A propos du verbe DO

June 4, 2017 | Autor: Renaud Méry | Categoria: Linguistics, English Grammar, Theoretical Linguistics, Enunciation, Antoine Culioli
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ANGLOPHONIA 12/2002, pp. 81-113

A propos du verbe DO

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Renaud MERY ABSTRACT

The first part of this article presents a classification that distinguishes three different uses of DO : a) as a lexical verb b) as an auxiliary c) as a proform. In the second part, I examine a number of examples (involving relative and comparative clauses) that pose more or less serious problems in the light of that threefold distinction. In the third part, I propose a schematic form (i.e. an operational invariant) for DO. Differences between (more or less identifiable) varieties are seen as purely context-dependent. Mots-clés : linguistique anglaise, grammaire anglaise, sémantique, syntaxe, énonciation

Introduction J’exposerai dans un premier temps une classification somme toute 1 traditionnelle, pour examiner ensuite quelques exemples qui m’amèneront à la remettre partiellement en question ; enfin, je proposerai quelques hypothèses et analyses personnelles en empruntant des outils de représentation métalinguistique dont le maniement est clairement défini et la justification tout à fait indépendante dans la théorie des repères d'A.Culioli (voir bibliographie). 1.

Trois verbes DO ?

Une étude de la distribution et des propriétés syntaxiques d’occurrences de DO suffisamment nombreuses et variées semble dans un premier temps mener à la tripartition classique qui suit, celle qui ressort par exemple de la présentation faite par Quirk et al. 1985 (voir notamment pp. 874 sq.)

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Je remercie Graham Ranger pour sa relecture patiente et ses suggestions toujours très pertinentes.

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Université de Provence - [email protected]. Les exemples que je donne dans cet article sont tirés d’Agatha Christie (AC), Conan Doyle (CD), Jerome K. Kerome (JKJ) D. H. Lawrence (DHL) etc. (autres noms indiqués sans abréviation, et BNC). 1

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1.1.

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Le verbe lexical DO

Comme l’indiquent Quirk et al. (op. cit.) DOlex est un verbe d’activité de sens très général (a general activity verb) qui possède toutes les propriétés des verbes de sa catégorie : - il est employé comme verbe principal, et possède toutes les formes finies et non-finies (notamment l’infinitif en TO) ; il peut apparaître après un modal, avec HAVE + -EN et/ou BE + -ING (il est auxiliable sans restriction): Would you like to do some shopping?, He might have been doing a stunt. - il apparaît avec DOaux dans les mêmes conditions que tous les autres verbes lexicaux du même type (aux formes interrogative, négative et « emphatique ») : Did he do anything about it?, He didn’t do anything about it, He did do something about it. - à la différence de DOaux, il ne s’inverse jamais avec le sujet syntaxique, n’est jamais suivi de la négation ou contracté avec elle : * Did you the washing up? / Did you do the washing up? * You didn’t the washing up. / You didn’t do the washing up.

- hormis les cas évoqués plus bas, c’est un verbe transitif, l’absence du complément d’objet à sa suite dans un certain nombre de cas s’expliquant de la même manière que pour tous les autres verbes transitifs (complément d’objet déplacé en tête de question ouverte, relatif zéro etc.) What did you do?, There’s nothing you can do, It isn’t hard to do etc. Dans certains cas, le complément d’objet est un élément anaphorique tel que IT, THAT, THE SAME etc., ce qui n’appelle pas ici de commentaire particulier. - ce verbe transitif est fréquemment passivable (notamment, bien sûr, lorsqu’il a un sujet agentif) : The job was done by a friend of mine.

- il ne permet pas l’anaphore zéro (l’ellipse de l’objet qui suit) : This is an easy exercise. * You will do in five minutes. / You will do it in five minutes.

Dans un certain nombre de cas, DOlex semble devoir être analysé comme intransitif (ceci inclut les cas où DO est suivi non pas d’un objet direct mais d’un adverbe) :

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« Yes, » said Tuppence aloud, nodding at the pert reflection in the glass, « you’ll do. » She then resumed her normal appearance. (AC) « This won’t do. It’s a regular trap. There’s no way out. » (AC - dans ces deux derniers exemples, do = be satisfactory) « You have done wisely, » said my friend. « But have you told me all? » (CD) All a blind, of course. We’ve suspected it--but couldn’t get any proof. Yes, you’ve done very well, young man. (AC - dans ces deux derniers exemples do = act) In a minute, when I’ve done with you, you’ll go to bed as I told you to. (AC) One more word, and I have done. (CD - dans ces deux derniers exemples, do = finish)

On n’oubliera pas que du point de vue diachronique (voir par exemple Skeat 1993 : 121), le verbe moderne DO provient de deux verbes anglo-saxons, d’une part, le verbe transitif DON (= put, place), d’autre part le verbe intransitif DUGAN (= avail, be fit, be worth), le fait que cette fusion ait été possible, et les conséquences qu’elle a pu avoir ayant certainement de quoi nourrir la réflexion. Il convient pourtant du point de vue synchronique de relativiser la différence entre DOlex employé transitivement et intransitivement. Comparer par exemple : He took a first-class single ticket to Bournemouth, Tommy did the same. (AC) Whittington took a cab and gave the name of an hotel. I did likewise, and we drove up within three minutes of each other. (AC) You would have done better to have trusted you wife. (CD) « Don’t take it to heart, lad, » he said kindly. « You did your best… » (AC) After a moment’s reflection she sat down and wrote a note, weighing each word as she did so. (AC) « …I could go back earlier. » § « You must not do that on any account... » (AC)

Il semble donc que l’on ne doive pas parler de deux verbes lexicaux DO, mais plutôt de deux emplois différents d’un seul et même verbe lexical, l’emploi 2 transitif étant fondamental, l’autre dérivé. L’intransitivisation de DO peut revêtir un caractère insolite, comme dans l’exemple suivant, où elle souligne le caractère absurde de l’activité, qui apparaît dans tous les sens du terme, comme dépourvue d’objet : ‘Oh yes! But it infuriates me that I can’t get right, at the really growing part of me. I feel all tangled and messed up, and I can’t get straight anyhow. I don’t know what really to do. One must do something somewhere.’ § ‘Why should you always be doing?’ she retorted. ‘It is so plebeian. I think it is much better to be really patrician, and to do nothing but just be oneself, like a walking flower.’ (DHL)

2

La même analyse vaut pour d’autres verbes, par exemple EAT ou FINISH.

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1.2.

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Le verbe auxiliaire DO

DOaux, lui aussi, possède toutes les propriétés caractéristiques des verbes de sa catégorie, très généralement connues en anglais sous le sigle NICE (Négation, Inversion, Code, Emphase) - il peut précéder immédiatement la négation NOT, et éventuellement se contracter avec elle ; - il est inversé avec le sujet syntaxique dans diverses structures, pas seulement celles de type interrogatif ; - il intervient dans diverses structures de reprise elliptique (c’est cela qui est à relier à l’idée de code) : expressions de la surprise, réponses courtes, divers types de tag etc. - il porte un accent fort dans les énoncés dits emphatiques etc. Comme on le sait, DOaux n’intervient dans les cas mentionnés qu’en l’absence de tout autre auxiliaire (modal, HAVE ou BE), sinon c’est le premier des auxiliaires présents dans le groupe auxiliaire qui possède lesdites NICE properties, et qui joue le rôle d’opérateur, pour employer la terminologie de Quirk et al. 1985. Dès 1957, dans le cadre de sa grammaire générative, Chomsky rend compte de tous ces faits différents par une règle transformationnelle unique, qui insère DO 3 dans une séquence donnée chaque fois que l’affixe de Temps se trouve dans l’impossibilité de s’accrocher à une forme verbale qui suit (la règle dite de saut de l’affixe est bloquée), situation qui se produit quand, en l’absence de modal, de HAVE et de BE dans le groupe auxiliaire, on a placé, par transformation, le morphème Négatif (réalisé par NOT), ou le morphème Emphatique (réalisé par un accent fort) immédiatement après le morphème de Temps, ou lorsque la transformation interrogative a inversé le sujet syntaxique et le morphème de Temps, ou lorsque la transformation d’effacement de groupe verbal (VP Deletion) a effacé tout ce qui suit ce morphème. On comprend dès lors le nom de DO support donné à la règle, qui dit clairement que l’item inséré ne l’est que pour porter la marque de Temps, qui est en anglais un morphème non pas libre mais lié. Il découle de ceci, dans la perspective générativiste, que DO « est vide de sens, » « n’a pas en tant que tel de signification » (Miller 2000), car une transformation, par définition, ne doit pas modifier le contenu sémantique. En somme, DO support n’intervient que pour une raison purement formelle, à savoir permettre le bon fonctionnement de certaines règles de l’anglais qui attribuent un rôle donné au premier auxiliaire, et qui donc supposent qu’il y a un premier auxiliaire. S’il n’y en a pas, on introduit DO, qui n’est là que pour qu’il y ait un auxiliaire, donc. De même, certaines transformations introduisent un sujet dit postiche (IT dans le cas de l’extraposition de complétive, THERE dans le cas de la postposition d’un sujet indéfini à un verbe existentiel), 3

En fait, il s’agit de Temps et Personne.

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sujet qui est là simplement pour qu’il y ait un sujet, permettant notamment l’inversion interrogative. De sorte que DOaux serait, si l’on veut, un auxiliaire postiche, et que les deux questions qui suivent pourraient être décrites (toujours dans la perspective générativiste) comme commençant par deux éléments postiches : Does there remain any other difficulty? Does it worry you that she should know?

Les analyses proposées dans le cadre de la linguistique énonciative semblent à première vue bien différentes. Lavédrine 1983 voit dans l’auxiliaire DO un « médiateur de prédication, et par cela même focalisateur, opérateur de validité et indice du débat de validité de la prédication. » Cette position est proche de celle de Souesme 1989: 140, qui écrit pour sa part que « Do est autre chose qu’une béquille dont on aurait besoin pour construire correctement une forme interrogative ou négative par exemple, autre chose qu’un mot vide de sens dont la nécessité se ferait sentir pour perpétuer le schéma régulier de l’anglais - à savoir auxiliaire + sujet + verbe à la forme interrogative et : sujet + auxiliaire + not + verbe à le forme négative -, autre chose enfin qu’un affixe support de temps et de marque de personne selon la théorie chomskyenne. Do est cet opérateur modal par lequel le sujet parlant met en cause une relation entre un sujet et un prédicat. » Naturellement, selon Souesme (1989: 136) la relation prédicative mise en cause (pour être mise en question, niée, ou confirmée etc.) est préconstruite, idée que l’on retrouve dans un autre cadre théorique chez Adamczewski (1982), pour qui DO est « un marqueur explicite de l’opération de prédication » apte, à la différence des marques de temps (ED) et de personne (-S), qui sont des formes liées, « à devenir le support ou la cible d’opérations métalinguistiques telles que, par exemple, l’emphase, l’interrogation ou la négation. » Ainsi DO matérialise le lien prédicationnel pour permettre des opérations concernant ce lien ; il est en même temps indice de la saturation de la relation prédicative, une relation prédicative saturée étant une relation dont tous les termes sont instanciés. Pour replacer tout ceci dans la théorie d’ensemble d’Adamczewski, les formes impliquant l’auxiliaire DO sont de phase 2, par opposition aux formes simples, qui sont de phase 1. Dit autrement, la présence de DO signale le caractère thématique de la relation prédicative. On reliera tout ceci sans peine au concept culiolien de préconstruction auquel a recours Souesme. On lit pourtant dans Adamczewski 1977 : 14 : « DO appartient de plein droit à la sémantique formelle: DO n’a pas de sens, ni fondamental, ni accidentel. Sa raison d’être est de rendre possible des opérations nouvelles sur la prédication. » Ceci a de quoi étonner, car on a là deux conclusions divergentes à partir d’une position commune à l’origine. Ce qui est plus étonnant encore est qu’Adamczewski emploie ici une expression à laquelle souscrivent pleinement les générativistes : « Do n’a pas de sens. » Tout le monde semble d’accord, dans le fond, que DOaux a un rôle purement formel. La seule différence (mais elle est de taille) est que dans un cas, on parle de transformations, dans l’autre d’opérations de construction des énoncés.

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La question de savoir si DOaux a un sens, je ne crains pas de le dire, n’a pour moi guère de sens. Je considère en effet, comme A. Culioli, que les textes (écrits ou oraux) sont des agencements de marqueurs, ces marqueurs étant des traces accessibles d’opérations mentales inaccessibles, qui, en production permettent de construire du sens (plus exactement, des valeurs référentielles). En reconnaissance, les marqueurs sont utilisés pour reconstruire le sens (avec plus ou moins de succès). D’autre part, « il n’y a pas de terme isolé, tout terme appartient à une relation » (Culioli 1990 : 170) : bref, un terme isolé ne fait pas sens. Ce que l’on peut légitimement se demander, en échange, c’est quelle est l’opération invariante marquée par DO, quel est le mode d’interaction de cette opération avec d’autres opérations, bref quelle est la forme schématique de DO, quel est le rôle de DO dans la construction du sens, et de ce point de vue, que peut-il y avoir de commun entre DOlex et DOaux ? Certes, on peut aussi reformuler la question « L’auxiliaire DO a-til un sens ? » en disant « L’auxiliaire DO a-t-il un contenu notionnel propre ? » : la réponse à cette question-là peut paraître sans intérêt, car la réponse pourrait bien être négative pour d’autres items grammaticaux. Cependant, je crois qu’il y a là une piste de réflexion intéressante. Une propriété bien connue de l’opérateur (premier auxiliaire porteur de la marque du temps) est de permettre l’ellipse (l’effacement) de ce que Quirk et al. appellent la prédication (i.e. le prédicat moins l’opérateur) dans divers cas de reprise anaphorique : A- Do think John’s likely to come to the meeting? B- Well, he might. He probably will if he can.

Certaines grammaires parlent de reprise par auxiliaire, certainement à tort. En effet, ce n’est pas l’auxiliaire qui reprend, puisqu’il est compatible avec l’expression qu’il serait censé reprendre. C’est pourquoi on parle souvent d’anaphore zéro : la prédication est reprise non pas par un élément plein, mais par l’absence de prédication après l’opérateur. Ce phénomène semble bien se produire avec DOaux, puisque la prédication élidée peut être rétablie dans tous les exemples suivants : You don’t believe in Mr. Brown, Mr. Hersheimmer? » § « No, sir, I do not, » returned the young American with emphasis. (AC) There may be things that you know which I do not. (AC = … which I do not know) They can’t go on shooting. They’ll have the police after them if they do. (AC) « You--you don’t know the name of the man who came this morning? » § « Yes, I do. No, I don’t. Half a second. It was on his card. Oh, I know! Inspector Brown. Quiet, unassuming sort of chap. » (AC) « Yes, we heard that Mrs. Inglethorp wrote to you last night. You should have received the letter this morning. » § « I did, but it contains no information. It is merely a note asking me to call upon her this morning, as she wanted my advice on a matter of great importance. » (AC)

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Ce qui précède ne fait que confirmer ce qu’a montré toute cette section, à savoir que DOaux a les mêmes propriétés que tous les opérateurs anglais (les modaux, HAVE et BE). Dans ces conditions, on ne peut guère soutenir que DOaux est l’indice de la mise en cause d’une relation prédicative, d’abord parce que tout autre opérateur permet cette mise en cause dans l’interrogation, la négation, l’emphase et la reprise anaphorique, ensuite parce que, comme le montre Miller 2000, il y a une foule de cas où une relation prédicative est mise en cause sans qu’apparaisse DO (Miller cite par exemple I expect Peter not to come). 1.3.

Le verbe substitutif DO

J’en viens à des cas (certains litigieux) où DO intervient dans un cadre de reprise anaphorique, mais est cette fois-ci incompatible avec la prédication reprise, et joue donc lui-même un rôle substitutif. On me permettra d’illustrer assez abondamment ce phénomène, qui ne me paraît pas avoir suffisamment retenu l’attention. DOsub revêt la même forme (V-EN, V-ING, base verbale, Présent ou Prétérit) que le verbe remplacé. En fait, comme on va le voir, DOsub remplace tout un prédicat, ou seulement la prédication, ou même seulement le verbe. Dans tous ces cas, DO est une pro-forme (dans le dernier, un pro-verbe), qui possède les propriétés suivantes, mixtes par rapport à celles de DOlex et de DOaux : - elle est compatible avec la référence à un état et à un processus (un procès dynamique), tout comme DOaux, et à l’inverse de DOlex ; - elle peut apparaître aussi bien à une forme non-finie qu’à une forme finie, comme DOlex. - on l’emploie à l’instar de DOlex comme verbe principal : elle est auxiliable sans aucune restriction, pouvant apparaître avec BE + -ING, HAVE + -EN ou après un modal, ou TO (l’usage est dans certains cas, selon certains auteurs, limité à l’anglais parlé britannique ; les exemples sont donnés dans l’ordre annoncé) : The door into the hall was a wide one. I had risen when Cynthia did, John was close by me. There were therefore three witnesses who could swear that Mrs. Inglethorp was carrying her coffee, as yet untasted, in her hand. (AC ; did = rose) For the last time, darling, either HE goes or I do. (dans un cartoon, c’est un mari parlant à sa femme qui est dans le lit avec un ourson en peluche - do = go) A- Are you working? B- I was doing, but I’ll stop now. (cité par Greenbaum et Whitcut 1988 : 218)

A- Why don’t you sit quietly B- I am doing. (cité par Quirk et al. 1985: 875, qui indiquent que doing peut être supprimé - ou, si l’on veut, remplacé par un zéro anaphorique)

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Yakovlev found this contrast with Nikol’sk bizarre and inexplicable, but he should not have done. (BNC ; contexte non dynamique, mais statif) Not all of these widows would have had dependent children of course, but a significant proportion must have done as there were 460 children under 14 in the 403 households in this group. (BNC ; même remarque) « We never thought of a world inside the moon. » § « No. » § « How could we? » § « We might have done. Only one gets into habits of mind. » (H.G. Wells) After various questions on other matters, Mr. Philips asked: § « In the month of June last, do you remember a parcel arriving for Mr. Lawrence Cavendish from Parkson’s? » § Dorcas shook her head. § « I don’t remember, sir. It may have done, but Mr. Lawrence was away from home part of June. » (AC ; le DO utilisé ici n’est nullement un verbe d’agir) Free speech has lost, and should not have done. (BNC ; même remarque) Oh yeah, somebody must have been there, you must have put it in yourself, you must have done. (BNC ; référence à une action cette fois-ci) Rachaela could not recall coming this way in the past, but she must have done, for she had surely explored all the house. (BNC ; idem) ‘What will the poor old thing do?‘ asked Mrs. Fletcher of her husband. ‘Impossible, I fear, that she can have saved anything.’ § ‘Don’t see how the deuce she can have done,’ Mr. Fletcher replied. (George Gissing) ‘It was enough to upset anybody,’ said Mrs Morel, ‘hugging those parcels--meat, and green-groceries, and a pair of curtains—‘ § ‘Well, why did you hug them ; you needn’t have done.’ § ‘Then who would?.’ (DHL) « I’m surprised you should have been gulfed so easily, » said Tuppence scornfully. « Did you really think I was the kind of girl to roll about on the floor and whine for mercy? » § « You may do--some day! » said the other significantly. (AC) I don’t know if I shall join the company yet, I may do, I may go to Paris, I may die, my face may even turn blue. (BNC) The reference served to remind her. ‘Did you ever come to any conclusion as to who might have sent his teeth through the post, by the way?’ § ‘Not really,’ he lied. ‘If I knew that I might be well on the way to solving the whole caboodle.’ § ‘In that case, I must tell you.’ § ‘You know?’ he asked, managing to appear astonished. § ‘I certainly should do. It was me! I sent the teeth to myself.’ § ‘Why would you do that?’ he asked looking as if everything was becoming too complex for him. (L. Thomas, Dangerous by Moonlight ; à la différence des deux exemples précédents, il ne s’agit pas ici d’une action, mais d’un état). What does not fall into established categories from one angle may do from others ; anomalies are always situational and relative, never, or very rarely, absolute. (BNC ; ici non plus, DO n’est pas un verbe d’agir) We don’t go there now, but we used to do. (Greenbaum & Whitcut, op. cit.)

Dans les exemples suivants, DOsub n’est qu’un pro-verbe, accompagné de ce que Miller 2000 appelle un objet (indirect seulement dans le dernier cas cité) « répudié » : ‘Yes - I know - dear Tom,’ said Maggie, still half-sobbing, but trying to control her tears. `I know you would do a great deal for me - I know how you work and don’t

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spare yourself. I am grateful to you. But, indeed, you can’t quite judge for me - our natures our very different. You don’t know how differently things affect me from what they do you.’ (GE) She said nothing she should not have done under interrogation. (BNC) Tom saw no reason why they should not make up this quarrel as they had done many others, by behaving as if nothing had happened… (GE) I would not have you suffer half what I have done! (Jane Austen) So it might well be that we don’t get the S I S people that we previously thought we might do. (BNC) Gudrun, always doubtful, dropped her heavy coat on the sledge, as he did his, and they set off. (DHL) This applies just as much to me as it may do to you. (BNC)

Quirk et al. 1985 (ibidem) parlent à propos de ce DO qui joue le rôle de pro-forme (DOsub) de verbe principal (main verb) intransitif, d’une manière qui me paraît trompeuse. Ce verbe, je crois, n’est ni transitif, ni intransitif. Il n’a tout simplement pas de construction propre, sa construction dépend du contexte (de ce qu’il est censé remplacer). Il apparaît au vu de ce qui précède comme une variété à part, une forme mixte qui a en commun avec DOlex la propriété de posséder tout l’éventail des formes finies et non-finies, et avec DOaux la propriété cruciale d’être compatible avec le dynamique et le statif. Miller 2002 propose d’analyser les formes citées de DOsub comme des formes non-finies de l’auxiliaire DO, avec entre autres un argument très intéressant, à savoir l’emploi tout à fait semblable des formes non-finies des auxiliaires BE et HAVE (dans les reprises du type She will be, He must have been, I probably would have etc.). Cette proposition me semble faire difficulté, tout d’abord dans le cadre génératif transformationnel. Je ne vois pas comment on pourrait formuler une règle unique d’insertion de DO, avec des cas d’application obligatoire et des cas d’application facultative, des cas impliquant la marque de Temps, d'autres non. Mais il y a plus : la co-occurrence de deux formes successives de DO dans les exemples suivants fournit, je crois, un contre-argument décisif et confirme la nécessité de la distinction : Well er when I er, when I er, I couldn’t remember much what it was now, but whatever the union fee was, when I started on me own to be er satisfied of cos of circumstances I might need money, you know, I thought it would say the union fee was a shilling, I had to pay one and six half as much as whatever it was and I did do. (BNC) Bob says he’s going to join the Labour Party. It will be interesting to see whether he does do. (cité par Quirk et al. 1985 : 875 – les auteurs signalent que la deuxième occurrence de DO est suppressible – on a le choix entre DOsub et un zéro anaphorique)

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These days, girls can do what they want, and the trouble is that they do do.

2.

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Quelques cas problématiques

Je vais étudier maintenant quelques exemples qui me paraissent à la fois très ordinaires pour ce qui est de l’usage et très problématiques par rapport à la tripartition proposée ci-dessus, en fait par rapport à toute tentative de classification. 2.1.

Relatives en WHICH: DOaux et DOlex

Dans le type d’exemple qui suit, on analyse sans peine l’occurrence de DO comme étant DOlex, verbe d’action transitif, dont le complément d’objet direct est le pronom relatif which, et l’on peut montrer ceci en paraphrasant par and he did that. Euric moved to reconquer Provence, which he did, despite the opposition of the Burgundians. (BNC) Lord Newport asked Richard to teach in his place, which he did for a few months. (BNC) ‘Can you give me a hand?’ she asked, which he did. (BNC)

Les exemples qui suivent, qui semblent être du même type, posent pourtant un problème bien différent, et du reste bien encombrant : Before getting into my sleeping-bag I made myself a cup of cocoa, without milk, which I don’t much like, and with a generous lacing of whisky, which I do. (BNC) So I was a bit nicer at supper-time and said I needed a bath (which I did). (BNC) And then you thought that when I found out -- which I didn’t, I hasten to add -- I came to blackmail you, for money -- or acceptance. (BNC) And if I didn’t follow your car, which I didn’t, how on earth would I have known where you lived? (BNC) You’ll have to be inside the spell and out of here into the Time Chariot so fast you couldn’t say ‘caterpillar’s boots,’ always supposing you wanted to say such a ridiculous thing, which I don’t suppose you do. (BNC) There’s no going back, even if I wanted to, which I don’t. (BNC) If we are to believe late nineteenth- and early twentieth-century etiquette writers (which I don’t altogether) this was a period when it was thought gross to talk about food except to your cook, and in bad taste to discuss your host’s wine. (BNC)

Dans tous ces exemples, il ne peut pas s’agir de DOlex, il devrait au contraire s’agir de DOaux, pour une des deux raisons suivantes, ou pour les deux réunies en ce qui concerne les trois derniers de la liste : - il est fait référence à un état, et non pas à un processus. - la forme de DO utilisée est contractée avec la négation. 4

citation d’un « humoriste » anglais dont j’ai oublié le nom.

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Or, le complément d’objet subsiste, c’est le relatif which. On a donc là un type de structure où DO apparaît avec des propriétés mixtes par rapport à celles de DOlex et DOaux. Mais il ne s’agit pas non plus de DOsub, ne serait-ce que du fait de la contraction possible avec la négation. Ce caprice grammatical s’explique sans doute par la diachronie : à l’origine, dans la forme périphrastique en DO, la prédication qui suivait DO était ressentie comme l’objet direct d’un verbe transitif, qui n’était qu’un emploi particulier du verbe lexical. On trouve dans l’Othello de Shakespeare (II, 1, 251) une réplique éclairante sur ce point : - Didst thou not see her paddle with the palm of his hand? Didst thou not mark that? - Yes, that I did ; but that was but courtesy.

Il n’en reste pas moins que du point de vue de la synchronie, c’est la distinction la plus communément admise (celle entre DOlex et DOaux) qui est ici remise en question. 2.2.

Comparatives en AS ou en THAN : DOaux, DOsub et DOlex Examinons tout d’abord une liste d’exemples. « Not exactly. The analyst was asked by him to report whether strychnine was, or was not, present. He did not have it tested, as I did, for a narcotic. » (AC) No man keeps his work in a better state of preservation than I do. (JKJ) « But he doesn’t know them as I do! » The girl shivered. (AC) « Now then, Miss Tuppence, » said Sir James, « you know this place better than I do. Where do you suggest we should take up our quarters? » (AC)

Dans tous ces exemples, DO apparaît sous sa forme finie (ce qui n’exclut pas DOaux a priori). Néanmoins, la forme de DO qui apparaît est incompatible avec la prédication qui est reprise. On n’a pas par exemple * You know this place better than I do know this place. Il semblerait donc s’agir de DOsub, et non pas de DOaux. Ceci est confirmé par le fait que DO, dans ces structures comparatives, peut apparaître par exemple à la forme V-EN, que DOaux ne possède pas, à l’instar des modaux, et cette fois-ci, la reprise de la prédication conjointement avec la forme concernée de DO (DONE) serait plus déviante encore.

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Certains informateurs anglophones ne jugent pas inacceptables des énoncés du même type avec un modal à la place de DO, ce qui pourrait affaiblir l’argument. Mais il est difficile de trouver des exemples attestés ; d’autre part, à des exemples construits, certains de mes informateurs ont spontanément ajouté DO après le modal.

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A moment later his impression was proved correct. The new-comer knocked on the door as all had done, but his reception was very different. The bearded man rose to his feet, and all the others followed suit. (AC) I think the appearance of the two Scotland Yard men was rather a shock--especially to John, though of course after the verdict, he had realized that it was only a matter of time. Still, the presence of the detectives brought the truth home to him more than anything else could have done. (AC) The expression on his face did not change, but Tommy caught the flicker of despair in his eyes. It convinced him as nothing else had done that the outlook was hopeless. (AC) The adventure had begun, but she felt less elated than she had done earlier in the morning. (AC)

Certes, au vu du premier exemple, on pourrait penser qu’il s’agit de DOlex avec la même valeur que dans DO SO. Le dernier exemple en particulier montre qu’il n’en est rien, puisque FEEL est un verbe d’état et que l’on ne pourrait avoir * She felt elated, and she had done so earlier in the morning. Il est tout aussi impossible d’analyser DO comme un auxiliaire suivi d’un zéro anaphorique avec possibilité de rétablir la prédication effacée dans les comparatives où DO apparaît sous forme de base verbale après un modal ou TO : Yet nothing ever written will bring the Indian Mutiny home to you as this book will do. (Conan Doyle) So I, I believe we don’t spend anywhere near as much as we should do. (BNC) ...We er consume less of er New Zealand lamb than we might do otherwise, right. (BNC) ...We stretched out our legs beneath the table, let our napkins fall, unheeded, to the floor, and found time to more critically examine the smoky ceiling than we had hitherto been able to do... (JKJ) And when my aunt made up her mind to marry Amos Finn, who was a poor school teacher out West, my father was just mad! Said if he made his pile, as he seemed in a fair way to do, she’d never see a cent of it. (AC)

Pourtant, dans ces mêmes structures comparatives, on trouve fréquemment une inversion, qui ne peut être que l’inversion sujet/auxiliaire. J’ai seulement retenu dans la liste qui suit des exemples où le prédicat repris est de type statif, pour écarter tout rapprochement possible avec l’expression DO SO. Pauling thought both structures would actually exist, as did many other crystallographers engaged in unravelling the three-dimensional structures of proteins. (BNC) She had never liked Mona Rigby -- who wouldn’t have been chosen twice for the coveted role if the staff had known as much about her as did Brenda... (BNC) Inflation remained high as did the budget deficit... (BNC) But where other churches have owned their own schools, as does the Church of Ireland in the South, a similar position has been adopted... (BNC)

Renaud MERY : A propos du verbe DO

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Golf: Zell am See, 15 minutes by bus, has a golf course, as does Saalfelden. (BNC) The English-speaking world, which reveres him quite as much as does Iberia, knows him as Ferdinand Magellan. (BNC) Unlike plosives, the release stage of affricates can never be omitted, eg which chairs contains no unexploded allophone as does bad dog. (BNC) All old stone paving slabs deserve retention, as do granite kerbs. (BNC) Farmers in Calder valley need continuity, as do farmers all over Europe. (BNC)

Le même phénomène s’observe très couramment après THAN : Older people tend to be nearer the upper limit of any range than do younger people, but some combination of the factors mentioned can help individuals approach the lower limits. (BNC) Certainly, the majority of today’s cars need far less skill to drive quickly than did their predecessors of the sixties and early seventies. (BNC) The group has access to a greater variety of experiences and skills than does one person. (BNC) He decided to consult Mr Dixon, his English teacher, who was also his counsellor and, therefore, knew more about him than did the other teachers. (BNC) In 1859, when Charles Darwin published The Origin of Species, he had no more evidence in support of his theory than did the creationists. (BNC)

Les exemples qui suivent montrent clairement qu’il s’agit bien de l’inversion sujet/auxiliaire : She showed that, tissue weight for tissue weight, a dog-whelk with an elongated shell was able to retain far more water within its shell than could a squat one. (BNC) Any such level of output will put the median voter on a higher indifference curve than would the reversion level. (BNC)

On pourrait avoir en effet ... retains far more water within its shell than does a squat one, ou puts the median voter on a higher indifference curve than does the reversion level. Le point crucial est que la prédication qui fait l’objet d’une anaphore ne peut être rétablie, ni dans un cas, ni dans l’autre. Bref, si tous les critères de distinction entre DOaux et DOsub ne sont pas remis en cause, en voilà un d’important qui semble s’avérer suspect. Mais les exemples qui suivent sont encore plus troublants : And yet, despite the Medicines Act and its regulations, CSM did little better with practolol once it had been marketed than was done without the legislation in the case of thalidomide’, we commented in 1980. (BNC) For instance, the censuses of 1971 and 1981 investigated country of origin more fully than had been done previously to extend knowledge about the immigrant population. (BNC)

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ANGLOPHONIA 12/2002

The only way to combat the disease is to kill all the pigs, as was done in Cuba when the disease was confirmed in 1976. (BNC) Child also advised putting water in the barrier moat, as is done in Africa, so that elephants butting the electric fence get a stronger shock. (BNC) Bernard Comrie also points out that where languages mark degrees of animacy by means of case inflections, as is done in Slavonic languages, gender is sometimes a relevant factor distin&rehy ; guishing high from lower degrees of animacy -- that is, women may be designated as of `lower animacy’ than men. (BNC)

Certes, on voit bien que, s’agissant de formes passives, il devrait normalement (voir la section 1. ci-dessus) s’agir de DOlex, et ceci semble confirmé par le fait que dans chaque cas, il est fait référence à un processus, toute référence à un état étant exclue. Mais que dire néanmoins des manipulations suivantes, sur le dernier exemple (adaptable aux précédents) : ...where languages mark degrees of animacy by means of case inflections, as is done in Slavonic languages... as do Slavonic languages... as Slavonic languages do... as Slavonic languages can do...

On est troublé aussi par l’exemple suivant, où done pourrait fort bien être analysé comme une pro-forme (un pro-verbe) dans une structure passive, puisque done peut être remplacé par given. An early Tender may also be useful in forcing the inexperienced pursuer’s agent to give rather more consideration to quantification of the claim than has been done previously. (BNC)

Et ce cas ne semble pas isolé, puisqu’on peut (non sans maladresse, certes) faire de même pour We may try, as has been done in the past, to arm prosecutors and judges with better procedures for discovering police mistakes. (BNC) Now it might be argued as was done by Kant, for example -- that the idea of a nonarbitrary, objective, order is built into the very concept of an external object… (BNC)

Certes, il existe des tests divers qui mettent fréquemment en évidence des propriétés syntaxiques nettes, et la distinction entre les trois variétés de DO de la première section n’est pas totalement remise en cause, mais de tels exemples, même à supposer qu’il soient marginaux, font penser que les différents DO ne sont pas comme de simples homonymes, des êtres qui portent le même nom par hasard, sans que cela implique le moindre lien véritable.

Renaud MERY : A propos du verbe DO

3.

Le verbe DO: invariant opérationnel et variétés contextuelles

3.1.

Invariant opérationnel

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Pour mener la réflexion sur ce point, je retiendrai en priorité du débat passé et présent sur les valeurs de DO trois observations simples conduisant à des hypothèses : - DOlex, DOaux, et DOsub n’ont pas de contenu notionnel propre. Au contraire, tous les trois sont sur ce point tributaires de leur environnement (comme le montre bien l’intéressant chapitre de Lapaire et Rotgé 1991 sur DO). Là se trouve sans doute la piste la plus simple et la plus prometteuse si l’on veut dégager un invariant opérationnel commun. - la ligne de partage la plus résistante est entre d’un côté DOlex, qui implique la référence à un processus, de l’autre DOaux et DOsub, qui sont compatibles avec la référence aussi bien à un état qu’à un processus. Mais on peut inverser le point de vue habituel et concevoir que cette différence ne soit pas tant la cause que la conséquence des emplois observés. - DOaux et DOsub sont manifestement proches l’un de l’autre, et le débat substitution versus anaphore zéro est sans doute en partie un faux débat. Or, il semble impossible, comme je crois l’avoir montré plus haut, de ramener DOsub à DOaux. D’une certaine manière, là aussi, c’est peut-être l’inverse qu’il faut faire. Voici donc ce que je propose comme invariant pour les trois types d’emploi de DO répertoriés : DO est le représentant d’un contenu notionnel de procès préconstruit par le contexte et/ou la situation Un représentant (cf. Culioli 1999b:119) peut être soit un substitut, qui est un représentant anaphorique (par exemple IL dans Un homme marchait sur la route. Il portait une valise), soit une image, qui est un représentant d’une classe de valeurs imaginaires (par exemple QUI dans Qui a ouvert la fenêtre?). S’agissant d’un 6 représentant d’une notion, cette différence est toute relative, car une notion, n’étant ni positive ni négative, implique par nature la représentation des deux valeurs complémentaires, positive et négative. 3.2.

Divers emplois de DO

Les différentes variétés observables de DO (que l’on peut continuer à distinguer en dépit des chevauchements) ne sont en fait que des emplois différents. Cette notion peut être soit une notion simple, correspondant à la seule notion prédicative d’une relation primitive, soit une notion complexe, laquelle inclut en outre un nombre variable de compléments. 6

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L’idée explorée ici est simplement que DO a des propriétés sémantiques différentes et joue un rôle différent dans la construction du sens, selon que l’on l’emploie dans tel ou tel schéma (par exemple comme opérateur, ou comme verbe principal transitif), et précisément pour cette raison. 3.2.1.

DO employé comme auxiliaire

Il a alors, on l’a vu, et comment s’en étonner, toutes les propriétés caractéristiques des auxiliaires (NICE properties), relatives au débat sur la « validité de la relation prédicative, » sa « mise en cause. » Son originalité comme auxiliaire 7 est qu’il sert seulement (la nuance est de taille) à cette mise en cause. À l’indicatif, il est plus précisément employé comme le sont les modaux (qui, eux, ont une valeur plus spécifique, servant à exprimer le possible, le nécessaire ou le probable) : il apparaît toujours comme eux à une forme finie, il est compatible comme eux avec un verbe principal dynamique ou statif. À l’impératif, il s’emploie comme les verbes principaux à la forme nue et n’est compatible qu’avec les verbes dynamiques. Ces propriétés sont bien évidemment extrinsèques, conjoncturelles, nullement essentielles à DO. 3.2.1.1. Les constructions comportant la séquence DO + V Je veux parler des constructions (on ne peut pas toujours parler d’énoncés) dans lesquelles DO est directement suivi d’un verbe lexical. Il découle de ce qui vient d’être dit que dans de telles séquences, il y a une forme de redondance, car il y a co-occurrence entre un terme donné et son représentant, et donc un effet de circularité : on crée par-là même une boucle d’identification qui élimine l’altérité, avec des conséquences différentes possibles induites par le contexte. En ce qui concerne l’assertion, la forme positive simple pose la valeur positive sans plus (on est d’emblée dans l’intérieur du domaine notionnel). La forme en DO + V, elle, ne se contente pas de poser mais oppose, c’est-à-dire que l’on prend en compte l’altérité, pour l’éliminer (on passe donc par la position 8 décrochée pour ensuite choisir une valeur et une seule). Si on a une assertion positive et que la valeur négative est évoquée explicitement ou implicitement dans le contexte, on aura une valeur polémique (ou plus largement oppositive) : « c’est oui et pas non »

Comme les modaux, DO est ce que certains appellent un polarity verb, mais c’est le verbe de polarité minimal. 8 Cette position, qui correspond à la simple mention de la notion, se trouve dans le plan de représentation, à distance du plan de validation ou plan de l’assertion (cf. l’article de Lionel Dufaye dans ce même volume). 7

Renaud MERY : A propos du verbe DO

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Mr. Muggeridge bashfully claims that he has no knowledge of the present members of the Royal Family. But I am sure that he does know that the present Queen is reputed to be a very strong-willed young woman... (LOB)

On parle dans de tels cas d’emphase, mais il est clair pour moi que le 9 ressort principal en est le contraste (en l’occurrence, le contraste de polarité). L’emphase est, du point de vue prosodique, liée à une forme de différenciation (notamment la pro-éminence), elle-même liée, sur le plan sémantique, à une autre forme de différenciation (l’évocation de l’altérité). S’agissant d’une assertion, on obtient un effet de renforcement. On voit fréquemment émerger la valeur ainsi décrite dans les structures concessives, lesquelles impliquent, on le sait (cf. Ranger 1998) un lien inférentiel préconstruit que le schéma concessif détruit. DO permet soit de renforcer la cause pour mieux montrer qu’elle reste inopérante, soit pour souligner que l’on a une valeur positive au lieu de la conséquence négative attendue : I did try to warn him, but he paid no attention to me. (exemple construit) She was out for money. She had always said so. Why blame her because she had been true to her creed? § Nevertheless, Tommy did blame her. He was filled with a passionate and utterly illogical resentment. (AC)

L’opposition avec la valeur négative peut être directe, comme dans l’exemple précédent ou le premier des suivants, ou indirecte, comme dans le second, où la valeur contrefactuelle (irréelle) de ought to have done et would have done constitue un présupposé négatif. Well, you don’t look for much of a voice in a comic song. You don’t expect correct phrasing or vocalization. You don’t mind if a man does find out, when in the middle of a note, that he is too high, and comes down with a jerk. You don’t bother about time. You don’t mind a man being two bars in front of the accompaniment, and easing up in the middle of a line to argue it out with the pianist, and then starting the verse afresh. But you do expect the words. (JKJ) It was at this juncture that Tommy lost his head. What he ought to have done, what any sane man would have done, was to remain patiently where he was and wait for his man to come out again. What he did do was entirely foreign to the sober common sense which was, as a rule, his leading characteristic. (AC)

Dans de nombreux cas, l’opposition n’est pas directement avec la valeur négative : dans les trois exemples suivants, on analysera aisément le rôle de repoussoir de if, might, can et perhaps :

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Voir Dujardin 2001.

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And when my aunt made up her mind to marry Amos Finn, who was a poor school teacher out West, my father was just mad! Said if he made his pile, as he seemed in a fair way to do, she’d never see a cent of it. Well, the upshot was that Aunt Jane went out West and we never heard from her again. The old man DID pile it up. He went into oil, and he went into steel, and he played a bit with railroads, and I can tell you he made Wall Street sit up! (AC) But, at lunch-time, there arrived a new piece of evidence--or rather lack of evidence. We had vainly tried to trace the fourth letter, which Mrs. Inglethorp had written on the evening preceding her death. Our efforts having been in vain, we had abandoned the matter, hoping that it might turn up of itself one day. And this is just what did happen, in the shape of a communication, which arrived by the second post from a firm of French music publishers, acknowledging Mrs. Inglethorp’s cheque, and regretting they had been unable to trace a certain series of Russian folksongs. (AC) But serious accidents can and do happen every day of the year. (BNC) ‘Sure, doc,’ I said, ‘I’m sorry about the tree, and I guess the new bulbs will be on me. But perhaps you’d like to know what I was doing in your garden?’ ‘I think the facts do call for an explanation,’ he replied. (AC)

Une telle explication appelle à son tour quelques commentaires sur les énoncés en DO + V qui servent eux à confirmer, comme ceux que citent Lapaire et Rotgé (1991 : 513 et 53) - These logs burn well. - Yes, they do make a lovely fire. - Garfield, you make a lovely fire. - I do make a lovely fire.

Le fonctionnement est ici un peu plus subtil. On (c’est-à-dire Garfield) part d’une valeur positive sans plus (celle posée par le premier énonciateur), qui correspond simplement à l’intérieur du domaine notionnel. On remonte à la position décrochée, depuis laquelle on peut envisager également la valeur négative : il y a donc prise en compte de l’altérité, et parcours. Ceci est un préalable indispensable à l’élimination de l’altérité (et donc du parcours). La glose pourrait être : « si on se pose la question, c’est oui, et pas non. » C’est ce que veulent dire, dans le langage courant des confirmations du type « N’aies pas de doute là-dessus, » « Y a pas à dire, » c’est-à-dire, « Il n’y a pas à hésiter » (l’expression plus familière « Y a pas à tortiller » veut dire en langage plus technique, « le parcours n’a pas de raison d’être et doit être éliminé »). Se pose également le problème de certains énoncés où l’on ne perçoit pas de valeur oppositive, car aucune autre valeur, négative ou autre, n’est posée dans le contexte avant pour la relation prédicative. On a ce que l’on appelle parfois une emphase à valeur émotive : Tuppence beamed upon him. § « How lovely. You are kind. I do love money! I’ll keep beautiful accounts of our expenses all debit and credit […] » (AC) « Oh, Tommy, Tommy, » she cried, « I do love you so--and I may never see you again.... » (AC)

Renaud MERY : A propos du verbe DO

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Then I tore off a bit of gorse--My! but it did prick--and plugged the hole with it so that you’d never guess there was a crevice of any kind there. (AC) « True, » said Tuppence, her flagging spirits reviving. « And all expenses paid! But, oh, Tommy, I do like things to happen quickly. So far, adventure has succeeded adventure, but this morning has been dull as dull. » (AC) I do hate steam launches: I suppose every rowing man does. (JKJ)

Il y a bien dans ces cas quelque chose de commun avec les cas qui précèdent. Au lieu de poser la valeur positive sans plus, de se placer d’emblée dans l’intérieur du domaine notionnel comme on le ferait avec la forme simple, on passe par la position décrochée qui permet le débat entre les deux valeurs, pour ensuite choisir la valeur positive. Mais ce qui compte ici n’est pas vraiment l’opposition avec une valeur autre que positive, puisque le contexte n’en préconstruit aucune. Ce qui importe est que l’on construit une valeur positive qui est à la valeur positive sans plus ce que le fortement unique est au faiblement unique. La circularité dont j’ai parlé plus haut (due à la redondance entre DO et V) a donc ici un autre effet, qui est le centrage, au sens de renvoi au centre attracteur, lié, on le sait, à l’intensification, à la construction du haut degré. On remarquera du reste que tous les énoncés cités ont une valeur exclamative. Ceci n’a pas de quoi étonner. On constate dans bien d’autres cas que l’élimination de l’altérité peut déboucher selon les cas de figure sur le sans plus ou le haut degré (voir par exemple les effets de sens obtenus avec les adverbes QUITE ou SIMPLY). On vérifiera sans peine que l’on peut obtenir le deuxième effet en français parlé par la simple répétition de V : « Pour aimer ça, j’aime ça » « Pour piquer, ça piquait » « Pour les détester, je les déteste » etc. On remarquera aussi que BIEN (voir à ce sujet Culioli 1990 : 135-168), et des marqueurs de centrage comme VRAIMENT, peuvent produire le même effet. Pour prendre un autre type d’exemple, on voit bien que cette assertion fictive qu’est l’hypothèse n’est pas vraiment renforcée par la présence de DO. L’effet produit est simplement « si c’est oui, et pas non, si c’est le cas, et non l’inverse » (toujours l’idée de contraste, d’élimination de l’altérité) : I endeavoured to try and turn the conversation by saying: « They haven’t met yet, have they? » § « Who? » § « Mr. Inglethorp and Miss Howard. » § She looked at me in rather a disconcerting manner. § « Do you think it would be such a disaster if they did meet? » (AC) I couldn’t see how they could get me if I was on my guard. One thing I’d done already as a precaution--ripped open the oilskin packet and substituted blank paper, and then sewn it up again. So, if anyone did manage to rob me of it, it wouldn’t matter. (AC)

Dans cet ligne de pensée, on peut revoir cet exemple emprunté à Adamczewski :

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I invited her down here, but got a telegram saying she was going back to France. Perhaps she did go back to France. We don’t know.

Le long commentaire de cet exemple comporte le passage crucial que voici : « Nous sommes en fait en présence d’une double modalisation, la seconde (perhaps) venant atténuer la première (accent sur did). » Ainsi, on aurait une assertion forte associée à l’expression de l’incertitude. Ces deux attitudes étant diamétralement opposées, puisqu’il s’agit de l’incapacité à choisir face à la certitude renforcée, leur association est pour le moins difficile à concevoir. En fait, ce que l’on a est simplement, à nouveau, une valeur contrastive : « Peut-être que c’est oui - et pas non ; peut-être que c’est le cas et non l’inverse. » La possibilité de traduire par BIEN, soulignée par Adamczewski, est intéressante. BIEN, on l’a vu, signale dans plus d’un cas le même type d’opération que l’anglais effectue avec DO. Cette valeur contrastive rend compte de beaucoup d’autres cas, quelle que soit la valeur posée et celle préconstruite par le contexte : « All right, son, » he said quietly, « I’m going. I don’t blame you any for what you’ve been saying. It’s mighty lucky you did say it. » (AC - glose « heureusement que c’était oui et pas non ») « No, » said Tuppence thoughtfully, « he didn’t believe it. That’s the curious part about speaking the truth. No one does believe it. I found that out this morning. Now let’s go to lunch. How about the Savoy? » (AC - glose « il n’y a personne pour qui c’est oui et pas non »)

L’emploi de DO + V semble renforcer l’injonction comme il renforce certaines assertions : « I’ve got a couple of skulls down in the crypt, » he said ; « come and see those. Oh, do come and see the skulls! You are a young man out for a holiday, and you want to enjoy yourself. Come and see the skulls! » § Then I turned and fled, and as I sped I heard him calling to me: § « Oh, come and see the skulls ; come back and see the skulls! » (JKJ) « Pinch me, Tommy, do pinch me. I can’t believe it’s real! » (AC) This will do very well, and now, my dear young lady, do go to bed and get some sleep. (AC)

Dans le cas de l’injonction, à l’impératif comme ici, l’énonciateur place le co-énonciateur dans la position décrochée (à partir de laquelle il peut envisager deux solutions, faire ou ne pas faire la chose mentionnée), et il l’invite à rompre le parcours en obéissant à l’injonction. Devant le refus constaté ou simplement imaginé de faire cela, la redondance introduite par l’usage de DO marque l’élimination explicite de l’altérité (« N’hésite pas à me pincer » etc.). A. Culioli 1990 : 158 commente ainsi l’exemple Écris-lui bien surtout, n’oublie pas : « L’impératif peut être représenté comme l’établissement d’un chemin entre la situation d’énonciation et l’objectif visé. Bien marque le renforcement de ce chemin ; en ce sens, il s’agit

Renaud MERY : A propos du verbe DO

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d’une sorte d’identification par surlignage. » Ceci s’applique évidemment à la traduction Do write to him, don’t forget. Dans les deux cas, on se place dans la position décrochée, l’impératif invite à choisir le chemin qui mène vers l’intérieur (la validation positive, c’est-à-dire la réalisation du procès) et à combler le hiatus (à supprimer la distance qui sépare la position décrochée de l’intérieur). Avec DO et la redondance qu’il implique, on en remet une couche, si je peux me permettre d’employer cette expression familière, mais qui montre tout comme celle de surlignage l’opération d’identification que signalent BIEN et DO. Comme le montre 10 le premier exemple, une autre manière de surligner, c’est la simple répétition. La description qui précède, forcément générale et schématique, doit être 11 nuancée pour tenir compte de certains cas d’espèce. Par exemple, la présence de DO dans des énoncés du type I do believe etc. peut être perçu comme un renforcement (avec l’une des valeurs, oppositive ou émotive, décrites plus haut), mais aussi parfois, selon le contexte, la prosodie, et les locuteurs, comme entraînant un affaiblissement : And I do believe I still have some influence with my husband. (BNC) I do believe we have found the saint we mourned as lost. (BNC) ‘I do believe,’ Shill started unsteadily, `that our beloved Maria has committed suicide.’ (BNC)

L’explication pourrait être que ce qui est perçu prioritairement dans de tels cas est que l’élimination de l’altérité suppose sa prise en compte préalable, donc, le passage par la position décrochée, qui est, comme on le sait, le lieu des hésitations. On ne sera pas surpris à ce stade de trouver en français un phénomène semblable avec l’expression Je crois bien. Culioli (1999b : 98) propose à ce sujet une autre explication, à savoir que le renforcement de la certitude subjective est perçu selon les informateurs comme augmentant ou comme affaiblissant la force assertive. 3.2.1.2. Les constructions comportant la séquence DO + sujet syntaxique Il s’agit de cas d’inversion sujet/auxiliaire, ou, pour être plus précis, d’inversion sujet/opérateur. DO, dans ce type de construction, joue le même rôle que les autres opérateurs qui permettent aussi, nous l’avons vu, ce que l’on a appelé diversement la remise en cause d’une relation prédicative, le débat de validité etc. Prenons deux exemples simples : Can you understand him? Do you understand him?

10 11

Comparer aussi Entre, entre ! au lieu de Entrez donc ! Je remercie Graham Ranger pour m’avoir signalé ce type de phénomène.

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En anglais, une question commence toujours par ce qui marque le parcours qui est à rompre par l’éventuelle réponse. Dans le premier cas, Can représente donc à la fois CAN et CANNOT (il y a débat entre l’absence et la présence d’un obstacle sur le chemin menant vers l’intérieur du domaine notionnel correspondant à < you understand him >). Dans le deuxième cas, Do ne signale que l’opposition entre la valeur positive et la valeur négative de la relation prédicative concernée. L’originalité de DO, par rapport à CAN par exemple, est donc que DO signale seulement (l’ajout de ce mot est crucial) la mise en cause d’une relation prédicative préconstruite, DO n’ayant lui-même aucun contenu notionnel, à la différence de CAN. Alors que CAN renvoie à la notion de possibilité (qui oppose un intérieur à un extérieur, le possible et l’impossible), DO n’évoque que l’opposition entre être et ne pas être (le cas), entre existence et non-existence du procès concerné. Il apparaît de ce point de vue comme un représentant de type image, un représentant des valeurs que peut prendre la relation prédicative. Mais il ne faut pas s’y tromper. Dans les exemples qui précèdent, le véritable marqueur de parcours, c’est l’inversion sujet/opérateur, c’est seulement, dans un cas comme dans l’autre, la place occupée par l’opérateur qui lui confère la propriété que je viens de décrire. On a vu que dans la tradition générativiste, le rôle de DO dans l’interrogation est de rendre possible l’inversion sujet/marque du Temps en servant de support matériel à cette dernière. Ceci n’est pas sans intérêt, mais je ne puis en rester là, puisque je soutiens que DO est le représentant d’une notion de procès préconstruite, et que lorsqu’il apparaît conjointement avec elle, il y a un effet de circularité : celui-ci se comprend mieux, je crois, si on revient sur la définition de ce qu’est une « prédication d’existence. » Dans l’exemple standard God is, il est clair que l’on ne repère pas Dieu par rapport à une propriété externe (en fait, on ne prédique pas quelque chose de Dieu). Le manque de repère externe (de propriété attribuée), induit un auto-repérage (« Dieu 12 est ce qu’il est ») et c’est cela même qui sert à poser l’existence de Dieu. Dans le cas de Do you understand him? on pourrait gloser « ce fait, à savoir < toi le comprendre >, est-il un fait ?. » Je renvoie sur ce point à Méry 1990 : 126. Deux observations corroborent cette vue des choses : - en anglais, DO est étymologiquement relié à DEED (songer à ce sujet à 13 l’emploi de l’adverbe INDEED au sens de « en fait, en réalité » - et de ce point de vue les langues opposent volontiers ce qui est en acte et ce qui est seulement en paroles). C’est pourquoi du reste les questions commençant par DO peuvent être 14 décrites en un certain sens du terme comme factuelles, par opposition à celles qui commencent par un autre auxiliaire (une question commençant par CAN porte une possibilité, une question commençant par DO sur un fait). 12

Comme me le signale G. Ranger, Dieu lui-même dit à Moïse (Exode 3, 14) I AM THAT I AM. Parfois, pour en remettre plusieurs couches, avec DO lui-même : He did indeed find a solution. 14 Il faut par ailleurs tenir compte des effets pragmatiques du type What do I do now?, qui sont à mettre en rapport avec ceux du type Now you take all your stuff with you and you go (injonction de forme assertive). 13

Renaud MERY : A propos du verbe DO

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- en français, la circularité apparaît nettement dans la question Est-ce que tu le comprends ?, ce renvoyant anaphoriquement à (que) tu le comprends, et l’interprétation se faisant comme pour une construction existentielle : la glose pourrait être en effet « Que tu le comprends, cela est-il ? » (remarquer ici l’emploi absolu de ETRE comme celui de BE dans God is). La séquence DO + sujet apparaît dans de nombreux autres cas où elle marque un parcours comme toutes les séquences opérateur + sujet. Je renvoie le lecteur à mes propres articles sur ce type d’inversion (cf. bibliographie), et me contenterai de commenter brièvement quelques exemples : There are other articles, to which, did time permit, we might draw attention. (trouvé sous la plume du grammairien Curme, en 1931 ; le style est littéraire, voire archaïsant, mais explicable par le fait qu’il s’agit d’une hypothèse contrefactuelle, qui a donc une valeur fortement non-assertive, comme celles commençant par HAD, WERE, ou SHOULD ; le parcours dans la protase, qui peut être marqué par IF au lieu de l’inversion, est rompu par l’apodose). Boy! Do I need a drink! (réplique dans le film Gentlemen prefer blondes: le parcours est rompu par le renvoi au centre attracteur, ce qui rend compte de la valeur exclamative, de haut degré) I knew a young fellow once, who was studying to play the bagpipes, and you would be surprised at the amount of opposition he had to contend with. Why, not even from the members of his own family did he receive what you could call active encouragement. (JKJ)

On remarquera dans ce dernier exemple que le parcours dans la séquence did he receive est rompu par la séquence antéposée Not even from the members of his own family, qui, remarquons-le, suppose elle-même un parcours (à cause de EVEN) rompu par le choix de la valeur négative (tout se passe comme si on avait 15 une réponse avant d’avoir la question). ONLY, qui suppose aussi un parcours, a un fonctionnement semblable à NOT EVEN : Only once did he come near disaster. (AC)

De même, dans les questions en WH-, on a un parcours correspondant à la séquence avec inversion, lequel sera rompu dans la réponse par la rupture du parcours correspondant à l’élément en WH-. DO dans ce type d’énoncé a la même 16 fonction que dans les questions fermées, qui est au premier chef de marquer un parcours sur être-ne pas être le cas, (positif-négatif). Un problème classique est celui que posent les questions en WH- où DO n’apparaît pas, celles qui portent sur le sujet syntaxique, comme Who killed Cock Robin? (cf. Méry 1996 : 156). Comme je l’ai ONLY, pas plus que EVEN, n’est un marqueur de parcours, mais l’opération qu’il signale implique un parcours. 16 une question ouverte équivaut naturellement à un nombre indéfini de questions fermées. 15

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dit plus haut, une question commence toujours par ce sur quoi porte le parcours destiné à être rompu par la réponse. Si la question porte sur le sujet syntaxique, celui-ci est en tête, comme dans un énoncé déclaratif, et ne peut être en anglais simultanément postposé à l’opérateur. Si DO n’intervient donc pas, c’est simplement parce qu’il n’y a pas d’inversion à assurer, pas plus d’ailleurs qu’avec d’autres opérateurs (Who could kill Cock Robin?). Selon Adamczewski (1982 : 95 - voir aussi l’article de 1977), DO n’intervient pas parce que l’on n’a pas affaire à une relation prédicative saturée : les énoncés de ce type ne sont pas des énoncés métalinguistiques, ne sont pas pris en charge par l’énonciateur et, en conséquence, des mécanismes tels que la transitivité par exemple ne sont pas suspendus (l’emploi 17. de DO est censé suspendre la transitivité). Or, Who killed Cock Robin? présuppose Someone killed Cock Robin, et on voit mal comment il pourrait ne pas s’agir d’une relation saturée, puisqu’elle peut apparaître indépendamment comme assertion. Mais le meilleur contre-argument vient peut-être du français, où l’on peut avoir Qui est-ce qui a tué Cock Robin ?, avec une inversion, donc, qui signale bien une mise en cause de la relation prédicative. Ce qui se passe dans ce cas est que le sujet peut apparaître à deux places différentes grâce au clivage, en anglais aussi du reste (Who was it that killed Cock Robin). Ma conclusion demeure que dans ces questions DO n’apparaît pas en raison d’une impossibilité purement matérielle : le sujet ne peut à la fois être antéposé et postposé à l’opérateur, et son antéposition est prioritaire, en tant que marqueur du parcours à rompre. * Did who kill Cock Robin? violerait une contrainte très générale sur la compatibilité entre parcours dont je ne peux parler ici. Quant à Who did kill Cock Robin?, la présence de did dans la question induit une valeur contrastive (If X, Y, Z etc. did not kill Cock Robin, then Who…? – l’effet produit est que l’on cherche en vain à rompre le parcours et à fixer une valeur positive). 3.2.1.3. DO employé comme pro-forme Je ne peux m’empêcher de penser que la distinction entre DOsub et DOaux doit être fortement relativisée, au vu d’exemples comme celui-ci (et d’autres déjà donnés) : I am having trouble again with the American income-tax people. They have now dug back to 1923 and claim that I made no return that year or in 1924. I have absolutely no means of proving that I did, but I must have done. I was in America both years and left for England, and you can’t get on a boat at New York, unless you show that you have paid your income tax. (P.G. Wodehouse, correspondance privée) L’analyse de Joly et O’Kelly (1990 : 247), formulée dans un autre cadre théorique, recoupe celle d’Adamczewski : selon eux, dans ces questions portant sur le sujet, « le verbe est incident à un sujetsupport qui n’est pas posé, mais simplement présupposé (virtualisé) [...] Avec who, which et what en fonction sujet, on est déjà dans le virtuel : l’auxiliaire do, opérateur de virtualisation, est redondant. » Le point commun est la non-saturation de la relation. 17

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On se trouve ici devant un problème plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. On a en effet le sentiment que les deux formes de DO dans cet exemple sont fondamentalement de même nature. Pourtant, deux tests syntaxiques donnent des résultats qui contredisent cette impression : -

la prédication effacée peut à la rigueur être rétablie après did, pas du tout après done.

-

on pourrait avoir dans le même contexte They have absolutely no means of proving that I didn’t.

Si on se reporte à la section 1., on doit en conclure que dans notre exemple, did relève de DOaux, done de DOsub. De même on dira que dans I paid but they say I didn’t, on n’a pas affaire à la pro-forme parce que manifestement, on ne peut remplacer did par paid puisque * paidn’t est impossible. De même pour A- I resigned. B- Why did you? (* Why resigned you?). Si la dernière réplique était You needn’t have done, on dirait au contraire qu’il s’agit de la pro-forme. Ces tests sont embarrassants, car ils donnent des résultats à la fois nets et contre-intuitifs. Il y a fort heureusement plusieurs raisons de minorer leur importance : - Le test du rétablissement de la prédication effacée est trompeur, car, comme le concèdent Lapaire et Rogé pour un exemple similaire, il y a une différence, subtile mais tout à fait réelle, entre I have absolutely no means of proving that I did make some return that year et I have absolutely no means of proving that I made some return that year. Pour moi, je l’ai déjà dit, cette différence est due simplement au fait que la co-occurrence de DO avec ce dont il est le représentant crée un effet de circularité, qui débouche sur l’élimination de l’altérité et ce qu’on pourrait appeler l’identification renforcée (« que j’ai bien effectué le paiement »), alors que la présence de DO seul (dans la reprise anaphorique de l’énoncé de départ) indique la simple représentation de la notion de procès préconstruite. La comparaison entre des exemples comme They have absolutely no means of proving that I didn’t et I have absolutely no means of proving that I will do suggère en fait que dans l’énoncé de P.G. Wodehouse (I have absolutely no means of proving that I did), did devrait d’une certaine manière être considéré à la fois comme auxiliaire et comme pro-forme, ce que l’on ne peut certes dire d’aucun autre forme auxiliariale en anglais, mais qui peut se comprendre en ce qui concerne une forme de DO, car DO demeure un représentant d’une notion (de procès) même lorsqu’il est employé comme auxiliaire. - Lorsqu’on dit que DO est employé comme pro-forme (comme substitut), en fait, c’est une forme donnée de DO qui sert de pro-forme, par exemple DONE (DO + -EN) remplace un verbe (ou un groupe verbal) à la forme V-EN, et –EN joue un rôle dans la substitution. DO lui-même n’est qu’un représentant de la notion concernée. Bref, il ne faut pas confondre DO et ses manifestations, ni le rôle de DO

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avec celui des marques qui l’accompagnent. Ceci invite encore à relativiser la signification des tests syntaxiques donnés plus haut, et à placer DO au-dessus de la distinction entre auxiliaire et pro-forme. 3.2.1.4. DO employé devant NOT Il faut se rappeler ici que l’opposition entre positif et négatif, comme nombre d’oppositions binaires, est dissymétrique. Le terme marqué de l’opposition (dans les deux sens du terme, sémantique et morphosyntaxique) est la valeur négative. Ceci est lié à la dissymétrie du domaine notionnel, où, par définition, ce repère ultime qu’est le centre organisateur est dans l’intérieur, et non 18 pas dans l’extérieur. Les conséquences sont connues. Par exemple, une question fermée à la forme positive comme Do you like it? met en balance de façon équilibrée la valeur positive et la valeur négative de la relation prédicative concernée, alors qu’une question fermée à la forme interro-négative comme Don’t you like it? est normalement orientée, privilégiant une réponse positive. Par contre, et le phénomène est complémentaire, DO accentué à la forme emphatique ne renvoie qu’à la valeur positive (contrastée ou renforcée). Dans l’assertion simple, on pose la valeur positive en se plaçant d’emblée dans l’intérieur du domaine notionnel, et le choix de la valeur positive n’a pas de marque spécifique : elle est, si l’on veut, comme une valeur par défaut, il n’y a rien à faire pour la choisir. Pour poser la valeur négative, il faut d’abord passer par la position décrochée d’où l’on peut envisager l’ensemble du domaine, considérer l’alternative existence/non-existence du procès avant de choisir la valeur négative. Cette description très sommaire risque d’inviter à des comparaisons trompeuses, par exemple entre le couple DO + NOT et le couple 19 guillaumien discordantiel + forclusif (NE + PAS). D’autre part, elle occulte le rôle d’opérations que je ne peux détailler ici, signalées notamment par des marqueurs de 20 parcours et/ou d’occurrence minimale . L’important est de voir tout ce qui précède à la lumière d’un principe plus général concernant les manières de rompre un parcours (valable pour WH- entre autres) : - par le recours au co-énonciateur (exemple : échange question-réponse) - par le recours au contexte (exemple : inversion avec antéposition du type Bitterly did she cry) - par le centrage (exemple : énoncés emphatiques du type I do love money) - par la sortie, i.e. le passage à l’extérieur du domaine notionnel (c’est le dernier cas traité) Je laisse bien sûr de côté les cas où l’extérieur d’un domaine notionnel donné est construit comme l’intérieur d’un autre domaine (par exemple CHAUD et FROID). 19 DO a des propriétés fort différentes de NE, qui est un marqueur d’inversion sur le gradient, ne porte jamais la marque du Temps etc. 20 J’ai omis dans tout ce passage, faute de place, de parler de la came et du rapport privilégié entre IE et I, du passage de I en E par inversion du sens normal du gradient etc. 18

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Un problème intéressant est que DO n’est pas obligatoire devant NEVER (comme il l’est avec NOT). Ce marqueur signale un parcours et la valeur négative choisie pour chaque valeur parcourue, ce en un seul mot, qui fonctionne comme d’autres adverbes indiquant la fréquence, élevée pour OFTEN, faible pour SELDOM (nulle pour NEVER) et pas du tout comme la particule négative NOT. À la différence de NOT, des exemples même simplifiés montrent que ces adverbes peuvent : - apparaître devant un verbe à la forme simple dans une structure de forme déclarative positive : I never went there. / I often went there. / I rarely went there. / * I not went there

- être suivis (et non pas précédés) d’une forme de DO : I never did go there. / I often did go there. / I seldom did go there. / * I not did go there.

- servir de réponse courte à une question : A- Did you go there? B- Never. C- Often.. D. *Not. E. * Not ever.

- être antéposés à une séquence avec inversion : Never did I go there. / Often did I go there. / Seldom did I go there. / * Not did I go there.

Dans les deux derniers alinéas, l’adverbe rompt le parcours d’une séquence avec inversion (signalant un parcours) par réaction dans un cas, par anticipation dans l’autre. Dans le cas précédent, où l’adverbe précède une forme de DO, on a, comme on l’a vu ailleurs, une valeur contrastive. Par exemple, I never did go to school implique un contraste avec ce qui est attendu (glose : ce n’a jamais été oui, qui est la situation normale). On se reportera dans ce volume à l’article de Anne-Marie SantinGuettier pour les exemples du type I didn’t go to school, ever. Leur fonctionnement est fort différent. On pose d’abord pour la relation prédicative la valeur négative, pour ensuite ajouter que ceci est valable quelle que soit la période considérée. Le parcours est donc ici dissocié (différé), et vient après coup renforcer la première opération. 3.2.2. DO employé comme verbe lexical 3.2.2.1. De la forme schématique au verbe transitif Les propriétés de DOlex se comprennent facilement si l’on considère deux choses :

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- la forme schématique générale de DO (DO est le représentant d’une notion de procès préconstruite par le contexte et/ou la situation) - DOlex entre dans un schéma x DO y, qu’il convient de comparer avec deux autres schémas, x BE y, qui repère x par rapport à y, et x HAVE y, qui repère y par rapport à x. Lattes 1993 fait justement remarquer que ces trois verbes sont complémentaires, et que c’est avec DO que naît la véritable transitivité et la construction d’un sujet agent, alors que ces deux choses sont totalement absentes avec BE, et que HAVE occupe une position intermédiaire entre BE (« l’archétype des états, » « le proto-état ») et DO (« l’archétype des processus, » « le protoprocessus »). La nature du processus plus précisément concerné est, comme cela a 21 souvent été dit, donnée par le contexte et/ou la situation, parfois de manière très explicite : « That was only an illustration. Let’s have a--what do you call it in bookkeeping? » § « Don’t know. Never did any. » (AC) So we scraped them, and that was harder work than peeling. They are such an extraordinary shape, potatoes - all bumps and warts and hollows. We worked steadily for five-and-twenty minutes, and did four potatoes. Then we struck. We said we should require the rest of the evening for scraping ourselves. (JKJ) Whittington seemed to be doing all the talking, and the nurse just listened. (AC)

Parfois, on utilise comme relais un anaphorique tel que THAT ou IT (la différence entre ces deux éléments, et les propriétés de DOlex expliquant largement celle entre DO THAT et DO IT) : « …I could go back earlier. » § « You must not do that on any account. It might arouse suspicion if you did not stay out till the usual time. (AC) No, some one’s got ahead of us to-day by an hour or so. But how they did it gets my goat. (AC)

Parfois, on est dans l’implicite total et la nature du procès doit être reconstruite grâce aux propriétés connues non seulement de l’objet, mais aussi du sujet (et donc du type de relation primitive qu’il peut y avoir entre eux). Ce type d’exemple est bien connu. Un énoncé tel que John has already done this text n’a pas la même signification selon qu’il s’agit d’un texte oral ou écrit, manuscrit ou électronique etc. selon que John désigne un professeur de littérature, un traducteur, Le verbe lexical n’a donc pas plus de contenu propre que l’auxiliaire. On comprendra donc que je me refuse à parler de désémantisation à propos de DO, pour le passage de l’un à l’autre. Parler de grammaticalisation est sans doute un moindre mal, l’écueil à éviter étant une séparation dommageable et injustifiée de la grammaire et du lexique. Le fait est que la langue peut recycler ses opérateurs, et en diversifier le fonctionnement. 21

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un typographe, un relecteur, un informaticien ou un moine enlumineur etc. L’énoncé veut dire en quelque sorte « Jean a déjà fait ce qu’il est censé faire (et que tu es censé savoir) en ce qui concerne ce type de texte. » En d’autres termes, la notion préconstruite par le contexte est à reconstruire, et c’est bien évidemment une source potentielle de malentendu. 3.2.2.2. DO et MAKE J’ébaucherai ici une comparaison entre DO et MAKE (qui, certes, devrait faire l’objet d’un travail beaucoup plus approfondi), parce que cela permettra de mieux exposer certaines propriétés caractéristiques de DOlex et ouvrira peut-être quelques pistes de réflexion. On se rapelle que DOaux ne s’intéresse qu’au problème de l’existence du procès préconstruit par le contexte. Les verbes apparaissant dans les dictionnaires à la rubrique DO pour le verbe lexical sont assez suggestifs (notamment si l’on pense à leur étymologie) : on trouve entre autres perform, execute, effect, transact, carry out, finish, accomplish, complete etc. La principale étymologie de DO (Anglo-saxon DON, placer, mettre) mérite également que l’on s’y arrête. Placer/mettre un objet quelque part, c’est faire que cet objet soit quelque part. D’où je crois le sens de DO comme verbe lexical. S’agissant d’un procès donné, DO indique qu’il s’agit de le faire être quelque part, c’est-à-dire de l’inscrire dans l’univers spatio-temporel 22 (ou, pour recourir aux métaphores si éclairantes du langage ordinaire, le mettre en place, le faire avoir lieu). Bref, il s’agit à nouveau de l’existence d’un procès préconstruit par le contexte, et DO indique qu’il s’agit de réaliser, bref, de porter à l’existence (de faire exister) ce procès. Je veux attirer l’attention ici sur plusieurs points : - Avec DO, ce qui compte est que l’on porte à l’existence le procès luimême. Avec MAKE, ce que l’on porte à l’existence est quelque chose qui est extérieur au procès que désigne MAKE (on considère alors l’adjacent, qui est en gros un état résultant). Souvent, mais pas toujours, il s’agit de l’existence du référent de l’objet direct de MAKE (dans les constructions causatives comme They made him refund the money, celle de la relation prédicative < he refund the money >). MAKE aussi bien que DO est pour ainsi dire un verbe vide en attente de remplissage sémantique par le contexte, mais ce dernier ne fournit donc pas du tout les mêmes indications qu’avec DO, car il ne s’intéresse pas (dans le cas de MAKE) directement à l’activité elle-même, à la structure interne du procès. - DO a une valeur nettement qualitative. Les intuitions des uns et des autres sont très convergentes sur ce point. Garnier et Guimier, par exemple (1997 : 126), 22

Voir l’article de Jean-Rémi Lapaire dans ce même numéro.

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écrivent que DO signifie « mettre l’objet en conformité avec une norme, avec ce qui est attendu de l’agent. » Les équivalents de DO donnés plus haut sont très révélateurs : on peut résumer en disant qu’il s’agit de mener à bien une activité donnée. Les emplois intransitifs de DO sont également révélateurs de cette valeur qualitative, que DO soit employé seul (This will do) ou avec un adverbe (You did well/wisely). L’emploi (transitif ou intransitif) de DO avec le sens de FINISH est aussi fort significatif. Par opposition, MAKE met l’accent sur la discontinuité créée par le procès (à laquelle on ne s’intéresse pas en fait en tant que tel), le « venir à être » de telle entité. On oublie souvent du reste que cette dernière n’est pas forcément l’objet syntaxique, mais éventuellement le sujet (voir ci-dessous). Avec MAKE, l’accent est donc mis sur le passage d’une valeur nulle à une valeur nonnulle, et la perspective est donc caractéristiquement quantitative. - Autre différence (ou autre manière de présenter l’opposition), DO marque le développement d’une activité à partir d’un point donné (puisqu’elle est préprogrammée), MAKE indique l’aboutissement à un point donné, ce que l’on voit bien dans des énoncés comme Two and two make five ou They eventually made a decision (= reached a decision). Voici quelques paires minimales pour étayer ce qui précède, avec des commentaires succincts : We shall do London in ten hours. We shall make London in ten hours.

S’il s’agit de touristes, dans le premier cas, il s’agit de développer l’activité attendue, à savoir visiter Londres. Dans le deuxième cas, il s’agit d’arriver à Londres, c’est-à-dire, si l’on veut, d’en venir à être à Londres (remarquer qu’ici, ce n’est nullement le référent de l’objet syntaxique qui vient à être, et que make peut être à nouveau remplacé par reach) She will do a very good wife. She will make a very good wife. Dans le premier cas, il s’agit de jouer un rôle (qui est ce que j’ai appelé une activité pré-programmée) dans une pièce de théâtre, où ce rôle est déjà tracé par le texte, l’adjectif indique seulement que la mission sera très bien exécutée, et qualifie la manière de mener l’activité. Dans le deuxième cas (où MAKE fonctionne en fait comme un verbe copulatif), il s’agit de dire que la femme concernée viendra à être (sera à terme) une très bonne épouse : l’important est qu’il y aura une très bonne épouse là où il n’y en avait pas auparavant (le passage à une valeur non-nulle). John has done this cake. John has made this cake.

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Dans le premier cas, il est fait référence à l’exécution de la recette dans ses différentes phases (l’énoncé implique John knows this particular recipe), dans le deuxième cas à la production du gâteau lui-même, sans que l’on s’intéresse à la structure interne de l’activité elle-même (There’s a cake for you to eat etc.). 4.

Conclusion

Je ne retiendrai de l’exposé qui précède et des hypothèses proposées que les deux points suivants : - Dans tous les cas de figure, DO est le représentant d’un contenu notionnel de procès préconstruit par le contexte et/ou la situation. - Ce sont les différences d’emploi de DO, les places qu’il occupe dans tel ou tel schéma, et les propriétés liées aux éléments pouvant occuper la même place dans le schéma, qui sont responsables des différences entre les trois variétés (plus ou moins bien) identifiables. Ainsi, dans des exemples tels que He did talk, Did he talk? Did he talk! He did the talking, She talked more than he did, She talked more than he had done, What he did was talk and talk etc. on perçoit bien, au-delà des variétés plus ou moins facilement étiquetables, qui sont simplement en fait des emplois différents, le rôle constant et intrinsèque de DO, qui est de renvoyer au contexte pour ce qui est du contenu notionnel requis (dans tous les exemples donnés, talk) pour les diverses opérations qu’il est chargé d’effectuer en coopération avec d’autres marqueurs, entre 23 autres ici la marque du temps grammatical. Dans l’inconscient collectif des anglophones (et les dictionnaires ne s’y sont pas trompés), au-delà des comportements différents, il n’y a qu’un seul verbe DO (d’où le titre de cet article). Je soumets pour finir au lecteur deux exemples qui méritent, je crois, d’être médités (du reste, que ce lecteur soit une lectrice ou un lecteur). Un cartoon dans le Daily Mirror montre une femme négligée dans une maison désordonnée, accueillant son mari (qui rentre du travail) par ces mots : Remember asking what I did around the house all day? Well, today, I didn’t.

illustrant ainsi la loi inexorable selon laquelle Housework is something you do that nobody notices until you don’t. (Penguin Dictionary of Jokes) Si le rôle de DO est de porter la marque du temps dans les trois premiers exemples, où l’on dira que DO est auxiliaire, c’est vrai aussi, mutatis mutandis, pour le quatrième exemple, où l’on dira que DO est le verbe lexical. 23

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