A propos des édifices de spectacle Arvernes

September 23, 2017 | Autor: Patrice Montzamir | Categoria: Archaeology
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A propos des édifices de spectacle Arvernes

Jusqu’à très récemment, aucun édifice de spectacle, théâtre ou amphithéâtre, n’était attesté chez les Arvernes. Puis, en l’espace de quelques années, ce sont trois structures de ce type qui ont été identifiées. La première, à Lezoux, était totalement inconnue. Si l’hypothèse d’un amphithéâtre à l’emplacement de la place circulaire des Rameaux avait été infirmée par les multiples sondages ne trouvant qu’un terrain vierge 1, plusieurs autres effectués en 2002, place Jean-Rimbert, ont mis au jour une partie de ce qui semble bien être un amphithéâtre utilisé du IIe au IVe siècle ap. J.-C. 2. La seconde structure, le Mur des Sarrasins du puy de Montaudou, sur la commune de Ceyrat, avait déjà été proposée comme un théâtre par P.  F. Fournier 3, mais les arguments définitifs manquaient. Des sondages réalisés en 2005 par C. Le Barrier ont retrouvé des éléments pouvant être interprétés comme des gradins, tandis que d’autres suggèrent que ce théâtre fut associé à un sanctuaire 4, le fait étant très courant en Gaule. L’idée d’un sanctuaire sur le puy de Montaudou avait par ­ailleurs été 1. P. Bet avec la collab. de D. Counord-Montineri et S. Roussy, Groupes d’ateliers et de potiers de Lezoux (Puy-de-Dôme) durant la période gallo-romaine, in L. Rivet (dir.), SFECAG, Actes du congrès d’Orange, 12-15 mai 1988, Marseille, 1989, p. 221-240. 2. H  . Dartevelle, F. Letterlé, Auvergne, in L’archéologie préventive entre 2002 à 2005 en région, Rapport au parlement, 2006, p. 75-76. 3. P  .-F. Fournier, Découvertes postérieures à 1954 et compléments de l’inventaire des découvertes antérieures, in E. Deforges et al., Nouvelles recherches sur les origines de Clermont-Ferrand, PUBP, Clermont-Ferand, 1970, p. 344 et n. 164. 4. G. Thivat, Une découverte archéologique majeure, in La Montagne, Clermont-Ferrand Métropole du 13 mai 2008. Revue « des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze » t. 112 - 2014

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formulée depuis très longtemps 5. Il est donc difficile de penser que ce théâtre aurait été celui d’Augustonemetum, d’autant plus qu’il est assez éloigné de la cité. Il suffit par ailleurs d’évoquer l’exemple d’Augustodunum, où un théâtre se trouve à proximité du « temple de Janus », tandis qu’un autre se trouve intra muros. Le troisième fut découvert lors des fouilles de 2011 sur le puy de Corent, au sud du sanctuaire 6. Le plan de ce très petit théâtre se rapproche de ceux des théâtres « ruraux ». Ces trois édifices sont-ils pour autant les seuls ? Peut-être pas. Entre 1901 et 1906, A. Audollent et G. Ruprich-Robert ont fouillé une petite construction à l’est du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme 7. Ils ont découvert une structure orientée nord-est de forme carrée d’un peu plus de 9 m. de côté. Ce carré était traversé à peu près au niveau du premier tiers depuis l’est par un mur orienté nord-est/sud-ouest. Audollent y voyait un temple, sans doute en raison de la découverte d’une statuette de Mercure à proximité 8, mais ce bâtiment restait en grande partie un mystère. La présence d’une plinthe dessinant l’apparence d’une scène dans ce qui semblait être l’intérieur du bâtiment était elle aussi étrange. En fait, il est possible que cette structure corresponde au bâtiment de scène d’un théâtre, avec le postscaenum à l’arrière du mur de scène et l’estrade empiétant sur l’orchestra. Cette forme est en effet assez fréquente en Gaule romaine 9, et le plan de l’édifice du puy de Dôme montre des similitudes très fortes avec celui des bâtiments de scène des théâtres de Corent, de Lyons-la-Forêt 10, d’Argentomagus 11, d’Alésia 12, de Dalheim 13, d’Arleuf 14, d’Alba-la-Romaine ou encore de Saint-Cybardeaux (fig. 1). Les dimensions seraient assez proches de celles de Corent ou d’Arleurf, ce qui en ferait un édifice de taille relativement modeste. Son positionnement à l’est du sommet expliquerait sans doute en partie ces dimensions, alors que le temple de Mercure est l’un des plus 5. M  . Provost, C. Mennessier-Jouannet, Carte archéologique de la Gaule 63/2 - Le Puy-deDôme, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1994, p. 55. 6. M. Poux, A. Pranyies, P.-Y. Milcent (dir.), Corent, Rapport de fouilles 2011, p. 26-88. 7. J.-P. Tixier, Les temples du puy de Dôme, in Sanctuaires arvernes. Les lieux de cultes antiques en Auvergne. Livret-guide de l’exposition, Clermont-Ferrand, PNRVA/CERAA, 1985, p. 38-39. 8. M. Provost, C. Mennessier-Jouannet, op. cit., p. 231. 9. E. Frézouls, Le théâtre gallo-romain. De l’imitation à l’aventure architecturale in Dossiers histoire et archéologie, 134, 1989, p. 22-23. 10. M.-A. Dollfus, Le Théâtre « rustique » gallo-romain de Lyons-La-Forêt, in Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1970, p. 109-119. 11. F  . Dumasy, Argentomagus, in Dossiers histoire et archéologie, 134, 1989, p. 64-68 ; Id. , Le théâtre d’Argentomagus (Saint-Marcel, Indre), Paris (DAF 79), 2000. 12. A  . Olivier, E. Rabeisen, Alésia, in Dossiers histoire et archéologie, 134, 1989, p. 58-63. 13. J. Krier, R. Wagner, Ricciacum-Dalheim, ville romaine sur la voie d’Agrippa, in Dossiers d’archéologie, hors-série 5, 1995, p. 68. 14. L  . Olivier, Arleuf, in Dossiers histoire et archéologie, 134, 1989, p. 84-85.

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Figure 1 Comparaison du plan de l’édifice découvert par Audollent et Ruprich à l’est du temple de Mercure avec ceux de bâtiments de scène de théâtres gallo-romains

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grands connus en Gaule. La cavea de ce possible théâtre pouvait venir s’appuyer contre le relief en contrebas du temple (fig. 2 et 3a), créant un effet scénique avec le sanctuaire et son théâtre regardant vers l’est, vers Augustonemetum et la Limagne. Figure 2 Etat actuel du bâtiment dégagé par Audollent et Ruprich-Robert au sommet du puy de Dôme

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Figure 3 a Localisation du temple et du théâtre supposé au sommet du puy de Dôme

La présence d’un théâtre à côté du sanctuaire du puy de Dôme n’aurait en fin de compte rien de vraiment surprenant. De tels exemples d’association sont nombreux en Gaule – plus d’une centaine associés à des sanctuaires suburbains répertoriés – et ils sont considérés depuis très longtemps « comme les éléments les plus représentatifs des sanctuaires de pèlerinage » 15. D. Tardy a d’ailleurs proposé de voir dans les gradins de la terrasse sud du temple du puy de Dôme comme un théatron 16. Ce qui paraît plus exceptionnel, c’est de trouver un édifice de type théâtre à scène au sommet du puy de Dôme. Bien évidemment, seuls des fouilles complémentaires permettraient de valider définitivement cette interprétation. Les autres possibilités d’édifices de spectacles se trouvent à Augustonemetum, mais les éléments du dossier sont très minces. P. Pinon avait proposé de voir dans la courbure de la rue Massillon la trace d’un théâtre, mais les auteurs de la CAG rappellent qu’il semble plutôt s’agir 15. W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine. Piété et politique (Ier-IIIe siècle ap. J.-C.), Paris, Errance, 2002, p. 114-115. 16. D. Tardy, Les lieux de culte dans les édifices de spectacle gallo-romains, in J.-C. Moretti (éd.), Fronts de scène et lieux de culte dans le théâtre antique, TMO 52, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, 2009, p. 183-185.

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des fossés de l’enceinte tardive 17. Une autre voie courbe, elle d’époque romaine, fut pourtant découverte sur le site du Rectorat en 1995 (fig. 3b), et fut interprétée à l’époque comme une voie de bordure de la ville 18. Cette voie pourrait être interprétée comme le témoin en négatif d’un théâtre. Un exemple d’une telle voie courbe aurait existé à Lutèce où T. Vaquer a vu, au XIXe siècle, « une voie publique bordant l’hémicycle de l’édifice » 19. En 1995, Sophie Liégard a par ailleurs trouvé le long de la voie courbe des massifs maçonnés, ayant pu supporter des piliers, qu’elle date du IIe s., et évoquant là aussi des plans de théâtres urbains. Figure 3 b Voie découverte par Sophie Liégard lors des fouilles du Rectorat de ClermontFerrand

Enfin, il est possible qu’un dessin de F. de Belleforest du XVIe s. témoigne d’un amphithéâtre car il figure à l’est de la ville médiévale une ruine, apparemment gigantesque et de forme courbe, qu’il appelle du nom évocateur de « Tour des Sarrasins » (fig. 4). Son dessin laisse également supposer au sommet des ruines l’existence d’une série d’ouvertures. Le parcellaire qu’il représente semble avoir conservé une forme délimitant avec les ruines un ovale, et l’on pourrait songer à un amphithéâtre. F. de Belleforest écrit que l’on voit ces ruines depuis une porte de l’enceinte médiévale, la « porte du Cerf », qui se situait aux angles 17. M  . Provost, C. Mennessier-Jouannet, Carte archéologique de la Gaule 63/1 - ClermontFerrand, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1994, p. 133. 18. S  . Liégard, Clermont-Ferrand, 49 boulevard Gergovia, in BSR Auvergne, 1995, p. 72-73. 19. D  . Busson, Carte archéologique de la Gaule 75 - Paris, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1999, p. 116.

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Figure 4 La « Tour des Sarrasins » : les ruines d’un amphithéâtre ?

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des rues Saint-Esprit et Ballainvilliers. Son plan permet de les localiser entre la rue Bansac et l’avenue Carnot, et entre le Cours Sablon et la rue Audollent. Il faut ici noter qu’A. Delarbre, au début du XIXe s., précise que se trouvent à l’est et au sud de Clermont des terrains appelés Citas 20. Ces deux propositions d’édifices de spectacles sont certes beaucoup plus faibles que celle du sommet du puy de Dôme, mais il est difficile d’imaginer qu’Augustonetum ait été un chef-lieu de cité privé de ces structures. Reste à l’archéologie, si elle le peut, de trancher la question.

20. A  . Delarbre, Notice sur l’ancien royaume des Auvergnats et sur la ville de ClermontFerrand, Clermont-Ferrand, Landriot, 1805, p. 53.

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