la bataille de Pavie, marqué par la déroute de l’armée de François Ier, le duché de Milan est mis en coupe réglée par les troupes impériales, ce qu’entreprend de dénoncer dans ces plaidoyers pro domo, mêlant reconstructions partiales du passé et « subtils usages du futur », Francesco Sforza, le duc de Milan qui s’est réfugié dans la République de Venise. Bonne lecture !

References Electronic reference

Jean-Louis Fournel, « Éloge de la lettre », Laboratoire italien [Online], 17 | 2016, Online since 30 August 2016, connection on 20 December 2016. URL : http://laboratoireitalien.revues.org/949

About the author Jean-Louis Fournel By this author

Gabriele Pedullà, Machiavelli in tumulto. Conquista, cittadinanza e conflitto nei Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio [Full text] Rome, Bulzoni, 2011, Europa delle corti / Biblioteca del Cinquecento, 635 pages, 44 € Published in Laboratoire italien, 14 | 2014

René Demoris, Florence Ferran, Corinne Lucas. Art et violence. Vies d’artistes entre XVIe et XVIIIe siècles. Italie, France, Angleterre [Full text] Fiorato éd. Paris, Desjonquères, 2012, 332 pages, 29 €. Published in Laboratoire italien, 13 | 2013

Guido Alfani, Il Gran Tour dei cavalieri dell’Apocalisse. L’Italia del « lungo cinquecento » (1494-1629) [Full text] Padoue, Marsilio, 2010, 303 pages, 28 € Published in Laboratoire italien, 13 | 2013

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Jean Balsamo, Vito Castiglione Minischetti, Giovanni Dotoli, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, Les traductions de l’italien en français au XVIe siècle [Full text] Published in Laboratoire italien, 10 | 2010

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