[2016] Documents arabes trouvés à Dongola

May 29, 2017 | Autor: Naïm Vanthieghem | Categoria: Sudan, Arabic Papyrology
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Naïm Vanthieghem

DOCUMENTS ARABES TROUVÉS À DONGOLA

Les documents arabes africains trouvés en dehors de l’Égypte sont encore mal connus. Ils permettent pourtant d’apprécier avec finesse l’ampleur de la diffusion de la culture arabe en Afrique (voir par exemple Luffin 2004). L’équipe de Włodzimierz Godlewski a eu la chance depuis 2007 de mettre au jour plusieurs textes sur le site de la citadelle de Dongola ; ils sont d’un intérêt certain pour déterminer la pénétration en Nubie de l’art du document en langue arabe. La découverte la plus spectaculaire a été réalisée en 2007 dans une maison (Citadelle SWN.H.01), située en bordure de la citadelle. Il s’agit de quatre documents rédigés sur papier en arabe, qui avaient été emballés individuellement dans un morceau de tissu, lui-même fermé par une cordelette et probablement un sceau d’argile. Le tout avait été placé, conformément à une habitude bien attestée depuis l’Antiquité (Vandorpe 2009  : 219–226), dans un pot de terre.1 Il s’agit manifestement là des restes d’archives familiales, étant donné que nous avons affaire à une accumulation ou d’un classement délibéré de documents (Martin 1994 ; Vandorpe et Waebens 2009). Les quatre papiers sont tous de nature juridique. Deux sont complets, un autre presque intact  ; le dernier, enfin, est fort fragmentaire. Aucun d’eux n’est précisément daté ; le texte ADd.07.452 mentionne cependant une année de rédaction  : l’acte aurait été écrit en l’année où le roi ʿAwn Allāh fut renversé, à la veille de sa mort, devant la sāqiya dite « du blé » (al-širāʾ wuqiʿa fī al-sana allaḏī [sic] malik ʿAwn Allāh al-Malīk tafaqqasa fī zaman al-ḥaṣād qabla sāqiyat al-qamḥ). Comme le roi nous est inconnu, il est 1

impossible de déterminer à quelle année de notre comput cela peut bien correspondre. En définitive, seuls la comparaison paléographique avec des documents égyptiens et surtout le contexte archéologique permettent de suggérer une datation de ces pièces quelque part au XVIIe siècle. Elles ont, apparemment, été établies par des notaires différents ainsi qu’en attestent le nom des scribes indiqué à la fin des textes : le premier est un certain ḥāǧǧ Muḥammad fils de Sulaymān (ADd.07.450), l’autre ʿĪsā fils de ʾAḥmad (ADd.07.452), le dernier un autre kātib, dont le nom n’est pas identifiable pour l’instant (ADd.07.447). Le formulaire de ces quatre documents est, autant qu’on puisse en juger, assez similaire. Tous commencent par l’invocation al-ḥamd li-llāh waḥdahu («  Louange à Dieu, l’unique  »), typique des documents depuis la fin de l’époque mamelouke et courante dans les documents de l’époque ottomane. Le corps du texte débute par les mots taḏkira mubāraka (« billet béni »), suivi d’une expression adverbiale qui signifie « ensuite » (baʿduhu ou ʾamma baʿd) et marque la transition avec ce qui va suivre. L’exposé de la procédure est introduit par une forme d’inaccompli (« allaḏī nuʿlimu bihi ʾan »), comme dans ADd.07.452, ou d’impératif (« iʿlam ʾan »), comme dans ADd.07.447, du verbe ʿalima (« savoir »). Après l’expositio, se trouvent enfin les témoignages. Le document ADd.07.446 [Fig. 17-1] est trop fragmentaire pour que l’on puisse en faire quoi que ce soit. On peut juste dire qu’il y est question d’une sāqiya. Quant au papier ADd.07.450, il s’agit d’une transaction passée entre deux frères et qui porte sur une somme d’argent ; l’état

Cette boîte renfermait, selon toute vraisemblance, les biens les plus précieux de son propriétaire, qui y a également placé des bijoux en or.

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Chapter 17

du texte ne permet cependant guère davantage de considérations. Le document ADd.07.450 [Fig. 17-3] porte une mise en gage. Idrīs, fils de ʿĪsā semble avoir emprunté une somme de 3 ¾ écus ; en contrepartie, il met en gage une sāqiya, dite de ʿAlī, fils

de Samīr. L’acte a été conclu en présence de cinq témoins : ʿAltūb, ʿAbd al-Raḥmān, fils de Manāl, le ḥāǧǧ ʿAbd al-Qāsim, Muḥammad, fils de ʿĪsā, dont on apprend qu’il a six ans, ainsi que le ḥāǧǧ Muḥammad fils de Sulaymān. Dans la marge supérieure du document, le notaire a ajouté une

Fig. 17-1. Document ADd.07.446

Fig. 17-2. Document ADd.07.452

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Dongola 2012-2014

Part III – The Citadel in the Funj period: sites B and SWN

Naïm Vanthieghem – Documents arabes trouvés à Dongola

note dont le sens est obscur : naṣṣ al-rubʿ (« texte du quart »). Au verso, on lit une note d’archivage wa-huwa bi-manfaʿatihā (« et il [scil. le document] est pour son profit »). Le document ADd.07.452 [Fig. 17-2] est la conséquence directe de la mise en gage. Idrīs n’a manifestement pas pu rembourser la dette qu’il avait contractée et le bien mis en gage, un quart de la sāqiya, est vendu pour assurer la liquidation de la dette. L’acte a été conclu en présence de cinq témoins : ʿĪsā, fils de ʾAḥmad, ʿAlī, fils d’Idrīs, le ḥāǧǧ Ibrahīm, le ḥāǧǧ Muḥammad, fils de Sulaymān, Muḥammad, fils de Ǧawd Allāh, et ʿAbd Allāh, fils de Ḥākim. Ont également assisté à la conclusion de l’acte au tribunal le

ḥāǧǧ Yūsuf fils d’Idrīs, Dāwūd, fils de Ḥākim et ʿAwn Allāh, fils de Ḥasan. En 2010 la fouille de la maison C.1.H.9 (Citadelle C.1), située au nord-ouest de la maison C.1.H.1 a permis de mettre au jour de nouveaux documents. Il s’agit de deux textes magiques, dont l’un (ADd.10.257, Fig. 17-4) avait été soigneusement placé dans un pot de petite taille, du type de celui utilisé pour conserver les quatre documents déjà mentionnés. Les deux textes, écrits au moyen d’une écriture informelle, ne présentent, comme il est usuel pour les papiers de ce type, aucune date  ; le contexte archéologique permet cependant de supposer qu’ils furent écrits au XVIIe siècle au plus tard.

Fig. 17-3. Document ADd.07.450, verso et recto

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Part III – The Citadel in the Funj period: Sites B and SWN

Fig. 17-5. Document ADd.10.258, verso et recto

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Le premier texte (ADd.10.257, Fig. 17-4) est écrit sous forme de trois cercles concentriques disposés autour d’une spirale. La fonction de cette amulette, dont la mise en page est inhabituelle, n’est pas claire. Les mots qui y sont tracés sous une forme orthographique douteuse sont empruntés à Coran IX, 46. La fonction du second document (ADd.10.258, Fig. 17-5) est elle aussi difficile à appréhender. La mise en page du texte est cette fois banale  : celui-ci a été écrit sur un coupon oblong et au verso, une fois le document replié en un carré exigu, un sceau magique composé de triangle et de deux neufs a été tracé au moyen d’un trait particulièrement épais. Le texte magique est constitué de divers versets coraniques : on lit d’abord la formule lā hawl wa-lā quwwa ʾillā bi-llāh al-ʿalī al-ʿaẓīm (« il n’y a de puissance, ni de force qu’en Dieu, le Très-Haut, le Grand »), qui n’est pas sans parallèle dans les documents magiques d’Égypte, puis des formules empruntées entre autres à Coran IX, 46 et XVIII, 25. On ne peut aujourd’hui que souhaiter que les fouilles sur le site de la citadelle de Dongola puissent être à l’avenir aussi fructueuses que les précédentes et qu’elles permettront de mettre au jour de nouveaux témoignages de la présence arabe en Nubie et ailleurs sur le continent africain.

Dongola 2012-2014

Fig. 17-4. Document ADd.10.257

Chapter 17

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