Actes du colloque SILF, Brno 2013

May 30, 2017 | Autor: Zuzana Raková | Categoria: Functional Linguistics
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Société Internationale de Linguistique Fonctionnelle International Society for Functional Linguistics École Pratique des Hautes Études - IVe Section 45, rue des Écoles, 75005 PARIS

• MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICKÁ FAKULTA

ACTES DU XXXVe

COLLOQUE INTERNATIONAL

DE LINGUISTIQUE FONCTIONNELLE Brno, 18-22 septembre 2013

Christophe CUSIMANO / Alena PODHORNÁ-POLICKÁ / Zuzana RAKOVÁ (éds.)

MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICKÁ FAKULTA BRNO 2016

Ouvrage publié avec le concours financier de l´Institut de Langues et Littératures romanes de l´Université Masaryk de Brno.

© 2016 Masarykova univerzita ISBN 978-80-210-8306-6

TABLE DES MATIÈRES Préface..........................................................................................................................................7 Conférence plénière André Martinet´s économie des changements phonétiques as stimulus for an ancient Greek phonemic analysis / Antonín BARTONEK..................................................................................9 I. Communications individuelles.................................................................................................14 1. Emprunts lexicaux : entre „bons“ et „faux amis“, le cas du français et de l‘espagnol / Henriette WALTER et José Carlos HERRERAS.......................................16 2. La (non) transparence de la fonction de l´article français au sein de la situation de communication linguistiquement hétérogène / Zuzana PUCHOVSKA............................22 3. Élaboration de l’orthographe d’une langue minoritaire : le cas du basque / Jean-Baptiste COYOS...............................................................................26 4. Point d´altérité / Nicole PRADALIER...................................................................................31 5. El concepto de transposición como noción clave de la lingüística funcional española. Orígenes, desarrollo y formulaciones actuales / Cristina GARCIA GONZALEZ.................36 6. Syntaxe fonctionnelle et traduction automatique / Bassel AL ZBOUN ................................40 II. Thème 1 - Prédicats et actants...............................................................................................45 7. Phrases sans prédicat ? / Christos CLAIRIS...........................................................................46 8. Implication de la définition fonctionnaliste de la fonction « Sujet » et perspectives / Denis COSTAOUEC ..................................................................................50 9. La prédication seconde en tchétchène / Françoise GUERIN ................................................55 10. Le prédicat verbal et les participants de l´action en chinois / Sun FANG .........................61 III. Thème 2 - Figements et défigements ....................................................................................67 11. Vert de rage, noire fureur. Propriétés des figements au sein du champ de la colère / Julie SORBA et Vannina GOOSSENS............................................................68 12. TextObserver : une démarche textométrique expérimentale pour l´analyse de la variation / Jean-Marc LEBLANC ...............................................................................74

13. Les proverbes en traduction : un refigement ? / Teresa GIERMAK-ZIELINSKA...............81 14. Les altérations volontaires aboutissent-elles au défigement des énoncés phrastiques du domaine parémiologique ? Témoignage d´une enquête clermontoise / Jana BRNAKOVA.........................................................................................86 15. Le nom propre dans la transgression de la formule figée / Georgiana BURBEA ...............92 16. Les séquences figées : approche linguistique et cognitive / Liliana ALIC...........................96 17. Réévaluation du concept théorique de l´unité significative minimale de la synthématique : le thémème / Nina CUCIUC............................................................100 IV. Thème 3 - Aspects sociaux du lexique : sociolinguistique urbaine et néologie...................109 18. La territorialisation langagière, mise en mots/sons de l´espace : l´exemple du chant à la Légion étrangère / Mélanie TEXIER............................................111 19. Rap, langues et appartenance québécoise / Claire LESACHER.........................................115 20. Confrontation des approches quantitative et qualitative dans le cadre d´une enquête sur le terrain / Petra VASKOVA..................................................................121 21. L´observation longitudinale comme méthode en socio-lexicologie : bilan et perspectives / Anne-Caroline FIEVET et Alena PODHORNA-POLICKA....................127 22. Néographie phonétisante en tant que marque générationnelle / Jan LAZAR.....................132 23. La mise en mots située de la discrimination sociolinguistique (discours patronymiques et évaluation sociale) / Thierry BULOT.....................................137 24. Mise en mots de la revendication comme stratégie discursive face à la stigmatisation (les habitants des quartiers défavorisés et les personnes anciennement incarcérées) / Nolwenn TROËL-SAUTON........................................................................143 25. Sociolinguistique urbaine et géographie sociale. Entre mise en forme et mise en mots : la dimension praxique de la spatialisation discursive. Analyse du discours du projet Lyon Smart City / Clément FERRE....................................................................147

PRÉFACE Le trente-cinquième Colloque internationale de linguistique fonctionnelle fut organisé à Brno en République tchèque en septembre 2013. Trois thématiques ont été choisies pour le colloque. La première avait pour objet le thème des Prédicats et actants et contenait des communications traitant de structures syntaxiques, et s’appuyant sur les concepts de fonctions, de valence, de diathèse et d'orientation du procès. La deuxième abordait la problématique des Figements et défigements : Incidence des corpus sur la terminologie linguistique, et comprenait des communications relevant de la philologie numérique ou lexicométrie, de l’étude sémantique des champs lexicaux, du cognitivisme, etc. La troisième section se focalisait sur les Aspects sociaux du lexique, la sociolinguistique urbaine et la néologie était articulée autour de la question des discriminations langagières et autour de la nouveauté dans le lexique. La première journée du colloque a débuté par la conférence plénière « Une école de Prague en cache bien d’autres : Le phénomène du foyer pragois de structuralisme fonctionnel » prononcée par M. Tomáš Hoskovec. La session de l’après-midi fut ouverte par une conférence plénière de M. Antonín Bartoněk portant sur A. Martinet’s « Économie des changements phonétiques » as stimulus for my analysis of phonemic systems in Ancient Greek dialects. En fin de journée, les participants se sont réunis lors de l’Assemblée générale de la SILF. La dernière matinée du colloque fut ouverte par une conférence plénière de M. Ondřej Pešek intitulée « Le Cercle linguistique de Prague dans les années 50 - la linguistique face au stalinisme ». Sur un nombre total de quarante-trois communications soumises au comité scientifique, six appartenaient à la première thématique, onze à la deuxième et neuf à la troisième, tandis que dix-sept étaient les communications individuelles. Malheureusement, le colloque a été marqué aussi par quelques désistements, dus à des raisons de santé, tant et si bien que seulement trente-cinq communications ont été effectivement présentées au colloque. Vingt-cinq communications ont été retenues par le comité scientifique et paraissent dans ce volume, présentées par ordre thématique et divisées en quatre sections, dont six communications individuelles, quatre communications consacrées aux Prédicats et actants, sept communications portant sur les Figements et défigements et enfin

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huit communications s’inscrivant dans la thématique de la Sociolinguistique urbaine et la néologie. Nous tenons à remercier toutes les institutions qui ont apporté leur concours financier tant à l’organisation du colloque qu’à la publication de ces Actes, notamment l’Université Masaryk de Brno, l’association Gallica et l’Ambassade de France à Prague. Nos remerciements appartiennent aussi à tous les membres du comité d’organisation, la co-présidente du comité Mme Henriette Walter et le coprésident M. Petr Kyloušek, ainsi que tous nos collègues de la SILF, Christos Clairis, Denis Costaouec, José Carlos Herreras, Colette Feuillard, avec qui nous étions en contact pendant la préparation du colloque. Nous remercions également les membres du comité scientifique, Fabienne Baider de l’Université de Chypre, Thierry Bulot de l’Université Rennes II, Carine Duteil-Mougel de l’ENSI Limoges, Jan Holeš de l’Université Palacký d’Olomouc, Margareta Kastberg de l’Université de FrancheComté, Olga Nádvorníková de l’Université Charles de Prague et JeanFrançois Sablayrolles de l’Université Paris 13, ainsi qu’à Béatrice Jeannot-Fourcaud, présidente de la section Prédicats et actants.

Les éditeurs Christophe Cusimano Alena Polická Zuzana Raková Institut de Langues et Littératures romanes

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ANDRÉ MARTINET´S ÉCONOMIE DES CHANGEMENTS PHONÉTIQUES AS STIMULUS FOR AN ANCIENT GREEK PHONEMIC ANALYSIS Antonín BARTONĚK Masaryk University of Brno ([email protected]) I started my university career by studying Latin and Greek in 1945. From the very early period of my studies I was fascinated by the large degree of diversity among the ancient Greek dialects. This interest of mine got intensified after 1952, when the Aegean Linear B Script had been deciphered by Michael Ventris and John Chadwick and the most archaic Greek dialect, i.e. the Mycenaean idiom from the 2nd half of the 2nd mill. B. C. had been discovered. The methodological spectrum of my linguistic research was, nevertheless, considerably enlarged in 1948, when I added the study of English to that of Latin and Greek and started attending the linguistic seminars of Prof. Josef Vachek, a member of the famous Cercle Linguistique de Prague, trying to apply methodological principles of the Cercle to the functional analysis of the Ancient Greek phonemic system. It just so happened that there were three events important for my scholarly work, which were connected with the name of André Martinet, around the year 1955: a) His excellent monograph Économie des changements phonétiques appeared in Berne in 1955. b) The Spanish linguist Martin. S. Ruipérez published his article Esquisse de une histoire du vocalisme grec in Word 12, 1956, 67-81, edited by A. Martinet in New York. c) A Martinet (who had published his earlier article Rôle de la corrélation dans la phonologie diachronique in Travaux CLP 8, 1939, 273288) visited Czechoslovakia in 1956, and I had the opportunity at an informal meeting to tell him about my intention to apply the methodology of Ruipérez – who had analysed only Attic and Boeotian – to the whole spectrum of all the main Greek dialects, as to their both consonantal and vocalic subsystems. I was able to realize this plan between 1955 and 1971 in two monographs (Vývoj konsonantického systému v řeckých dialektech, published in Czech, but with a very long English summary, entitled Development of the Consonantal System in Greek Dialects), Praha 1961; Development of the Long-Vowel System in Ancient Greek Dialects, Brno, 1966) and a number of articles – as regards A. Martinet´s Économie, cf. in particular my Vývoj 1961, p. 32, and Development 1966, p. 26ff.

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After the collapse of Mycenaean centres, the strong and hitherto unifying tendencies in the social and cultural life came to a halt: in the linguistic field, this brought about the disappearance of various retarding factors, which had been at work during the Mycenaean period, and opened the way to strikingly new changes in the development of the Greek language, which was quickly moving to a considerable dialectal differentiation. As early as the dawn of the classical Greek civilization in the 8th/7th cent. B. C., we have to do with a rich complex of more than twenty Greek dialects, which were more or less distinctly different from one another. As to the CONSONANTAL subsystem of Ancient Greek, I have to stress especially the following four complexes of phonological changes that resulted in a marked dialectal differentiation of the Greek consonantal subsystem, the first three of the processes being in most cases even pre-alphabetic: a) a very early Greek tendency towards an elimination of the proto-Greek anteor intervocalic j and s: see, e.g. IE. *iugom > Gr. ζυγóν, Lat. iugum, IE. *septm̻ > Gr. ἑπτά, Lat. septem, IE. *genesa > Gr. γένεα > γένη, Lat. genera), b) an early post-Mycenaean elimination of labiovelars with different results in different alphabetical dialects, prevalently labial ones in the Aeolic dialects, such as Boeot. πέμπε „five“ or Thess. πέτρο- “four-„ against the dental forms πέντε, τέτρα- in Attic-Ionic, or the spirantic śις,/ σις in Arc.-Cyp. against the ΑtticΙonic τις), c) a rather early simplification of some consonantal clusters through the mediation of a number of various phonological changes in different dialects during their post-Mycenaean development (assibilation, compensatory lengthening, epenthesis, gemination, etc.); see, e.g., the Thess.-Lesb. ἐμμί/ἔμμι against the Ion.-Att. εἰμί, Lac. ἠμί etc. instead of the original ἐσμί. The fourth of the important consonantal changes concerned the alphabetic period only, comprehending a number of scattered instances of the post-Classical spirantization of voiced plosives and unvoiced aspirates, thus foreshadowing the well-known phonemic process documented during the Hellenistic and Byzantine periods, which was characterized by the systemic shifts of the Classical voiced plosives b, d, g into the voiced spirants β, δ, γ/j and of the Classical voiceless aspirates ph, th, kh into the voiceless spirants φ, θ, χ. In Vývoj 1961, p. 156, I collected a set of some 40 most conspicuous instances of this kind, identified in 11 different Greek dialects and coming mostly from the pre-Christian Era. See, e.g. Cretan ἀβέλιον· ἥλιον „sun” Hesych., Elean ζίκαια = δίκαια „just” , βοικίαρ = οἰκίας „house“, Boeotian ἴωγα = ἔγωγε „myself” Aristophanes . This phenomenon was typical of Byzantine and Modern Greek and represents a most distinctive systemic reconstruction within the area of the consonantal development, embracing practically one third of all the Ancient Greek consonants

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(see, e. g. the modern pronunciation of Ancient Greek words βασιλεύς „king”, δέκα „ten”, γάλα „milk”, γυμνάσιον as [wasilefs, [eka, ´ala, jimnasio]. The main problem of the Ancient Greek LONG-VOWEL subsystem is connected above all with the origin of the second pair of the long ē/ō- vowels in a number of Greek dialects during the first half of the 1st millennium B. C. Whereas the Mycenaean dialect employed only one pair of ē/ō-vowels, practically pronounced in a mid-long vocalic position, several alphabetic dialects, like the Attic-Ionic idioms and some West Greek dialects, such as Megarian, Corinthian and Argolic on the Saronic Gulf, or the North-West dialects on the Corinthian Gulf, were able to create another pair of long ē/ō- vowels, of a more closed character ē ̣/ō ̣, as results of the compensatory lengthening of the type of *ἐσμί > εἰμί (= ³mi) οr *βολσα > βουλά/βουλή, of the contraction of ee/oo or of the monophthongization of ei/ou. These dialects were able to form a fourgrade long-vowel system, utilizing very well the convenient shape of the oral cavity, which is larger in the front than at the back (see A. Martinet, TCLP 8, 1939, 273-288, as quoted above). Those dialects, however, that did not create a second pair of the long ē/ō- vowels and preserved their original three-grade long-vowel system, often failed to fully realize some of the above-mentioned phonetic processes (see esp. the absence of compensatory lengthening in Thessalian and on Lesbos), and their only longvowel ē/ō- pair was not that loaded as to be forced to get redoubled. Some dialects of this kind, such as Laconian, indeed, mastered the matter quite well even under the full burden of secondary ē/ō- realizations, which totally merged here with the primary ē/ō-. However, the dialects characterized by the four-grade system of 7 long vowels (i.e. those employing two pairs of long ē/ō- vowels) comprised in the end a vast and rather continuous geographical area, extending in the form of a wide stripe stretching from the North-West dialects spoken in Aetolia, Acarnania, Locris and Phocis across the area of the Doric dialects on the Saronic Gulf (i.e. Corinthian, Megarian and Argolic), as well as across Attica and Ionic Cyclades, up to the Ionic and partly also Doric regions in Asia Minor – representing thus a very distinctive phonemic isogloss. Cf. in this connection J. B. Hainsworth´s dialectological map in Cambridge Ancient History3 III, 1. 863 – with reference to A. Bartoněk, Development 1966. This growth of the long-vowel subsystem to a four-grade one was only of temporary duration: during the first half of the 1st millennium B.C., the Classical Greek long-vowel development evidently tended to both a vocalic narrowing (an itacism) and the monophthongization of diphthongs, in order to reach a functional balance within the framework of a “reconstructed” three-grade long-vowel subsystem. This may be observed quite well even in Classical Attic, but

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especially Boeotian serves as a handy protagonist here; whereas the Boeotian consonantal subsystem remained relatively conservative, it so happened, as Ruipérez had shown in 1955 already, that a number of the Boeotian long vowels and diphthongs got changed very quickly and quite distinctly before 300-250 B.C. See the following Boeotian examples from the first half of the 3rd cent. B. C.: Θειβῆος, pronounced as [Thibäos] = Att. Θηβαῖος, Fυκία = Att. οἰκία „house”, τῦς θιῦς = Att. τοῖς θεοῖς „to the gods”, whereas the Attic οἴσεται „he will bring” was pronounced [üsetä] in Boeotia, i.e. entirely in the way these expressions were pronounced (or written) in the Hellenistic Koine at the beginning of the Christian Era. The structure of the SHORT-VOWEL subsystem, on the other hand, was relatively less complicated and practically does not need any special comments. In 1972, I tried to combine my functional approach to the analysis of Ancient Greek dialects with the application of the methods of linguistic geography, as developed by Robert Coleman in his study The Dialect Geography of Ancient Greek, TPS 61, 1963, pp. 58-126. I elaborated my own methodological ideas in my monograph Classification of the West Greek Dialects at the time about 350 B. C., Prague – Amsterdam, 1972, evaluated here the mutual phonemic relations of the West Greek group of dialects by examining their phonological isoglosses from the quantitative point of view, and came, for instance, to the conclusion that Central Cretan and Elean seem to be Greek dialects of a most distinctive character, since they possessed, according to my Classification 1972:172, the highest indices of dialectal differentiation (0.546 and 0.520). Here I also suggested my new re-classification of the West Greek dialects, dividing them into Doris Severior (Laconian, Messenian, Cyrenaen, Central Cretan), Doris Mitior (Megarian, Corinthian, East Argolic), as well as – in my terminology – into Doris Media (with West Argolic and East insular Doric), Argolic being divided by myself into two subdialects. Finally, see also my recent Czech publications Dialekty klasické řečtiny = Dialects of Classical Greek, Brno 2009, and Chréstomatie starořeckých nářečních nápisů = Chrestomathy of Ancient Greek Dialectal Inscriptions, Brno 2012, containing 173 selected Ancient Greek inscriptions preserved in ca. 25 epichoric Greek dialects (both in Greek original and in Czech translations), as well as A Comparative Graeco-Latin Sentence Syntax within the European Context, Munich, Lincom 2010, published in English and containing also chapters on both deontic and epistemic modality in Greek and Latin /see pp. 157182/. I expressed here also my personal opinion concerning the global difference between Ancient Greek and Latin as to the area of the sentence syntax: i.e. that

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Latin often introduced or strongly preferred certain syntactical features, which later did not prove to be economic or practical enough to survive in competition with other syntactical constructions, e. g. the construction of Acc. with Inf., Gerundium and Conjunctive in the Indirect Questions. As for Mycenaean, I should like to mention especially my book Zlaté Mykény = Golden Mycenae, Brno 1983, as well as my Handbuch des mykenischen Griechisch, published in Heidelberg by C. Winter in 2003 (or its abridged Czech version Písmo a jazyk mykénské řečtiny = The Writing and Language of Mycenaean Greek, Brno 2007), as well as a great number of various articles. As to the early Greek proto-history in general, see in particular A. Bartoněk, Grundzüge der altgriechischen mundartlichen Frühgeschichte, Innsbruck 1991, Schriftlich bezeugte nichtgriechische Sprachen im altägäischen Raum, Eirene 30, 1993, 5-20, and A. Bartoněk – G. Buchner, Die archaischen Inschriften von Pithekoussai (Ischia), Die Sprache 37:2, 1997, 129-238.

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Communications individuelles L’objectif de la section des communications individuelles au XXXVe Colloque de la SILF était d’apporter une variété de sujets mettant en lumière des recherches actuelles dans le domaine de la linguistique fonctionnelle, et ce tant sur le plan orthographique, morphologique, lexicologique, syntaxique, sociolinguistique que traductologique. Sous les angles variés sont examinées des notions clé de la linguistique fonctionnelle : celle de la variation diatopique et diachronique (Henriette Walter et José Carlos Herreras), celle de la fonction (Zuzana Puchovská), de la norme orthographique (Jean-Baptiste Coyos, Nicole Pradalier), de la transposition (Cristína García González), et de la structure syntaxique (Bassel Al Zboun). Comme nous le verrons, la notion de la norme orthographique est développée dans l’article de Jean-Baptiste Coyos, consacré à l’élaboration de l’orthographe d’une langue minoritaire qu’est le basque ; c’est également autour de l’orthographe qu’est articulé l’article de Nicole Pradalier qui se penche sur l’expression graphique du genre grammatical ; la notion de la transposition, concept clé de la grammaire fonctionnelle, est abordée par Cristina García González, et celle de la structure syntaxique trouve son application dans le domaine de la traduction automatique (Bassel Al Zboun). Henriette Walter et José Carlos Herreras ont ouvert la session en éclairant dans leur contribution le rapport entre deux langues romanes, le français et l’espagnol, dans le domaine lexical. Les emprunts lexicaux sont placés dans la perspective historique. Le rapport entre la forme et le concept est mis en valeur par la comparaison des bons et des faux amis entre les deux langues. Dans la perspective comparée, cette fois-ci entre le français et le slovaque, s’inscrit également la contribution de Zuzana Puchovská mettant en relief trois fonctions de l’article en français (fonctions d’actualisation, stylistique et pragmatique) et les difficultés que ces trois fonctions constituent pour un récepteur slovaque lors du décodage. Jean-Baptiste Coyos étudie le statut linguistique du basque et l’élaboration de son orthographe dans la perspective sociolinguistique, en soulignant le rôle des autorités (L’Académie de la langue basque), de l’enseignement et de la politique linguistique de l’Espagne sur la fixation d’une orthographe.

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Nicole Pradalier présente l’influence de la perception de la catégorie du genre grammatical masculin / féminin, ancrée dans les esprits des locuteurs du français, sur son expression graphique, et propose une solution typographique innovante permettant de dépasser la vieille dichotomie entre le genre grammatical masculin et féminin, pour marquer un genre commun. Cristina García González passe en revue les origines et les formulations actuelles du concept de la transposition dans la linguistique espagnole. Bassel Al Zboun propose un modèle pour l’amélioration des logiciels de la traduction automatique, qui actuellement ne prennent pas suffisamment en considération les différences dans la structure syntaxique entre telles langues que le français, l’arabe et l’anglais. Zuzana Raková, présidente des séances de la section

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EMPRUNTS LEXICAUX : ENTRE "BONS" ET "FAUX AMIS", LE CAS DU FRANÇAIS ET DE L’ESPAGNOL Henriette WALTER, Université Rennes 2 José Carlos HERRERAS, Université Paris Diderot – Paris 7 L’histoire des langues a depuis longtemps montré que lorsque des contacts s’établissent entre deux langues, les échanges qu’ils entraînent portent en germe les ingrédients nécessaires pour leur enrichissement réciproque. L’exposé qui suit est une illustration de ce phénomène entre le français et l’espagnol. En Espagne, au cours des siècles, plusieurs dialectes néo-latins se sont développés suite à la colonisation romaine (l’aragonais, le castillan, le catalan, le galicien, le léonais). Cependant, contrairement à d’autres endroits de la Romania, la répartition dialectale n’est pas due à une évolution naturelle des parlers sur leurs territoires respectifs, mais a été conditionnée par l’invasion arabe qui, en modifiant profondément la carte politique péninsulaire, va transformer aussi le panorama linguistique. Le destin des dialectes néo-latins sera étroitement lié au destin des puissances politiques autour desquelles ils se sont formés. L’une d’entre elles — la Castille — s’imposera à toutes les autres et avec elle, le castillan, devenu espagnol depuis le XVIe siècle. L’espagnol, durant ce siècle, jouira d’un rôle hégémonique dans la Péninsule ibérique, mais son influence se fera sentir également sur le plan européen, marquant de son empreinte les plus grandes langues, et parmi elles le français, tout en restant perméable à l’influence de ces langues dans les siècles suivants. En France, l’école de la République, en faisant porter tous ses efforts sur l’enseignement du français, a souvent fait oublier qu’une des grandes richesses de ce pays est aussi sa diversité linguistique : le breton, les diverses langues issues du latin, ainsi que le basque, le flamand, l’alsacien et le lorrain, sans oublier les créoles à base lexicale française, représentent une réalité culturelle constitutive de la personnalité de ce pays. Ces langues régionales, mais aussi plusieurs autres langues ont largement contribué à donner au français son dynamisme. Et c’est plus précisément sur les emprunts lexicaux entre l’espagnol et le français que s’orientera notre exposé. Si les échanges entre langues parlées dans des territoires éloignés peuvent se produire, c’est sûr que la proximité géographique a pu jouer un rôle important surtout dans des périodes où ni les moyens de communication ni les moyens de transport n’étaient aussi performants qu’à l’époque actuelle. On pense que l’un des contacts privilégiés entre le français et l’espagnol va se produire au Moyen Âge, à l’époque de la Reconquête dans laquelle participent des nombreux

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chevaliers français, à l’occasion des Croisades ainsi que lors du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Mais ce sera plus tard que les échanges vont s’accentuer lorsque l’Espagne jouera un rôle hégémonique au niveau mondial (XVe et XVIe siècles), remplacée par la France aux siècles suivants. Sont passés du français en espagnol : 1. venus de France, comme : botar “jeter”, de l’ancien verbe français bouter, aujourd’hui délaissé sinon pour rappeler que Jeanne d’Arc avait bouté les Anglais hors de France ; baca “galerie”, du nom français bache, sorte de toile imperméabilisée servant à protéger les marchandises des intempéries ; boga “mode”, du mot français vogue ; berlina “voiture fermée”, du nom français berline (de la ville de Berlin) où cette voiture a été créée au XVIIe siècle ; galleta “gâteau sec biscuit”, du mot français galette, dérivé de galet pour la forme arrondie et plate de ce type de cailloux ; jaula “cage”, de l’ancien français jaole (plus tard geôle), signifiant “prison”; equipar “armer un bateau”, du verbe français équiper. Aujourd’hui sa signification s’est élargie également à d’autres domaines ; bayoneta “baïonnette”, du toponyme français de la ville de Bayonne où cette arme pointue, pouvant s’ajuster au fusil, a été fabriquée en premier ; artesiano (pozo) “artésien”, du toponyme français de la région de l’Artois où ce type de puit a été foré pour la première fois ; bufanda “sorte d’écharpe”, de l’ancien français bouffante, lui-même de bouffer, signifiant “enfler” ; jefe “chef” au XVIIIe, mais chef (idem) est revenu au XXe, avec la signification de “grand cuisinier” ; Sans oublier un domaine, dans lequel les mots français ont un véritable succès, celui de la cuisine et la gastronomie : bistro, canapé (hors-d’œuvre), compota, crema, crêpe, escalope, fondant, fondue, gelatina, gourmet, maître d’hôtel, menú, merengue, mousse, plató, puré, servilleta, suflé, terrina, etc. 2. venus de l’arabe, du turc ou du persan, comme : ulema, par le français uléma ou ouléma, lui-même de l’arabe ‘ulamâ, "docteur de la loi, théologien musulman", pluriel de ‘âlim " savant" ; babucha, par le français babouche, lui-même de l’arabe dialectal bâbûch, qui l’avait emprunté au persan pâpoûch, "mûle" ; chal, par le français châle, lui-même du persan chal, "grande pièce d’étoffe que les femmes drapent sur leurs épaules" ; harén, par le français harem, lui-même de l’arabe haram, "ce qui est défendu, sacré" ;

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razzia, par le français razzia, lui-même de l’arabe algérien, par une forme populaire ghâzya, "incursion militaire, attaque" ; sofá, par le français sofa, emprunté de l’arabe sûfa, signifiant à l’origine "estrade élevée couverte des coussins" … Inversement, le français s’est aussi enrichi de nombreux emprunts à l’espagnol, de provenances diverses : 1. venus d’Espagne, comme : camarade, où l’on aperçoit le mot espagnol camara "chambre", les camarades étant à l’origine ceux qui partageaient la même chambre; cédille, en espagnol cedilla ou zedilla, diminutif de ceda ou zeda "petit zed" que l’on mettait au-dessous de la consonne pour indiquer qu’elle ne se prononçait pas [k]. Ce qui est piquant, c’est que le français doit ce diacritique à l’espagnol, qui, depuis, l’a abandonné; moustique, où, en français, il est difficile de reconnaître le nom de la mouche, mosca, alors qu’en espagnol il est tout à fait visible dans mosquito moustique", face à mosquita "petite mouche"; sieste, de l’espagnol siesta, qui remonte au latin sexta hora, la "6e heure" : chez les Romains, cela correspondait à midi, l’heure la plus chaude de la journée, et siesta a ensuite désigné le repos qu’on prend après le repas 2. venus de l’arabe, comme : hasard, par l’espagnol azar, lui-même de l’arabe populaire az-zhar "jeu de dés", à l’origine "coup défavorable au jeu de dés"; algarade, par l’espagnol algarada, lui-même de l’arabe al-ghâra "attaque à main armée". A pris en français le sens d’altercation, d’échange de propos violents; alcôve, par l’espagnol alcoba , de l’arabe al-qubba "petite chambre adjacente à un salon"... 3. venus d’Amérique, comme : avocat (le fruit), par l’espagnol aguacate, lui-même du nahuatl, la langue des Aztèques tomate, par l’espagnol tomate, lui-même du nahuatl; chocolat, par l’espagnol chocolate, lui-même du nahuatl; ouragan, par l’espagnol huracán "tornade des tropiques", lui-même d’une langue caraïbe; maïs, par l’espagnol, lui-même de l’arawak; puma, par l’espagnol, lui-même du quechua... Si dès le Moyen Âge, l’espagnol a été le truchement par lequel des mots arabes ont pénétré en français, c’est surtout à partir du XVIe siècle que l’influence de l’espagnol se fait sentir, grâce à sa prépondérance parmi les langues du monde. Des emprunts réciproques se comptent par centaines et nous souhaiterions centrer à présent notre exposé en mettant en parallèle certaines formes semblables en

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espagnol et en français, qui ont abouti à quelques "faux amis". En voici un petit échantillon : fr. constipation "difficultés d’évacuation des selles", mais esp. constipación "rhume“ ; fr. pisser "uriner", mais esp. pisar "marcher sur…“ ; fr. large "partie la plus courte d’un rectangle", mais esp. largo "long"; fr. jubilation "joie extrême", mais esp. jubilación "retraite" ; fr. salir "tacher", mais esp. salir "sortir" ; fr. nombre "chiffre", mais esp. nombre "prénom" ; fr. subir "supporter, se soumettre", mais esp. subir "monter" ; Par ailleurs, nous avons également des « vrais amis », au départ, qui sont devenus de « faux amis » par la suite. C’est le cas, par exemple, de : fr. carpette "petit tapis", mais esp. carpeta "dossier" fr. bonbon "petite friandise de consistance ferme ou dure", mais esp. bombón "chocolat“ ; fr. équipage "tripulation", mais esp. equipqje "bagages" ; fr. buffet "meuble de cuisine", mais esp. bufete "bureau, cabinet" ; esp. bizarro "courageux, brave, vaillant", mais fr. bizarre "étrange, rare"... Entre le français et l’espagnol, des échanges lexicaux aussi sympathiques se poursuivront-ils au même rythme au XXIe siècle? On ne peut évidemment pas préjuger de l’avenir, mais il n’est pas interdit d’en rêver.

Références bibliographiques ALVAR, M., BADÍA, A., DE BALBÍN, R., LINDLEY CINTRA, L. F. (dir.), Enciclopedia lingüística hispánica, Tomo II, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1967 BLOCH Oscar, WARTBURG, Walther von, Dictionnaire étymologique de la langue française, 1re éd. publiée en 1922, ouvrage réédité régulièrement. CANO AGUILAR Rafael, coord., Historia de la lengua española, Barcelona, Ariel, 2004 COROMINAS, J, PASCUAL, J. A., Diccionario crítico-etimológico castellano e hispánico, Madrid, Gredos, 1980-1991 GARCÍA YEBRA, V., Diccionario de galicismos prosódicos y morfológicos, Madrid, Gredos, 1999. HERRERAS, J. C., DE HOYOS, J. C., sous la direction de, Lexicographie et métalexicographie en langue espagnole, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2011, 352 pages

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REAL ACADEMIA ESPAÑOLA, Diccionario de la Lengua Española, Madrid, Espasa Calpe, 22ª ed., 2001. Trésor de la Langue Française (TLF), 16 vol. + supplément, publié entre 1971 et 1994, sous la dir. de Paul IMBS (Vol. I à VII), puis sous la dir. de Bernard QUÉMADA (Vol. VIII à XVI), CD Rom en 2004. WALTER Henriette et WALTER, Gérard, Dictionnaire des mots d’origine étrangère, Paris, Larousse, (1991), 2e édition revue et augmentée, 1998, 427 p., p. 364-368 WALTER, Henriette, L’aventure des mots français venus d’ailleurs, Paris, Robert Laffont, 1997, 344 p. (Prix Louis Pauwels 1998), p. 151-159

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LA (NON) TRANSPARENCE DE LA FONCTION DE L’ARTICLE FRANÇAIS AU SEIN DE LA SITUATION DE COMMUNICATION LINGUISTIQUEMENT HÉTÉROGÈNE Zuzana PUCHOVSKÁ Université Comenius de Bratislava Nous pouvons constater que l’article français est une entité langagière particulièrement problématisée, discutée et décrite par un nombre considérable de travaux et d’ouvrages linguistiques qui essaient d’élucider son fonctionnement ainsi que son statut, et cela depuis le 16e siècle où apparaissent les premières descriptions grammaticales de la langue française. Et, il est intéressant de constater également qu’aujourd’hui nous nous posons toujours la question, à savoir quelle place occupe finalement l’article dans la langue française. L’article français, semble-t-il, se caractérise par un questionnement sans fin, il se montre comme une entité langagière que nous tentons toujours de définir et redéfinir, dont la réflexion linguistique reste ouverte. Ainsi, l’objectif de notre propos est-il de contribuer à cette réflexion linguistique particulièrement riche et de s’interroger sur trois fonctions de celui-ci qui apparaissent d’une manière plus ou moins transparente dans une communication linguistiquement hétérogène. Pour ce faire, il conviendra tout d’abord d’expliciter les trois fonctions de l’article qu’il véhicule, selon nous, dans un discours écrit ou oral et ensuite le placer dans une situation de communication linguistiquement hétérogène ainsi que d’esquisser un rapport possible entre ces fonctions et le principe de la transparence 1. Nous pensons que l’article français se caractérise par deux fonctions primaires qui déterminent chaque emploi de l’article, à savoir la fonction d’actualisation et la fonction pragmatique. En plus de ces deux fonctions, l’article peut acquérir dans le discours une fonction secondaire qu’on pourrait appeler la fonction stylistique. Nous décrivons brièvement chaque fonction mentionnée. La fonction d’actualisation de l’article permet au nom d’être employé ou bien d’exister dans le discours écrit ou oral au niveau grammatical (l’article signale le genre et le nombre du nom) ainsi qu’au niveau référentiel car l’article permet au nom de

1 Le principe de la transparence, sur lequel nous nous appuyons, est introduit dans la réflexion linguistique par le linguiste Juraj Dolník. Il utilise ce principe pour étudier la structure morphosémantique des mots dans la langue slovaque. Par exemple la forme du mot reflète d’une manière plus ou moins transparente la valeur sémantique de la « pluralité ».

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désigner un référent dans le monde extralinguistique 2. La fonction pragmatique de l’article se caractérise par le vouloir-dire du locuteur, par son intention communicative de référer à un objet du monde extralinguistique, de transmettre une certaine vision de cet objet, de transmettre sa propre perception du monde qui l’entoure3. Et finalement, la fonction stylistique est une fonction qui n’est pas automatique, on ne peut pas dire que chaque emploi de l’article est déterminé par cette fonction. La fonction stylistique est conditionnée par le principe pragmatique qui régit la communication linguistique, nous avançons donc qu’il y a certains emplois de l’article qui s’éloignent d’une manière intentionnelle de l’emploi canonique de celui-ci et deviennent stylistiquement marqués4. Il nous semble que ces fonctions sont inhérentes au fonctionnement de l’article dans un discours écrit ou oral et que les emplois fortement variés de l’article sont des traces linguistiques notamment de la fonction pragmatique de l’article, de l’intention communicative du locuteur. Nous postulons enfin que si nous plaçons l’article avec les trois fonctions mentionnées dans une communication linguistiquement hétérogène, c’est notamment la fonction pragmatique et la fonction stylistique qui se caractériseraient par une transparence affaiblie ou bien minimale5 La situation de communication linguistiquement hétérogène met en place une situation où le code utilisé correspond à la langue maternelle de l’émetteur uniquement, le récepteur parle et maîtrise cette langue (la langue française), mais ce n’est pas sa langue maternelle. Ainsi, la communication linguistiquement hétérogène s’oppose-t-elle à la communication linguistiquement homogène où le code correspond à la langue maternelle des deux participants. La communication linguistiquement hétérogène envisage alors un récepteur qui a intériorisé un système linguistique différent du code utilisé dans cette communication. Autrement dit, le récepteur de la communication linguistiquement hétérogène ne 2

Nous nous appuyons ici sur Gustave Guillaume qui définit l’article comme un support du nom, l’article permet au nom le passage du concept à l’emploi effectif dans le discours. 3 Prenons l’exemple donné par Michel Galmiche du syntagme nominal une Portugaise dans la phrase Mon ami veut épouser une Portugaise qui cache trois intentions communicatives du locuteur : 1. Le référent du syntagme nominal existe plutôt sous une forme conceptuelle que réelle. 2. Le locuteur connaît le référent, mais pense inutile de déterminer plus son identité. 3. Le locuteur ne connaît pas le référent, mais c’est une femme concrète et réelle. 4 Dans cette perspective, on peut mentionner La grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau qui parle quant à lui des « effets de discours » produits par certains emplois de l’article. 5 Nous appliquons le principe de la transparence au niveau fonctionnel de l’article. C’est-à-dire, comment les emplois de l’article français peuvent-ils refléter ses fonctions ? Ainsi postulons-nous les degrés de la transparence : transparence maximale, transparence affaiblie et transparence minimale qui peuvent déterminer les emplois de l’article.

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possède pas la même grammaire intériorisée que l’émetteur et il n’a pas la même intuition linguistique vis-à-vis du français. Nous ajoutons que le système linguistique du récepteur représente une langue qu’on peut appeler « langue sans articles » (la langue slovaque) ainsi l’article et son utilisation sont pour le récepteur non naturels. Nous précisons encore que nous plaçons le fonctionnement de l’article dans une communication différée, de support écrit où l’émetteur devient l’auteur du texte6 et le récepteur devient son lecteur ou traducteur. Nous sommes d’avis que dans cette situation communicative où nous réfléchissons surtout sur le comment le récepteur slovaque est capable de saisir et interpréter l’emploi de l’article, celui-ci pourrait dévoiler de tels emplois qui ne seront que difficilement saisissables par le locuteur slovaque. Selon Anne Reboul et Jacques Moeschler, dans une communication verbale, « le but de l’interlocuteur qui interprète une phrase est de récupérer la pensée que le locuteur voulait exprimer » (1998, p. 20). En d’autres termes, on peut dire que le récepteur s’apprête à interpréter, à comprendre le vouloir-dire, l’intention communicative que l’émetteur encode dans son discours écrit ou oral, dans l’usage qu’il fait de la langue. De ce fait, il est certain que le simple décodage du message, que l’aspect codique de la communication ne peut livrer qu’une interprétation partielle. Or, ce qui est particulièrement intéressant dans la situation de communication linguistiquement hétérogène et de support écrit, c’est qu’elle reste, il nous semble, prioritairement codique et le récepteur reste avant tout le décodeur linguistique. Il voit donc avant tout le code, un système particulier de signes. Ainsi dans le syntagme nominal [article + Nom] où le nom est considéré généralement comme la tête et les autres éléments lui sont subordonnés, ce qui importe logiquement du point de vue du récepteur slovaque est le décodage du nom, de ce signe linguistique qui désigne le référent lui correspondant. Il se focalise donc prioritairement sur le nom. Or, l’émetteur français fait plus que simplement désigner le référent du monde extralinguistique, il veut faire comprendre à son récepteur comment il perçoit le référent, quelle est sa vision de ce référent, il veut faire comprendre son intention communicative par rapport à ce référent. Nous sommes d’avis que cela n’est pas possible sans article, plus précisément, sans prendre en considération la présence ou l’absence de l’article devant le nom. Mais comme le récepteur slovaque se focalise naturellement sur le nom, l’interprétation de l’article reste secondaire, il ne lui prête pas une attention particulière ce qui fait que c’est notamment la fonction pragmatique et la fonction stylistique de l’article qui peuvent facilement lui échapper. Autrement dit, nous 6

Nous envisageons dans notre recherche un texte littéraire stylistiquement marqué qui s’avère comme une source possible des emplois de l’article relevant de sa fonction stylistique.

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pensons que le récepteur slovaque n’est souvent pas conscient de cette dimension pragmatique ainsi que stylistique de l’emploi de l’article. Nous voudrions terminer notre propos par une citation d’André Martinet qui manifeste une utilisation consciente et intentionnée de l’article, relevant de sa fonction pragmatique : « Peut-on fonder la linguistique sur l’observation des données observables de la parole et des comportements humains concomitants, ou faut-il nécessairement, au départ, présenter une hypothèse qui va nécessairement être d’ordre psychologique, relativement à ce que l’on désigne comme la langue. J’insiste sur l’article défini la langue. Vous verrez que, pour ma part, j’utilise plutôt l’article indéfini une langue » (1989, p. 8-9). C’est donc l’auteur qui souligne les articles et c’est le récepteur – lecteur/traducteur slovaque qui devrait pouvoir repérer et interpréter cet emploi de l’article, l’emploi qui relève incontestablement de sa fonction pragmatique.

Références bibliographiques CHARAUDEAU, Patrick, 1992, Grammaire du sens et l’expression. Paris, Hachette, p. 927. DOLNÍK, Juraj, 2005, « Koncepcia novej morfológie spisovnej slovenčiny », dans Slovenská reč 70/4, Bratislava, Slovac Academic Press, p. 193 – 210. GALMICHE, Michel, 1983, « Les ambiguïtés référentielles ou les pièges de la référence », dans Langue française, n° 57, p. 60 – 86. GUILLAUME, Gustave, 1975, Le problème de l’article et sa solution dans la langue française, Québéc, Presse de l’Université Laval, p. 318. JACOBSON, Roman, 2003, Essais de linguistique générale. 1. Les fondations du langage. Paris, Les éditions de Minuit, p. 260. KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine, 2006, L’énonciation, Paris, Armand Colin, p. 263. MARTINET, André, 1989, Fonction et dynamique des langues. Paris, Armand Colin, p. 209. PUCHOVSKÁ, Zuzana, 2012, « Le principe de la transparence comme méthode possible de l’analyse de l’article français » dans Deuxièmes journées des études romanes, Actes de colloque. Bratislava, AnaPress, p. 21 – 32. REBOUL Anne, MOESCHLER Jacques, 1998, La pragmatique aujourd’hui. Une nouvelle science de la communication, Paris, Éditions du Seuil, p. 209.

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ROIG, Audrey, 2010, « L’article, apport ou support du nom ? Réponse par l’argument fonctionnel de l’actualisation », dans Travaux de linguistique, n° 61, Bruxelles, Editions Duculot, p. 115 – 133. ROIG, Audrey, 2011, Le traitement de l’article en français depuis 1980, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, p. 238.

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ÉLABORATION DE L’ORTHOGRAPHE D’UNE LANGUE MINORITAIRE : LE CAS DU BASQUE Jean-Baptiste COYOS UMR 5478 – CNRS-Bordeaux3-UPPA, Bayonne Si le premier livre publié en basque connu date du XVIème siècle (Bernard Etxepare, Linguae Vasconum Primitae, 1545), ce n’est qu’à partir du XIXème siècle que la question de la fixation d’une orthographe commune pour la langue basque a été posée avec insistance. Elle a été résolue dans la deuxième partie du XXème siècle. Et aujourd’hui encore, l’Académie de la langue basque continue de fixer l’orthographe de certains noms propres, par exemple ceux relevant de l’astronomie ou certains noms d’archipels. Mais dans son ensemble l’orthographe est fixée. Les obstacles à surmonter étaient nombreux. Nous souhaitons montrer comment les difficultés ont pu être surmontées pour parvenir, finalement en peu de temps, à une orthographe acceptée de tous, entre autres dans l’enseignement de l’école maternelle à l’université, les grands médias, les nouvelles technologies de l’information et l’administration, en particulier dans la Communauté autonome basque en Espagne où le basque a le statut de langue co-officielle. Après une présentation du contexte historique et sociolinguistique, nous verrons succinctement quels ont été les choix orthographiques, sur quels critères ils ont été établis. 1. Des premiers pas au « basque unifié » ou euskara batua L’orthographe, c’est selon la définition du dictionnaire la « manière d’écrire les mots d’une langue en conformité avec des usages définis et des règles traditionnelles » (Lexis, Larousse, 1988, p. 1297). Or il n’y avait pas d’ « usage défini », plutôt une tradition assez floue élaborée au fil des siècles par l’usage, et pas d’autorité qui aurait fixé la norme. L’Académie basque créée en 1919, Euskaltzaindia en basque, va jouer un rôle décisif dans le développement du « basque unifié » (euskara batua), sorte de basque standard pour l’écrit. Après des tentatives plus ou moins fructueuses, ce n’est qu’en 1968 que sont vraiment établies les règles de base pour atteindre l’unification du basque écrit, de l’orthographe donc, mais aussi du lexique, de la morphologie nominale, de la déclinaison car le basque est une langue à cas. Viendront progressivement ensuite la ponctuation, la conjugaison verbale et un premier dictionnaire du basque unifié de 20 000 mots (Bernard Oyharçabal, 2002 : 127).

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L’Académie crée ainsi une forme écrite standard de la langue qui va devenir sous des formes diverses, selon les utilisateurs et les circonstances, le basque commun. C’est donc une démarche globale d’élaboration du corpus qui a permis l’appropriation de cette orthographe commune. 2. Problématique de l’orthographe d’une langue minoritaire Pourquoi mettre en avant le fait que le basque est une langue minoritaire ? Tout d’abord, il faudrait pouvoir se mettre d’accord sur une définition claire. Sera considérée comme minoritaire, une langue parlée par un groupe de personnes dans un pays qui a une langue nationale différente et qui constitue une communauté linguistique relativement petite par rapport à celle qui parle la langue nationale. Donc deux critères sont retenus, le nombre relatif de locuteurs et le fait de n’être pas langue nationale, de n’être pas langue de l’État. Bien sûr le basque ne représente qu’un cas de figure, et c’est l’étude de nombreuses situations de langues minoritaires diverses qui permettra de comprendre la problématique de l’orthographe de ces langues, de la nécessité ou pas d’une orthographe unique, des choix à effectuer en fonction de la structure phonétique, phonologique, syntaxique de la langue. Les obstacles à une norme orthographique unique • La langue basque était, et reste dans une moindre mesure, une langue fortement dialectalisée. Actuellement ces frontières dialectales se relâchent progressivement sous le double effet de l’affaiblissement des dialectes euxmêmes et de la montée en puissance de l’euskara batua « le basque unifié », conséquence des échanges de plus en plus nombreux entre bascophones d’origines diverses. Et on trouve dorénavant des locuteurs dans des zones qui n’étaient plus bascophones, en particulier dans les grandes agglomérations comme Bilbao ou Vitoria sous l’effet d’un enseignement important tant en milieu scolaire qu’aux adultes. La notion traditionnelle de dialecte perd de son sens dans ces situations. • Certes, il existait une littérature en basque depuis le XVIème siècle. Mais il y avait pas moins de quatre dialectes littéraires reconnus, lesquels ne couvraient pas d’ailleurs l’ensemble de la diversité dialectale. Les lettrés généralement en connaissaient plusieurs et pouvaient écrire dans des formes mixtes suivant le lectorat qu’ils visaient. • Il n’y avait pas non plus d’orthographe commune, celle utilisée étant sous l’influence de celle des deux grandes langues des Etats français et espagnol, selon que l’on était écrivain basque du côté espagnol ou du côté français, puisque le basque est une langue transfrontalière. Notons que la majorité des écrivains jusqu’au XXème siècle étaient des religieux. Chacun allait de sa propre

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« orthographe », si on peut appeler cela une orthographe, disons sa propre graphie. • Être langue minoritaire impliquait aussi, en tout cas ce fut le cas du basque, pas d’enseignement généralisé de et en langue dans le cadre d’une éducation nationale. Donc moins de nécessité d’une orthographe commune ou d’une langue d’enseignement. Notons que la situation a depuis une trentaine d’années bien changé et que le travail d’élaboration de l’orthographe par l’Académie a grandement facilité l’enseignement du et en basque au plan des contenus. • Autre obstacle à une orthographe partagée : jusqu’au début du XXème siècle comme on l’a dit, il n’y avait pas d’autorité académique qui aurait fixé l’orthographe commune de la langue basque. De plus le travail de l’Académie de la langue basque a mis du temps à se concrétiser et aboutir, et ensuite au fur-et-à mesure à être admis par la société, et bien sûr d’abord par les grands utilisateurs de la langue écrite. • Il n’y avait pas non plus d’autorité gouvernementale, d’administration commune régionale ou nationale qui aurait pu imposer une norme orthographique commune, quelle qu’elle soit. On pense au cas de la Turquie et à la « révolution linguistique » de Mustafa Kemal dans les années vingt/trente. • Pour terminer cette liste, il n’y avait pas d’officialisation ou de protection juridique de quelque nature que ce soit de la langue. Ce sont des concepts qui sont venus finalement assez récemment. Seules jusqu’à il y a peu pouvaient bénéficier d’une protection les langues nationales ou, pour être plus précis, les langues d’État. 3. La motivation des choix orthographiques • Au fur-et-à-mesure, c’est une écriture à caractère plutôt phonologique qui a été élaborée, beaucoup plus que celle du français par exemple. Ce n’était pas difficile… Dans l’alphabet, la relation son / lettre est simple, univoque, même si selon les régions on ne prononcera pas de la même façon certaines lettres. Par exemple, la lettre j devant voyelle sera prononcée [j] en Labourd et Basse-Navarre et en batua, [ʒ] en souletin, [x] dans certaines régions d’Espagne. Mais il n’y a qu’une façon d’écrire un mot en j. Le son [y] n’est un véritable phonème qu’en dialecte souletin, et il est inexistant dans les variétés du sud. L’Académie a admis l’usage de la lettre ü, u avec tréma, pour traduire ce phonème dans ce dialecte. Pour toutes les autres variétés, on a seulement [u] qui s’écrit u. • Il n’y a pas de double lettre pour traduire un son, sauf dans le cas de i plus consonne. La suite in a été retenue pour la consonne nasale palatale [ɲ]. Jusque-

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là c’est le ñ, n avec tilde, qui était utilisé ou la suite gn du français. De même, les suites de lettres il, id et it sont utilisées pour écrire les consonnes l, t et d palatalisées que l’on trouve dans certains mots et dans d’autres quand on veut leur donner un caractère hypocoristique : [ʎ], [c], [ʄ]. Quelques mots, peu nombreux, s’écrivent toutefois avec un digramme ll, tt et dd. Il faut donc les apprendre : onddo « champignon » ou ttattar « nœud papillon ». On utilise aussi le double rr pour indiquer la vibrante forte [rr] par rapport à la faible [r] écrite avec un seul r. Ex. eri « malade » ou herri « village, pays ». • Le son / phonème [ȿ], fricative rétroflexe, qui n’existe ni en français, ni en espagnol, ni d’ailleurs dans certains dialectes et n’est souvent pas prononcé parmi les jeunes, s’écrit avec la lettre s, le son [s] avec la lettre z et le son chuintant [ʃ] donc avec x. Les diphtongues ou les affriquées sont écrites avec deux lettres, pour traduire les deux sons liés. Par exemple, [tʃ] s’écrit tx, etxe « maison », et non comme autrefois tch du français, ch de l’espagnol ou même sh. • La lettre h a posé de grosses difficultés, certains ont utilisé un jeu de mots en français en parlant de h de guerre, car la consonne aspirée [h] n’est plus prononcée au Pays Basque Sud. Et c’est là où se trouve la grande majorité des locuteurs. Pourtant, s’appuyant sur la tradition littéraire, l’Académie a décidé d’écrire ce h dans les mots où il était traditionnellement prononcé, à l’initiale ou entre deux voyelles. Un exemple : dans Euskal Herria « basque pays », le Pays Basque, le mot herria commence par un h alors qu’il n’est vraiment prononcé que dans une partie seulement des variétés du Pays Basque Nord, soit moins de 5% des locuteurs. De nombreux mots commencent donc par un h, à l’écrit. Par contre, l’Académie n’a pas retenu les doublets ph, th et kh pour les occlusives aspirées [ph], [th], [kh] qui ne sont prononcées justement, en gros, que dans les variétés où le [h] l’est. • Finalement, l’alphabet basque avec sa prononciation, a été officiellement établi le 25 novembre 1994 par Euskaltzaindia. Ce n’est pas très vieux. C’est la règle 17 (Arau guztiak, www.euskaltzaindia.net). Bien sûr, l’établissement d’une orthographe ne se résume pas à l’adoption d’un alphabet et à la fixation de l’écriture correcte des mots. Un important travail de mise au point de la morphologie nominale et verbale à l’écrit a été mené dans le cadre plus général de l’élaboration du « basque unifié ». 4. L’autre versant : le travail de « socialisation » de cette orthographe unifiée L’autre dimension de cette élaboration, laquelle relève en soi du corpus, c’est le travail indispensable de diffusion qui est mené auprès des principaux utilisateurs de cette orthographe. On peut parler alors d’actions qui relèvent du statut de la langue, comme par exemple la mise à disposition sur le site Web de l’Académie

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de l’ensemble de ces règles en ce qui concerne les noms communs, la morphologie nominale et verbale ou l’orthographe des noms propres. Cette orthographe est maintenant admise et employée par les principaux utilisateurs et diffuseurs du basque écrit. Toute la jeune génération scolarisée en basque des deux côtés de la frontière la connaît et l’utilise avec peu d’erreurs, vu sa simplicité. Seule la tranche d’âge des locuteurs les plus anciens, les plus de 60 / 65 ans, ceux qui ont appris la langue en famille et n’ont pas connu l’école en basque, ne la connaît pas et continue à écrire selon l’orthographe du français et de l’espagnol. Mais il s’agit d’utilisateurs peu réguliers de l’écrit et qui sont malheureusement appelés à disparaître assez rapidement. L’enseignement du et en basque a donc joué un rôle essentiel dans l’adoption par la société de cette orthographe, dans son implantation. On peut maintenant faire ses études supérieures en basque dans beaucoup de filières et des thèses sont soutenues dans cette langue. 5. Et maintenant : une orthographe qui continue de s’affiner Parmi les 173 règles que l’on trouve regroupées à l’heure actuelle dans le site Web de l’Académie de la langue basque (www.euskaltzaindia.net), beaucoup concernent la norme orthographique. Et l’institution continue de fixer l’orthographe de certains noms propres, tant dans le domaine de l’exonomastique que celui de l’onomastique du Pays Basque lui-même, noms propres de lieux, petites rivières, petits sommets alors que les principaux sont déjà fixés. Elle a fixé par exemple en juin 2013 le nom basque des lettres de l’alphabet grec. La dernière règle, la 173ème, fixe le nom des principaux astres. Bref, par rapport à d’autres langues plus standardisées, il y a encore du travail. Le 27 septembre 2013 par exemple, la commission Onomastique a présenté pour validation lors de la réunion mensuelle des académiciens une liste de noms de lieux concernant la Mésopotamie dans l’Antiquité et des noms propres relevant de mythologies diverses dont la scandinave.

Références bibliographiques EUSKALTZAINDIA [Académie de la langue basque], Arau guztiak [Toutes les règles], www.euskaltzaindia.net. OYHARÇABAL Bernard, 2002, « L’unification orthographique et morphologique du basque standard », in CAUBET Dominique, CHAKER Salem & SIBILLE Jean (dirs), Codification des langues de France, Paris, L’Harmattan.

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POINT D’ALTERITE Nicole PRADALIER Lerass, Toulouse 3 Introduction Féminin et masculin imprègnent si bien notre système de langue en français qu’ils ont pu faire oublier que ces deux faces de la catégorie genre renvoient aussi aux deux catégories sexuées du genre humain. Quand le mythe de l’unique1 toujours à l’œuvre s’empare du masculin pour se dire, d’autant plus facilement que l’homme s’est donné le pouvoir, la loi instaure une inégalité de fait et de droit en sa faveur. La majuscule qu’il s’approprie n’apparaît que parce que l’environnement est minuscule. Femmes et objets se confondent alors autour de Lui 2. C’est, comme il apparaît avec la majuscule ci-dessus, à la graphie que je m’intéresse, dans une perspective doctorale en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC). La graphie permet de mettre en exergue, comme on le verra, le point de rencontre des genres manifesté dans un nouvel accord grammatical. Concernement3 des femmes et pratique altéritère La « domination masculine4 » s’inscrivant dans la langue française par l’effacement du féminin, selon une règle imposée depuis Richelieu et héritée d’une « doctrine » dont la « construction a été (ré)élaborée consciemment à travers les siècles »5, il devient nécessaire de contrer cette règle pour accompagner l’émergence de l’égalité reconnue et souhaitée entre les femmes et les hommes.

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MOREL Georges, 1985 : « Le sacré tourne en rond : il finit toujours par revenir au même, non par accident, mais parce qu’il est mû au fond par la nostalgie de l’homogène, par la peur de l’irréductible altérité » Le signe et le singe, Paris, éditions Aubier Montaigne, p. 77 2 OLENDER Maurice et al. : « (…) le phallus a été pensé au cœur d’une biologie aristotélicienne qui considérait, dans une rigoureuse asymétrie face au mâle, la femelle comme étant la matière, un réceptacle passif et une productrice de sperme stérile. » Encyclopédia Universalis, Corpus 14, entrée Phallus, p. 379 3 BRUNET Philippe, 2008, De l’usage raisonné de la notion de « concernement » : mobilisations locales à propos de l’industrie nucléaire, Natures sciences et sociétés, vol. 16 n° 4, pp. 317-325 4 BOURDIEU Pierre, 1998, La domination masculine, Éditions du Seuil 5 BURR Elisabeth, 2012, Planification linguistique et féminisation, Intersexion, Langues romanes, langues et genre, LINCOM EUROPA, Studies in Sociolinguistics, p. 37

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L’énonciation systématique des formes féminines à côté des formes masculines, à l’instar de ce qui a été fait dans la Constitution du Vénézuela en 1999 6, est une première stratégie. Elle concerne le lexique. Une autre stratégie est d’utiliser à l’écrit un signe non hiérarchisant pour signaler la virtualité de l’accord au féminin chaque fois qu’il est question d’humain. C’est ici la grammaire qui est concernée et revisitée. C’est, en abandonnant l’idéologie du masculin générique, une façon d’introduire l’altérité comme outil d’appréhension et d’analyse de « l’expérience humaine »7. C’est pourquoi j’appelle « altéritère » la pratique qui essaie d’installer cet usage dans la quotidienneté. Elle a été popularisée en France par le mouvement qui a présenté une liste aux élections municipales toulousaines en 2002 et à partir duquel un livre a été écrit qui retrace l’histoire du mouvement. Le titre du livre reprend le refrain de la chanson qui a accompagné la création du mouvement des Motivé-e-s : « Motivés, motivées, soyons motivé-e-s ». D’un point de vue linguistique le deuxième tiret n’est pas nécessaire puisqu’il sépare deux marques grammaticales qui correspondent à deux catégories différentes toujours liées dans l’écriture, à savoir le genre et le nombre. Le tiret est utilisé ici en doublet à l’image de la parenthèse qui, elle, ne fonctionne pas autrement et qui est le signe adopté par l’administration française en direction de ses usagères. La pratique altéritère n’étant pas une pratique enseignée par l’école ni étudiée par les grammairiens ou grammairiennes, elle émane d’une population qui s’approprie sa langue d’un point de vue politique et égalitaire au pas à pas, en s’éclairant à la bougie en quelque sorte. C’est pourquoi elle a pu donner lieu à ce qui pourrait être appelé une aberration linguistique quand elle décide d’ajouter un e, qu’elle pense caractéristique du féminin, à la fin d’un mot déjà féminin mais terminé par un é. C’est l’exemple à Toulouse d’une enseigne de garage associatif écrite ainsi : Mobilité-e-s. A la question : « pourquoi cette fausse écriture? » il m’a été répondu : « parce que les femmes sont concernées ». Mais l’écriture de mobilité est arbitraire de même que son genre grammatical. N’est-ce pas ajouter de la confusion dans la communication en faisant croire qu’un substantif n’en est pas un ? L’outil langue étant le média entre les êtres humains et, pour reprendre les mots d’André Martinet, « l’instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse»8, il doit être un outil fiable que chacun ou chacune d’entre

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PRADALIER Nicole, 2012, Place des femmes dans la langue : à conquérir, à investir ou à découvrir, Actes SILF Oaxaca (à paraître) 7 MARTINET André, 1969, Eléments de linguistique générale, Paris, A. Colin, p. 20. 8 Ibid.

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nous puisse utiliser. Or, il y a ici confusion entre l’objet (mobilité) et le sujet humain (femme) que l’on a voulu symboliser par une lettre. Légende du e féminin en français et visibilité des femmes « Légende » est entendue ici comme « ce qui est à lire » (legendo) et qu’en écrit Nina Catach : « E « féminin », c’est ainsi que l’on a, durant des siècles, appelé l’e « muet » ou « caduc ». […] Sans lui […] la consonne devient d’un coup « muette » pour de bon : ôtez son e final à petite, et vous verrez. Il marque souvent le genre féminin, c’est vrai, mais il déborde largement sur le sexe opposé, qui est, lui « marqué » par l’absence d’e […] Cette dépendance de tout notre vocabulaire vis-à-vis de e « muet » se voit bien dans des mots foncièrement masculins comme problème, cercle, militaire, poète, prêtre, pape, maître, etc. (50% des mots en e final sont masculins) »9. Ecrit, ou du moins publié, en 1989, ce passage nécessite d’être réactualisé. En effet, la plupart des mots énoncés ici comme « foncièrement masculins » ne le sont plus. A part problème et cercle qui sont masculins dans la langue, sans rapport avec le référent, les autres renvoyant à l’humain prendront le genre du sexe de l’individu qu’il désigne. C’est la distinction du genre en langue et genre dans le discours. L’accord en français avec ses variations devient ce que j’appelle la « variable d’ajustement paritaire ». Mais redonnons la parole à Nina Catach : « En français, il y a en réalité deux espèces de genre : 1) Dans le domaine de l’inanimé, les mots sont masculins ou féminins, apparemment au hasard (il y a des raisons étymologiques, historiques, religieuses, etc.) 2) Dans le domaine de l’animé, la part du féminin […] s’étend en proportions exactes de sa place dans la société. »10 Cependant, ce dernier passage est encore à relativiser. Tout dépend de ce qui s’entend par la « place » de « la part du féminin ». Place quantitative ? Ou place qualitative ? Depuis qu’a été diffusée la position de l’Académie française sur son déni du masculin11 correspondant au sexe dans les fonctions statutaires, l’adoption de celui-ci pour cacher le genre féminin s’étend à tel point dans la société qu’une profession peut être majoritairement composée de femmes en France en 2013 et n’apparaître jamais au féminin. C’est le cas des professions

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CATACH Nina, Les délires de l’orthographe, Paris, Plon 1989, p. 214 Ibid. p. 98 11 CATACH Nina cite à ce propos Louise Baudoin, déléguée générale du Québec en France : « Qu’on me dise, au nom de la langue française, de sa pérennité, de son éternité, que le masculin est un genre neutre, alors là, j’aurai tout entendu ! », Ibid. p. 80 10

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juridiques par exemple qui, pourtant, devraient être les plus sensibilisées à la signification informative de la graphie, l’écrit faisant loi. Ici, la place quantitative du féminin n’est pas du tout traduite dans le domaine de l’animé. Et l’on assiste au contraire à une régression du genre féminin par polarisation du sexe mâle qui impose sa vision du féminin comme continuité de son sexe (d’où le qualificatif de « marqué » pour le genre féminin, pourtant illogique linguistiquement12). Ainsi la place qualitative du féminin animé diminue dans la société française, y compris par l’effet des femmes elles-mêmes qui souhaitent « cacher ce sexe qu’elles (ou eux) ne sauraient voir »13, le féminin faisant surgir le masculin ( !) Or les avocats se mangent et ce sont les avocat·es qui plaident ! Pour être anecdotique, cet exemple illustre une distinction de traitement grammatical en français entre objet et sujet que l’on retrouve avec l’accord différent pratiqué selon « être » et « avoir ».14 Mais revenons aux exemples donnés par Nina Catach de mots « foncièrement masculins ». Nous en exclurons militaire qui n’est « foncièrement masculin » que dans les pays où l’armée est ouverte aux seuls hommes. C’est alors un masculin référentiel. Grammaticalement, militaire est aussi bien féminin que masculin. Il est féminin s’il qualifie une voix ou une voie. Militaire peut devenir un féminin référentiel pourvu que les femmes soient présentes dans les armées. Quant à poète, prêtre, pape et maître, s’ils peuvent être dits « foncièrement masculins », c’est qu’il existe poétesse, prêtresse, papesse et maîtresse qui sont « foncièrement » féminins parce qu’ils sont des féminins à la fois grammaticaux et référentiels. Cependant, maître et poète sont devenus communs au féminin et au masculin et la distinction des sexes se fait alors par l’accord et le déterminant. Conclusion : Accord double et genre commun Pour accompagner une évolution de la société qui souhaite se libérer des cadres stéréotypés du Genre15, et s’exprimer cependant en français, le maintien de l’accord double, dont les marques sont séparées par un tiret ou un point, est la 12

Ibid. « Quant à l’équation masculin marqué/féminin non marqué, j’irai même jusqu’à dire pour ma part que, contrairement aux apparences, c’est le masculin qui, en français, est « marqué », surtout à l’écrit » pp. 98-99. « La présence à l’écrit d’une consonne en finale absolue, qu’elle soit prononcé ou muette, est en français la marque même du masculin, beaucoup plus que le e final n’est la marque du féminin (il y a autant de mots masculins que de mots féminins terminés par e) » p. 135 13 Molière fait dire à Tartuffe s’adressant à Dorine : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » 14 C’est une réflexion que développe ma thèse en cours : « Femmes, hommes et parité communicationnelle » 15 Le Genre (avec une majuscule) renvoie aux rapports sociaux de sexe et à l’idéologie du « masculin premier ».

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solution adoptée par une population occupée de rigueur informative et de souci communicationnel. « Le point surélevé, discret et lisible, présente l’avantage de n’avoir aucun autre emploi, ainsi que de pouvoir noter tant la continuité (grand·e) que l’alternance (lecteur·trice), et semble ainsi un bon candidat typographique 16. » En fait, ce point existe dans les symboles mathématiques pour dire la multiplication, de même qu’en musique, il signale l’allongement de durée de la note de sa moitié. Il a été l’un des premiers points de ponctuation parmi les « trois valeurs fondamentales, venues tout droit des grecs d’Alexandrie »17 et « le colon, ou « point rond » au milieu de la ligne, a été de loin le plus courant jusqu’au XIII° s., suffisant pratiquement à tout »18nous dit encore Nina Catach. Cependant, il est bien vrai qu’en français son utilisation contemporaine se spécialise et se limite à noter le double accord au pluriel comme au singulier, de même que l’alternance juxtaposée des formes masculine et féminine à l’intérieur des mots, instaurant ainsi un genre commun pour dire l’être humain. C’est le point surélevé que nous appelons désormais à Toulouse « point d’altérité » et qui illustre précisément la « pertinence linguistique de la typographie ».19Il se trouve dans les « caractères spéciaux » et le raccourci ALT+0183 sous Word.

Références bibliographiques CATACH Nina, 1989, Les délires de l’orthographe, Paris, Plon. MOREL Georges, 1985, Le signe et le singe, Paris, éditions Aubier Montaigne. BRUNET Philippe, 2008, « De l’usage raisonné de la notion de « concernement » : mobilisations locales à propos de l’industrie nucléaire », Natures sciences et sociétés, vol. 16 n° 4, pp. 317-325. BOURDIEU Pierre, 1998, La domination masculine, Paris, Éditions du Seuil. BURR Elisabeth, 2012, Planification linguistique et féminisation, Intersexion, Langues romanes, langues et genre, Lincom Europa, Studies in Sociolinguistics, p. 37 PRADALIER Nicole, 2012, « Place des femmes dans la langue : à conquérir, à investir ou à découvrir », Actes SILF Oaxaca (à paraître.) MARTINET André, 1969, Eléments de linguistique générale, Paris, A. Colin.

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ABBOU Julie, Pratiques graphiques du genre, http://www.dglflf.culture.gouv.fr/publications/LC_24_feminin-masculin.pdf, consulté le 17/10/2013 17 CATACH Nina, 1995, la Ponctuation, Que sais-je, p. 13 18 Ibid. p. 15 19 VEDENINA Ludmilla, 1998, Pertinence linguistique de la typographie, Peeters Pub.

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EL CONCEPTO DE TRANSPOSICIÓN COMO NOCIÓN CLAVE DE LA LINGÜÍSTICA FUNCIONAL ESPAÑOLA. ORÍGENES, DESARROLLO Y FORMULACIONES ACTUALES Cristina GARCÍA GONZÁLEZ Universidad de León Concepto, importancia y características de la transposición en la gramática funcional La transposición es el concepto más característico de la gramática funcional española. Se trata de un mecanismo sintáctico que produce un cambio de categoría, habilitando así al nuevo sintagma a desarrollar funciones sintácticas típicas de la categoría meta. La importancia de este mecanismo radica en la potencialidad comunicativa que adquieren las lenguas gracias a él. Gutiérrez (1997: 198) recoge magníficamente las condiciones de la transposición: a) no toda categoría puede contraer cualquier función y una función solo admite ser contraída por una categoría; b) la existencia de un mecanismo transpositor formalmente determinable; c) la producción de los mismos efectos siempre en las mismas circunstancias; d) el segmento resultante (transpositor + transpuesto) ha de comportarse siempre como miembro de la categoría meta; e) la categoría de origen y resultado han de ser diferentes. Antecedentes del concepto en la tradición hispánica Existen dos claros antecedentes del concepto de transposición en los que se inspira Alarcos. En primer lugar, Bello desarrolla un hecho determinante en una gramática funcional: establece la solidaridad entre categoría y función. El segundo, Lenz, desarrolla una visión manifiesta del concepto de transposición y su importancia. Problemas planteados por Alarcos Alarcos bebe de ambos autores para desarrollar su propia concepción de la transposición, planteándola en Estudios de gramática funcional e incorporándola plenamente en Gramática de la lengua española. Este concepto se formula en tres estudios principalmente. No obstante, apenas se establecen planteamientos teóricos o clasificaciones generales, sino que cada uno de los estudios alude a problemas concretos de la transposición:

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a) ‫ا‬Lo fuertes que eran‫ب‬ Se analiza el fenómeno de la transposición nominal a partir de los artículos. El resto de los esfuerzos se dedica a la doble interpretación de secuencias ambiguas como “El que haga buena impresión es preferible”; b) ‫ا‬Español /que/‫ب‬ Alarcos precisa el funcionamiento de los que, distinguiendo entre: x que1: convierte a la oración primitiva en un sustantivo; x que2: transforma la oración primitiva en un adjetivo, caso particularmente complejo dado que “junto a su papel de transpositor, acumula un valor de referente a otra función dentro de la oración transpuesta original” (p. 196). Además, Alarcos alude a otra serie de cuestiones peliagudas, como el que comparativo o que3, o el planteamiento de que ciertos adverbios se comporten funcionalmente de manera similar a los pronombres. c) ‫ا‬El artículo en español‫ب‬ Se centra en la naturaleza de esta categoría morfológica a partir de sus dos funciones principales: la determinación y la transposición sustantiva. Concepción por parte de sus discípulos Gutiérrez y Martínez recogen el testigo de Alarcos en relación al concepto de la transposición. Durante una primera etapa (hasta mediados de los años 80), ambos autores proceden a sistematizar y teorizar dicho concepto y sus convergencias son mayores que sus diferencias. Ambos resaltan varios factores: la importancia de este mecanismo dentro de la gramática funcional, la defensa del sintagma como unidad clave (frente al lexema), el tratamiento del índice funcional o la solidaridad existente entre las funciones y categorías son solo algunos de ellos. Así mismo, ambos destacan la importancia de Tesnière, tomándolo como una referencia básica en el desarrollo del concepto de transposición. No obstante, a partir de esa fecha ambos autores profundizan su particular tratamiento de la transposición, planteándose mayores divergencias entre sus posiciones. De ellas destacan: a) La propuesta de partida entre ambos lingüistas Martínez define las categorías a partir de las funciones, siendo la más primitiva la de dependencia o subordinación. De ella se deducen otras dos funciones generales: la solidaridad (dependencia recíproca) y la yuxtaposición (relación que no entraña dependencia entre los miembros). Sostiene, además, que los sintagmas se reparten en cinco categorías (nominal, adjetival, adverbial, verbal e interjectiva), definibles a partir de la subordinación y yuxtaposición. Así pues, la función del transpositor se entiende a partir del cambio de categorías a partir de su integración en los sintagmas.

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Sin embargo, Gutiérrez parte del establecimiento de las categorías funcionales a partir de la agrupación de todos aquellos elementos capacitados para desarrollar una misma función sintáctica abstracta, sin apelar a funciones como la subordinación o la yuxtaposición para diferenciarlos. b) número de categorías que se establecen En el plano de la subordinación, Martínez diferencia entre los sintagmas verbales (el verbo) y sus adyacentes, los sintagmas nominales (sustantivos, adjetivos, adverbios), sin ocurrir nunca lo contrario. A su vez, esta tipología se subdivide “en tres categorías: sintagmas sustantivos, sintagmas adjetivos (adyacentes suyos), y los cuales, en función nuclear, pueden llevar sintagmas adverbiales” (1985: 22). Frente a ello, para Gutiérrez las cuatro categorías estarían al mismo nivel. c) La transposición en el interior del sintagma La referencia a Tesnière es obligada: él así la contemplaba al entender como unidad de la transposición el lexema. Martínez presenta dos objeciones a este hecho: aceptar que el lexema pertenece a priori lingüístico y que está capacitado para relacionarse por sí mismo con los demás. No obstante, defiende una notable excepción (nunca mencionada por Gutiérrez): los sufijos –ar, -er, -ir, ando, iendo, -ado e –ido, al cambiar la categoría (y con ello las posibilidades funcionales del lexema verbal). Gutiérrez habla de dos tipos de transposición: analítica y sintética (a través de modificaciones en el interior del sintagma). Reconoce que la argumentación de Martínez es impecable; sin embargo, añade que existen determinadas ocasiones que sí permiten poder hablar de transposición. Conclusiones Se establecen varias etapas en torno a la formulación de dicho concepto, desde los precedentes hispánicos (Bello y Lenz), cuyos planteamientos, originales en su época, apenas serán seguidos por sus contemporáneos, hasta llegar a Alarcos, quien toma el testigo, si bien únicamente retratando casos concretos y su problemática particular. Sus discípulos, Gutiérrez y Martínez platean un aparato teórico completo y sistemático, poniendo de manifiesto la importancia de la transposición en el ámbito del funcionalismo español. No obstante y tras una primera teorización, ambos lingüistas analizan cuestiones más fronterizas. Existen puntos de convergencia, pero también diferencias, entre las cuales destacan la misma propuesta de partida, el número de categorías establecidas o la distinta caracterización de la transposición en el interior del sintagma. En todos estos aspectos, además, Gutiérrez manifestaría una mayor proximidad conceptual hacia Alarcos que Martínez.

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Referencias bibliográficas básicas ALARCOS, Emilio, 1970, Estudios de gramática funcional del español, Madrid, Gredos. BELLO, Andrés, 1988 [1847], Gramática de la lengua castellana destinada al uso de los americanos. Con las Notas de Rufino José Cuervo, Madrid, Arco Libros. GUTIÉRREZ Salvador, 1997, Principios de sintaxis funcional, Madrid, Arco Libros. LENZ Rodolfo, 1935 [1920], La oración y sus partes (Estudios de gramática general y castellana), Madrid: Centro de Estudios Históricos. MARTÍNEZ José A., 1981-1982, ‫ا‬Acerca de la transposición y el aditamento sin preposición‫ب‬, Archivum XXXI-XXXII, Oviedo, p. 69-90. MARTÍNEZ José A., 1985, La Gramática Funcional. Introducción y metodología, Oviedo, Universidad de Oviedo. Instituto de Ciencias de la Educación.

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SYNTAXE FONCTIONNELLE ET TRADUCTION AUTOMATIQUE Bassel AL ZBOUN The University of Jordan Introduction Dans un monde devenu « un village planétaire » selon les termes de Marshall MCLHAN « The new electronic interdependence recreates the world at the image of a global village »1. La traduction devient un outil indispensable pour pouvoir franchir les frontières linguistiques. Aujourd’hui avec la révolution dans le domaine de la télécommunication et de la technologie de l’informatique dynamisé par l’internet, il demeure important de pouvoir développer un logiciel de traduction à la hauteur de cette avancée technosociale. Présentation La recherche et le développement dans le domaine de la traduction automatique a vu le jour en URSS avec le dépôt de brevet de Piotr TROJANSKI. Ultérieurement la France a proposé un système de traduction générique qui fonctionnerait comme un dictionnaire mécanique. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le besoin de lire des documents provenant de l’Union soviétique a dynamisé ce domaine. En 1952 Bar-HILLE organisa la première conférence sur la traduction automatique et lors de laquelle, Andrew BOOTH et Warren WEAVER ont présenté les premières tentatives d’utilisation des premiers ordinateurs pour l’automatisation de la traduction. A cette époque les chercheurs étaient conscients du fait que l’opération restait théorique en raison des ambigüités à la fois au niveau syntaxique et sémantique et au niveau de la puissance des ordinateurs. En 1954, L’Université de Georgetown et IBM ont présenté, pour la première fois, au public, un système de traduction automatique qui se composait de 250 mots et de 6 règles de grammaire. Il permettait de traduire 60 phrases sélectionnées. En 1968, les américains ont créé la société Systran. A cette époque-là, on se contentait d’une traduction qui se rapprochait du sens. Durant des années, la

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MCLUHAN Marshall, FIORE Quentin, 1967, The Medium is the Massage. An Inventory of Effects, New York, Bantam Books, p. 67.

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traduction automatique aux États-Unis portait sur le russe vers l’anglais. En revanche, au Canada, on a développé le projet Taum-Météo. Dès le début des années 80 le domaine connait un nouvel horizon avec la naissance de la méthode statistique initiée par IBM. Celle-ci a été vulgarisée par Google à partir de 2007. D’autres sociétés ont développé des logiciels en se basant sur une combinaison d’analyse linguistique et statistique par exemple Systran dans sa version Systran 7. Même si ces méthodes ont fait avancer la traduction automatique, la perfection reste encore à réaliser. Identification de la problématique Dans cette partie, nous analysons un corpus constitué de quelques phrases simples en français traduites en arabe et en anglais sur plusieurs sites de traduction automatique. Cette analyse se donne pour objectif la mise en évidence des problèmes linguistiques produits lors de la traduction faite par plusieurs sites. Notre choix s’est porté sur les sites Google, Reverso et Babylon. Nous ne donnerons, comme exemple, que la phrase « Je t’écris de Paris où je suis enfin arrivé », traduite sur ces trois sites. • Google Arabe : ?ana: ? a -ktub min ba:ri:s hajƟ was.al- t ?axi:ran P1. P2m.- V.- C. N.p. P.R. V.- P1.-Pas. Adv. Pré. Moi Je-écrirede Paris où arriver-jeenfin Pré. Pas. « Moi, j’écris de Paris où je suis enfin arrivé » ‫ ﺣﻴﺚ ﻭﺻﻠﺖ ﺃﺧﻴﺮﺍ‬،‫ﺃﻧﺎ ﺃﻛﺘﺐ ﻣﻦ ﺑﺎﺭﻳﺲ‬ Anglais : I’m writing from Paris, where I finally arrived. La traduction de la phrase mérite les remarques suivantes: L’apparition du pronom personnel [ ?ana:] « moi » en apposition. Le pronom personnel P2. (t’) en fonction complément d’objet indirect, placé devant le verbe en langue source, n’apparaît pas dans la traduction du logiciel. Nous soulignons ici que le pronom personnel en fonction complément d’objet indirect dans la langue cible est toujours construit de la façon suivante verbe + préposition + pronom personnel. Quant à la traduction en anglais, là aussi, le pronom personnel P2. n’apparaît pas.

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• Reverso Arabe : ?a-ktub ?ali:-k P1.-V.Pré. Je-écrirePré.

min

b a:ris

hajƟ

?ina- ?axi:ran ni: C.C. N.p. P.R. P.R.Adv. P2m. P1. à-toi de Paris où queenfin moi « Je t’écris de Paris où moi, il est enfin arrivé »

wa:s.al P3.-V-Pas. il-arriverPas.

‫ﺃﻛﺘﺐ ﺇﻟﻴﻚ ﻣﻦ ﺑﺎﺭﻳﺲ ﺣﻴﺚ ﺃﻧﻨﻲ ﺃﺧﻴﺮﺍ ﻭﺻﻞ‬ Anglais: I’m writing from Paris, where I finally arrived. Dans la première partie de la phrase, la structure de la langue cible est bien construite. En revanche, la deuxième partie crée un conflit dans l’emploi de (hajƟ) « où » et (?ina) « que ». Nous pensons que le logiciel a traduit (hajƟ) « où » comme un adverbe de lieu et non pas comme un relatif. Puisque, il a eu recours au (?ina) « que » pour introduire le prédicatoïde. Etant donné que le noyau verbal est séparé par l’adverbe, le logiciel n’a pas pu analyser la structure du passé composé, ainsi il l’a traduite par « il est enfin arrivé » et non pas par « je suis enfin arrivé ». Quant à la traduction en anglais, là aussi, le pronom personnel P2 n’apparaît pas. • Arabe: ?inani: P.R.P1. quemoi

Babylon: ?a-ktub

nafsi:

min

ba:ris

hajƟ

?inani: P.R.P1. quemoi

wa:s.alt

P1.-V.N. C. N.p. P.R. P3.-V.Pré. Pas. jesoi de Paris où il-arriverécrirePas. Pré. « que j’écris moi de Paris où que je suis enfin arrivé » ‫ﻭﺍﻧﻨﻰ ﺍﻛﺘﺐ ﻧﻔﺲ ﻣﻦ ﺑﺎﺭﻳﺲ ﺣﻴﺚ ﺍﻧﻨﻰ ﻭﺻﻠﺖ ﺍﺧﻴﺮ‬

axi:ran Adv. enfin

Anglais: I write to you from Paris where I am finally arrives La traduction de la phrase par le logiciel Babylon révèle, l’apparition d’éléments qui ne se trouvent pas dans la langue source tels que : [wa] « et », [?ina] « que », [nafsi] « soi » et cela pour exprimer la notion de réciprocité du verbe réfléchi.

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Nous soulignons également un conflit dans l’emploi de [hajƟ] « où » et [?ina] « que ». Quant à la traduction en anglais, nous soulignons la forme du noyau verbal de la proposition subordonnée où la terminaison du verbe « s » est la forme de P3. Proposition Les structures et les propriétés syntaxiques qui diffèrent d’une langue à l’autre ne sont pas prises en compte par les logiciels. Ainsi nous proposons d’intégrer les catégories syntaxiques au cœur du modèle pour son amélioration par l’utilisation du système des unités significatives minimales lexicales auxquelles sont agglutinés les déterminants grammaticaux ainsi que les fonctions syntaxiques des unités selon les principes de la théorie fonctionnelle. Langue source

Unités Grammaticales

Unités Lexicales

Signification

Signification

La: « A.D.F. », V. « mange », C. « à »…etc.

Relations de détermination

Fonctions syntaxiques

Structure syntaxique intermédiaire de la langue source Langue source Unités Grammaticales

Unités Lexicales

Signification

Signification

al: « A.D.F. », V. « jakul »…etc.

Relations de détermination

Fonctions syntaxiques

Structure syntaxique intermédiaire de la langue cible

Traduction dans la langue cible

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Conclusion L’analyse du corpus a montré que les résultats obtenus par la méthode employée par les logiciels attestés restent insuffisants pour avoir une traduction irréprochable dans la structure syntaxique. Il nous semble qu’il est important d’avoir une technologie nouvelle dans laquelle le logiciel prend en compte les différences de structure syntaxique entre la langue source et la langue cible. Ajoutons que ce projet ne se prétend pas exhaustif, il n’est qu’une esquisse que nous poursuivrons par d’autres travaux de recherche et d’application.

Références bibliographiques MARTINET André, 1960, Eléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin. MARTINET André, 1985, Syntaxe Générale, Paris, Armand Colin. MCLUHAN Marshalle, FIORE Quentin, 1967, The Medium is the Massage. An Inventory of Effects, New York, Bantam Books. http://translate.google.fr/about/intl/fr_ALL/ Abréviation A.D.F. Article défini féminin. N. : Nom. P2. : Deuxième personne. P3. : Troisième personne. Pré. : Présent.

Adv. : adverbe. C. : Connecteur. N.P. : Nom propre. P1. : Première personne. P2m. : Première personne masculine. Pas. : Passé. P.R. : Pronom relatif. V. Verbe.

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Thème 1 – Prédicat et Actants Dans cette session, il s’agissait de faire le point de l’état actuel de la réflexion fonctionnaliste sur la relation entre le centre syntaxique de l’énoncé et les « participants » les plus proches, ceux que l’on désigne en général par « actants » et que d’autres courants nomment « arguments », « core arguments », etc. D’un point de vue terminologique, comment désigner ces expansions du « prédicat » ? En outre, comment caractériser les relations entre noyau et expansions de ce type ? On s’est alors appuyé sur les concepts de fonctions, de valence, de diathèse et d’orientation du procès. Il s’agissait aussi de revenir sur ce que nous appelons /structures syntaxiques/ (accusative, ergative, neutre, etc.) : comment les caractériser en termes fonctionnalistes ? Quelle correspondance avec ce que d’autres courants nomment « alignement » ? Dans le même esprit, il a également été question des contributions sur les notions d’« intransitivité scindée », de « langues actives-statives », etc. Béatrice Jeannot-Fourcaud, présidente des séances de la section

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PHRASES SANS PREDICAT ? Christos CLAIRIS Université Paris Descartes Dans cette contribution, je voudrais apporter une réflexion sur le concept de prédicat ou noyau central du message. Georges Mounin dans le premier Colloque international de linguistique fonctionnelle, qui s’est tenu à Groningue entre le 10 et 14 juin 1974, commençait sa communication intitulée « La notion de prédicat en linguistique fonctionnelle » avec ces mots : « On peut s’étonner que la nouveauté de la notion linguistique de prédicat proposée par André Martinet n’ait pas encore beaucoup retenu l’attention des linguistes. Il s’agit pourtant d’un problème théorique d’une importance capitale puisque sa solution conditionne la définition de la phrase. Or, toute syntaxe qui ne justifie pas linguistiquement son concept de phrase est non seulement inachevée, mais de plus très menacée d’erreurs. » Qu’il soit dit en passant que Georges Mounin est vraisemblablement le linguiste fonctionnaliste qui a le plus réfléchi et a le plus produit sur le concept de prédicat en faisant le tour des principales théories sur la question. 1 À la suite d’André Martinet nous désignons2 la phrase comme le « rayon d’action d’un seul noyau central. L’ensemble des monèmes qui sont reliés par des rapports de détermination ou de coordination à un même prédicat ou à plusieurs prédicats coordonnés. L’ensemble constitué par un noyau central (prédicat) et les éléments dépendant de lui. » Le prédicat ou noyau central se définit3 à son tour comme le « noyau relationnel d’un énoncé autonome, monème, synthème ou parasynthème central, auquel restent attachées, directement ou indirectement, toutes les expansions obligatoires ou facultatives. Le noyau central est le noyau relationnel vers lequel aboutissent toutes les chaînes de détermination d’un énoncé, le noyau autour duquel tous les autres éléments se rattachent. » Ce qui ressort de ces définitions est que, comme le précise Martinet dans sa Syntaxe générale (p. 87) « On peut [cependant] sous bénéfice d’inventaire, poser partout l’existence d’un noyau prédicatif, en se gardant bien d’en faire le même pour le sujet. » Ce qui veut dire que, si nous sommes d’accord pour concevoir, 1

Voir les articles de Georges MOUNIN dans la bibliographie. CLAIRIS, Vers une linguistique inachevée, p. 91. 3 Ibidem. 2

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dans certains cas, une phrase pleinement construite sans la présence d’un élément assumant la fonction sujet, nous n’envisageons pas la possibilité d’une phrase sans prédicat. Il est, cependant, vrai que parfois on a pu hésiter et s’interroger sur les critères d’identification du noyau central d’une phrase, sans pour autant aller jusqu’à nier son existence. Le chercheur qui a le plus poussé la réflexion dans ce sens fut Fernand Bentolila, qui nous a fait partager ses positions à ce sujet notamment lors du XVIIe Colloque international de linguistique fonctionnelle à León, en 1990, dans sa communication au thème « Le prédicat » dont j’étais rapporteur. À propos de quelques exemples du berbère, et après avoir montré la difficulté de hiérarchisation des deux parties constitutives (en actualisation + prédicat) de certains énoncés, il signalait ainsi dans sa conclusion que « dans beaucoup de cas, il serait prudent de ne pas pousser l’analyse au-delà des syntagmes prédicatifs. » Pour ma part, je voudrais vous présenter deux exemples du qawasqar, langue de Patagonie occidentale, que j’ai décrite4, presque disparue aujourd’hui. Ces exemples permettent, justement après avoir poussé l’analyse, d’affirmer la possibilité d’existence d’une phrase bien établie, dont les éléments ne se rattachent pas à un seul noyau central : en d’autres termes d’une phrase sans prédicat. Quelques éléments d’information d’abord. Le qawasqar, dans les années 1970, années où j’ai entrepris mes recherches de terrain, était une langue en voie de disparition pour laquelle on ne disposait que de quelques listes de vocabulaires recueillis par des non spécialistes. Les exemples que je vais vous présenter se trouvent attestés dans les notes linguistiques, inédites à l’époque, de l’archéologue français José Emperaire qui, pendant ses fouilles archéologiques dans la région, en 1953, avait été en contact avec les Qawasqar et s’était intéressé à leur langue. Ses notes, que j’ai publiées ensuite, m’étaient confiées par sa femme Annette Laming-Emperaire, elle-même préhistorienne et archéologue, son époux étant décédé accidentellement entretemps. Lors de mes propres travaux de terrain, qui ont lieu 20 ans après, entre 1970 et 1973, dans les mêmes lieux et avec la même population, j’ai pu vérifier la documentation d’Emperaire qui m’avait été confiée. Les deux exemples que je vous présente en faisaient partie et, ce qui est important, en les soumettant au contrôle des locuteurs j’ai obtenu, 20 ans après, exactement la même traduction que celle indiquée dans le manuscrit d’Emperaire. Ceci nous rassure en ce qui concerne le sens précis des exemples en question. Le qawasqar, d’après mon analyse, est une langue sans opposition verbonominale. La première personne dont le signifiant est tse amalgamée avec le 4

Voir Clairis, 1987.

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monème du génitif se dit (x)es et la deuxième personne dont le signifiant est tsaw accompagnée avec le génitif se dit tsawqs. L’épouse est désignée comme oftsoq ou aftsoq, la mère tsap ou tsetsap et l’amour ou le désir d’aimer s’exprime avec le mot qjena ou qjexena. Voici maintenant les deux exemples avec leur traduction : E, 114 #tsawqs qjena tsawqs tsap# « tu aimes ta mère » E, 754 #tsawks oftsok es qjena# « j’aime ta femme » Ainsi que nous pouvons l’observer, chacune des deux phrases est constituée par deux syntagmes juxtaposés sans qu’il y ait une raison syntaxique –à moins qu’on fasse la syntaxe de la traduction- qui autorise la reconnaissance d’une hiérarchie quelconque entre les deux. La simple juxtaposition des syntagmes amour de toi + mère de toi a comme effet de sens « tu aimes ta mère » et la juxtaposition des syntagmes épouse/femme de toi + amour de moi a comme signification « j’aime ta femme ». Face, donc, à ces exemples réels, confirmés à 20 ans de distance par des chercheurs et locuteurs différents, nous sommes conduits à admettre que, vu le fait qu’aucune marque syntaxique nous autorise à identifier un noyau central parmi leurs éléments constitutifs, l’exigence de la présence d’un prédicat pour la reconnaissance d’une phrase en tant que telle n’est pas absolue. Certes, il s’agit de cas très exceptionnels, mais néanmoins réels. Dans sa formulation de 1985, que j’ai citée toute à l’heure, Martinet prenait la précaution de préciser « sous bénéfice d’inventaire ». Les exemples que je viens de présenter nous invitent, non pas à modifier la théorie, mais à être très attentifs aux surprises que peuvent nous réserver les langues dans leur usage réel.

Références bibliographiques BENTOLILA Fernand, 1992, « Le prédicat », Actes du XVIIe Colloque International de Linguistique Fonctionnelle, León, Universidad de León, p. 135136. CLAIRIS Christos, 1980, « José Emperaire et les Qawasqar. Notes linguistiques inédites sur Les nomades de la mer », Journal de la Société des Américanistes, 67, Paris, p. 359-380. CLAIRIS Christos, 1987, El qawasqar. Linguística fueguina. Teoría y descripción, Valdivia, Estudios Filológicos, 528 p. CLAIRIS Christos, 2005, Vers une linguistique inachevée, Paris, Peeters-SELAF (NS 31), 93 p.

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CLAIRIS Christos, 2005, (dir.), Travaux de linguistique fonctionnelle, Paris, L’Harmattan, 347 p. COSTAOUEC Denis & GUERIN Françoise, 2007, Syntaxe fonctionnelle. Théorie et exercices, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 320 p. MARTINET André (dir), 1979, La Grammaire Fonctionnelle du Français, Paris, Crédif-Didier, 276 p. MARTINET André, 1985, Syntaxe Générale, Paris, Armand-Colin, 266 p. MOUNIN Georges, 1979, « La théorie du prédicat chez Lucien Tesnière », Recherches de linguistique. Hommage à Maurice Leroy, Éditions de l’Université de Bruxelles, p. 153-157. MOUNIN Georges, 1980, « La notion de prédicat chez Bloomfield », Revue roumaine de linguistique, 25,4, Bucarest, p. 367-372. MOUNIN Georges, 1982, « La notion de prédicat chez les linguistes anglosaxons entre Bloomfield et Chomsky », Langues et linguistique, 8,1, Université Laval, Québec, p. 133-143. MOUNIN Georges, 1984, « La notion de prédicat chez Charles Bally », La Linguistique, 20,2, Paris, PUF, p. 3-14.

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IMPLICATIONS DE LA DÉFINITION FONCTIONNALISTE DE LA FONCTION « SUJET » ET PERSPECTIVES Denis COSTAOUEC Université Paris Descartes et SeDyl (CNRS – INALCO – IRD) Un exemple de définition précise mais contestée : celle de la fonction « sujet » La définition fonctionnaliste, volontairement restrictive, peut aujourd’hui être formulée ainsi : « La fonction ‘sujet’ indique l’expansion nominale obligatoire actualisant un noyau verbal » (Clairis 2005, Costaouec et Guérin 2007). Précisons qu’il faut comprendre le terme « expansion nominale » de manière large, incluant notamment les monèmes de personne suffixés au verbe. Cette définition a été critiquée au motif qu’elle serait trop restrictive face à la complexité du phénomène… (Voir par exemple Jack Feuillet 2009 et ma réponse dans Costaouec 2013). Ce qui me semble le plus décisif dans cette définition est qu’elle s’en tient à une définition syntaxique de la fonction « sujet » et l’envisage comme une variante d’un procédé plus large que l’on peut nommer actualisation syntaxique d’un noyau principal ou secondaire. Une illustration de l’emploi des définitions des fonctions « sujet » et « objet » : l’analyse de la structure ergative S’agissant d’expliquer ce qu’est une langue ergative (et toutes les combinaisons possibles entre ergativité et accusativité), le discours dominant en linguistique aujourd’hui (ex.: les fonctionnalistes comme Dixon 2010, Creissels 2006, etc. mais aussi les générativistes) se caractérise par l’insistance sur le « codage » des « arguments ». Si l’on résume à grands traits ce qui s’écrit, l’on tient pour acquis que l’on sait identifier a priori trois catégories (A = Agent [parfois nommé d’office « sujet transitif »], S = Sujet [participant unique d’un verbe intransitif] et O = Objet ou P = Patient) et sur cette base, on distingue entre « alignement accusatif » et « alignement ergatif » de la manière suivante : dans la première configuration A et S sont marqués de la même manière (par exemple par le cas « nominatif »), dans l’autre A et S sont marqués de manières distinctes (par exemple, respectivement par les cas « ergatif » et « absolutif »). Quand se pose la question du « sujet » du verbe transitif, la réponse est toujours : c’est nécessairement A, le « sujet transitif ». Le plus souvent l’argumentation en faveur de ce choix est inexistante (on vit sur le mode de l’évidence, les notions de « sujet » et d’« objet » sont considérées comme universelles et ont le statut de primitives, que l’on n’a donc pas besoin de définir) ; parfois l’on fait appel à un arsenal de critères qui mêlent faits syntaxiques et sémantiques (par exemple Keenan 1976 ou

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Rotaetxe 1978 et 1998 pour le basque 1) ; d’autres auteurs comme Comrie (1981 : § 5), sans craindre une certaine circularité du raisonnement, considèrent la notion « sujet » comme un prototype défini à partir de certaines occurrences de « sujet typique » possédant des caractéristiques « saillantes ». Le traitement fonctionnaliste : L’analyse est menée selon deux axes : 1) en termes d’orientation privilégiée du noyau syntaxique vers telle ou telle de ses expansions nominales ; 2) à partir de la définition précise, générale et restrictive de la notion de sujet comme expansion nominale obligatoire (actualisateur) du noyau verbal d’un énoncé. On donne ici quelques exemples en ingouche, repris de Costaouec et Guérin 2007 : 233 : x Enoncés à verbe monovalent : a) [ber {er] ‘L’enfant crie’, b) [sultan voaɣ] ’Sultan arrive’, c) [sek tos] ‘L’homme dort’. x Enoncés à verbe bivalent : d) [biru ɣum baxk] ‘L’enfant creuse le sable’, e) [sultanu ɣum baxk] ‘Sultan creuse le sable’, f) [segu ɣum baxk] ‘L’homme creuse le sable’. Dans les énoncés d), e), f) L’expansion [ɣum] ‘sable’ est obligatoire ; l’énoncé [ɣum baxk] ‘On creuse le sable’ est possible mais *[biru baxk] ‘Creuse par l’enfant’ est impossible. Ajoutons que [ɣum] se présente sous la forme nue (certains auteurs parlent de cas absolutif à « signifiant zéro », ce que nous réfutons), et que l’indice de coréférence sur le verbe (le b initial souligné) renvoie bien à la classe lexicale de [ɣum], de la même manière que les indices de coréférence sur les verbes monovalents renvoient au participant unique dans les exemples a), b) et c), ce qui manifeste l’identité des rapports syntaxiques entre verbe et expansion nominale obligatoire dans les deux types d’énoncés étudiés. L’ensemble de ces observations conduit à considérer que [ɣum] est le « sujet » de [baxk] en d), e), f), tout comme [ber], [sultan] et [sek] sont les « sujets » des verbes monovalents en a), b) et c). La multiplication d’exemples de ce type amène à postuler que dans une structure ergative l’expansion obligatoire est celle non marquée (ou « à l’absolutif »), qui assume de manière prototypique le rôle sémantique de non-agent, ce qui implique –si l’on maintient cette terminologie– que le « sujet » est le « patient » dans la 1

Voir Coyos 2003 pour une critique serrée des arguments de Rotaetxe selon qui « Le sujet, en basque, a deux expressions morphologiques, ABS/ERG, en distribution complémentaire » (Rotaetxe 1998 : 870).

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structure ergative, et qu’une fonction « objet » (définie comme spécifique, requise par le sémantisme du verbe et sa valence) lie l’agent sémantique au noyau. On n’étonnera pas le lecteur en signalant qu’il y a une adhésion assez limitée à cette thèse chez nos interlocuteurs d’autres courants… Quels choix pour l’avenir ? Si l’on renonce à vouloir défendre, malgré les bons arguments logiques dont nous disposons, que l’agent marqué à l’ergatif est l’« objet », parce que cela heurte trop de sensibilités et pousse au rejet a priori de nos propositions, une attitude possible est d’ignorer la catégorie d’« Objet » pour les structures ergatives et de travailler avec le couple « Sujet » / « Agent » ? Cela est peu cohérent. On préfèrera la voie suivante : 1) S’en tenir à une analyse strictement syntaxique, ce qui veut dire rejeter l’option du « codage des arguments » (en fait des rôles sémantiques prétendument « prototypiques »). 2) Abandonner les catégories de « Sujet » et « Objet » au profit de concepts plus généraux, dans la lignée de ce que nous proposons en termes de fonctions obligatoires / facultatives, spécifiques / non spécifiques. Une illustration avec l’ingouche Verbes monovalents : L’exemple [ber {er] ‘L’enfant crie’ est analysé de la manière suivante : ber m fonction d’actualisationo {er (idem pour les exemples b et c) Verbes bivalents : L’exemple [biru ɣum baxk] ‘L’enfant creuse le sable’ est analysé ainsi : ɣum m fonction d’actualisation o baxk m fonction spécifique — bir (idem pour les exemples e et f : on peut continuer à gloser le connecteur fonctionnel –u par ‘ERG’, mais c’est à discuter). Une troisième voie ? Utiliser une terminologie jugée adéquate, proposée par d’autres spécialistes En rappelant que notre souci est d’arriver à partager un vocabulaire technique commun avec nos collègues descriptivistes, nous pouvons rechercher une terminologie existante qui corresponde aux définitions que nous voulons impérativement maintenir. C’est ce qu’a fait par exemple Françoise Guérin dans sa grammaire du tchétchène (à paraître), en adoptant, à la suite de Georges Charachidzé (Grammaire de la langue avar 1981), les termes de « prime

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actant » pour désigner l’actualisateur du noyau et de « second actant » pour l’expansion spécifique 1. Cette terminologie avait été reprise par Georg Bossong (Lingua 56, 1982), qui présentait pour « prime actant » une définition compatible avec notre définition de l’actualisateur du noyau syntaxique, même si elle reste fortement influencée par une théorie de la marque et n’opte pas radicalement pour le critère de présence obligatoire du « prime actant » (donc non spécifique), face au caractère spécifique et potentiellement facultatif du « second actant » : « J’appelle prime actant la catégorie purement formelle constituée par l’actant unique du verbe monovalent et celui des deux actants du verbe bivalent qui est identique à lui ; le second actant est donc celui des deux actants du verbe bivalent qui est différent de l’actant unique du verbe monovalent. » (Bossong 1982 : 204) On peut également se pencher avec intérêt sur la proposition de notre collègue Jean-Baptiste Coyos qui a employé les termes d’« actualisateur généralisé » pour le déterminant à l’absolutif dont la présence est obligatoire et d’« actualisateur non généralisé » pour désigner le déterminant à l’ergatif, obligatoire avec les seuls verbes transitifs à auxiliaire *edun « avoir » (Coyos (1999 : 292). Mais je pense que les choses restent plus claires si l’on voit dans le déterminant à l’ergatif une expansion spécifique. Il s’agit là d’options possibles, qui retiennent l’élément essentiel du caractère obligatoire de l’actualisation, ce qui est un critère général, vérifiable pour chaque langue à l’étude (existe-t-il, oui ou non, ce type d’obligation syntaxique ?). Sans entrer dans le détail de la discussion, on précisera juste ici que le caractère obligatoire d’une expansion est distinct du « marquage » de la fonction : à ce stade, on peut dire que peu importe que le signifiant de la fonction soit tel cas plutôt que tel autre, ou encore telle ou telle forme de personnel (cf. tout le débat sur « l’intransitivité scindée ») : il s’agit là d’une autre question liée à l’analyse de l’expérience spécifique aux langues à l’étude. Le débat reste ouvert, entre fonctionnalistes martinétiens au premier chef, et avec nos collègues descriptivistes plus largement, et il faut examiner toutes les propositions qui pourraient être faites.

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Références bibliographiques BOSSONG Georg, 1981, Actance ergative et transitivité. Le cas du système verbal de l’oubykh, Lingua 56, p. 353-386. CHARACHIDZÉ Georges, 1981, Grammaire de la langue avar (langue du Caucase Nord-Est), Saint-Sulpice-de-Favières, Jean-Favard. CLAIRIS Christos, 2005, Vers une linguistique inachevée, Louvain, Peeters, 92 p. COMRIE Bernard, 1981, Language universals and linguistic typology: Syntax and morphology, Chicago, University of Chicago Press. COSTAOUEC Denis, 2013, Le fonctionnalisme n’est pas une Basic Linguistic Theory, Contextos 49-52, p. 57-101. COSTAOUEC Denis et GUÉRIN Françoise, 2007, Syntaxe fonctionnelle. Théorie et exercices, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Collection Didact Linguistique. COYOS Jean-Baptiste, 2003, Nommer, définir des faits linguistiques : antipassif et sujet, deux exemples en basque, Lapurdum VIII, p. 123-138. CREISSELS, Denis, 2006, Syntaxe générale. Une introduction typologique (2 vol.), Paris, Hermès - Lavoisier. DIXON, Robert M.W., 2010, Basic LinguisticTheory (2 vol.). Oxford, Oxford University Press. FEUILLET Jack, 2009, Quelques réflexions sur les fonctions syntaxiques, La Linguistique 45-2, p. 7-92. KEENAN Edward L., 1976, Towards a universal definition of “subject”, in Charles LI (ed.), Subject and topic, New York, Academic Press, p. 303-334. ROTAETXE Karmele, 1978, Estudio estructural del euskara de Ondárroa, Durango (Vizcaya), Leopoldo Zugaza. ROTAETXE Karmele, 1998, L’actance en basque, in Jack Feuillet (éditeur), Actance et Valence dans les langues de l’Europe, EALT / EUROTYP, 20-2, Berlin / New-York, Mouton - de Gruyter, p. 849-876.

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LA PRÉDICATION SECONDE EN TCHÉTCHÈNE Françoise GUÉRIN Université Paris-Sorbonne/LACITO-CNRS L’objectif de cette contribution est de montrer qu’en tchétchène, langue caucasique de la famille nakh-daghestanienne, la prédication verbale seconde est intimement liée à la notion de finitude ou autrement dit de nominalisation verbale. Le prédicat second est lié à la subordination par sa soumission au prédicat de la proposition principale et par le fait qu’il assume par rapport à celui-ci une fonction syntaxique. Le caractère non fini du prédicat secondaire en découle comme le précise Givón (2001 : 24) : « a verbal clause is nominalized (…) when it occupies a prototypical nominal position/function ». De ce fait, les verbes finis qui appartiennent à la classe des verbes s’opposent aux verbes non finis qui se répartissent dans des classes distinctes telles que par exemple, celle des participes et celles des infinitifs. Cette étiquette « verbe non fini » est employée pour d’une part indiquer l’origine verbale de ces unités, et d’autre part montrer qu’ils en conservent certaines aptitudes syntaxiques et notamment celle d’être prédicat. Pour marquer la hiérarchie prédicative, les langues utilisent : un subordonnant, l’ordre des termes et enfin la dérivation verbale (Thompson, 2007 : 237). Les fonctionnalistes anglophones usent de termes précis pour distinguer formellement les prédicats secondaires. Si la forme du prédicat secondaire est identique au prédicat d’une phrase indépendante ils considèrent que le prédicat secondaire présente une forme verbale équilibrée balanced verb form si par contre elle est différente c’est qu’elle marque nettement la position hiérarchique secondaire par sa forme et on a alors des deranked verb forms. Il est fréquent de noter que l’utilisation d’un subordonnant est corrélé au fait que le prédicat secondaire a une forme identique au verbe. Par « ordre des termes » Thompson réfère à la place de la proposition subordonnée par rapport à la principale et donne les trois possibilités suivantes : la proposition subordonnée se place : à la gauche de la principale, à sa droite ou bien encore intégrée à la principale. La prédication en tchétchène Cette langue n’utilise que très rarement des phrases nominales et connaît donc une forte opposition verbo-nominale. Le tchétchène étant une langue ergative, le prime actant joue le rôle de patient et a une forme nue comme l’actant unique des verbes monovalents (1) tandis que le second actant non obligatoire marqué par le

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cas ergatif joue le rôle de l’agent (2) et c’est toujours avec le prime actant que l’accord en genre se fait à l’initiale du verbe si celui-ci le réclame : (1) Іаж охьабоьжна ʔɑʒ ɔħ=b=øʒ-nə pomme (GVI) tomber=GVI=ACC « La pomme est tombée » (2) Цо чай дитина. tswo tʃaj d=itinə 3.ERG thé(GV) GV=laisser.ACC « Il a laissé (du) thé » ou « Le thé a été laissé par lui » La prédication seconde en tchétchène Les unités qui peuvent être prédicat secondaire dans cette langue appartiennent à des classes syntaxiques variées qui ont toutes pour point commun de partager des compatibilités avec la classe des verbes et avec la classe des noms ou avec celle des adjectifs. Ces unités, généralement complexes au niveau de leur formation lexicale, sont donc toutes hybrides au niveau de leur comportement syntaxique. De leur origine verbale, les prédicats seconds gardent leur valence. Quelques-uns peuvent être déterminés par une ou plusieurs unités de TAM mais jamais par toutes. Ces prédicats conservent l’accord en genre avec le prime actant quand leur forme verbale le réclame. Avec la classe des noms, ils partagent la capacité à déterminer le verbe en assumant une fonction syntaxique centrale ou périphérique. Du point de vue de leur forme, le tchétchène connaît les deux types possibles de prédicat secondaire : la forme identique à la forme verbale et la forme verbale dérivée. Les prédicats secondaires de même forme que le verbe peuvent selon l’analyse être considérés soit comme des figements de syntagmes verbaux soit comme un seul participe qui peut être ou non déterminé par certaines unités de TAM. A noter que le « PASSE » ne peut jamais le déterminer. Voici deux exemples : en (3) le verbe « écrire » est déterminé par l’aspect « ACCOMPLI » et en (4) le prédicat secondaire est le participe d’« écrire » déterminé par l’ACCOMPLI, verbe et participe ont la même forme : (3) Aс кехат яздина as kjexɜt jaz=d=inə P1.ERG lettre(GV) écrire=GV=.ACC « J’ai écrit (la) lettre »

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(4) ХІинцца кехат яздина ваьлла со hints:ə kjexɜt jaz=d=inə maintenant lettre (GV) écrit=GV=.ACC « J’ai maintenant fini d’écrire (la) lettre »

v-ɛjllə M-finir.ACC

so P1(M)

Le participe peut être introduit par un subordonnant qui est alors requis par certains verbes d’opinion. Les prédicats secondaires dérivés sont composés d’un : Verbe+aspect ou mode+suffixe dérivatif à valeur temporelle (5), à valeur modale (6) etc. (5) иза книга йешуш вара ахь телефон тоьхча izə knigə j-iƒ-uƒ v-a-rə aħ tilifon P3(M) livre(GIII) GIII-lire-PROG P2.ERG téléphone =M=PASSE « Il était en train de lire (un) livre quand tu as téléphoné »

tjøxtƒƒɜ frappéTEMP1.ACC

(6) Айса билет эцахь, театре гІур ву со (Яковлев) a:jsə biljɛt etsɑħ tiatr-e ɣu-r v-u E1.ERG billet achetéMOD.ACC théâtre-LOC aller-CER =M= « Si moi, j’achète (un) billet, j’irai (sûrement) au théâtre »

so P1(M)

D’autres prédicats secondaires dérivés sont formés de la racine verbale suivie directement d’un suffixe à valeur temporelle pour les gérondifs (7) ou à valeur nominative pour les infinitifs (8) : (7) Адамаша цІокарчий яха дойуш, кхачийна цІоькъалоьмаш (Х.А. Берсанов) adəm-əƒ-a: ts ok-ərtƒij j=axɜ d=oluʃ homme-PL-ERG peau(GIII)-PL GIII=enlever(INF) GV=tuant qatƒi:nə ts’øq’əløm-əƒ exterminer ITÉ.ACC tigre(GV)-PL « Les hommes ont exterminé les tigres, (les) tuant pour en retirer (les) peaux » (8) Со даимана а хир ю кх шуна шуна гІо дан so daimɜn ʔɜ xi-r j=u ʃu:n ʃu:n ɣo P1 toujours être ITÉ-CER=F= E5.DAT aide(GV) « Je serai toujours (là) pour vous aider »

d-ɛ ̃ GV-faire(INF)

Ces derniers peuvent eux-mêmes être dérivés secondairement pour créer des masdars ou noms d’action (9) :

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(9) Хьоца вахар хаза хир ħo-ts vaxər xazə xi-r P2-INST action de vivre beau être ITE-PRO « La vie sera probablement belle avec toi » Gérondifs, infinitifs et masdars ne sont jamais déterminés par une unité de TAM. Le degré de finitude joue-t-il un rôle prédominant dans l’établissement des fonctions syntaxiques assumées par la subordonnée ? Au niveau actanciel, la fonction prime actant peut être assumée par un participe relatif (12) par un infinitif, et par un masdar : (10) Сунa везарг лор ву su:n v=jezərg lor P1.DAT M-aimé REL médecin(M) « (Celui) que j’aime est médecin »

v-u M-être

La fonction second actant est assumée par un participe relatif et par un masdar (11) : (11) Уьш дерриге а нисдан гІертаро хан йойура (Гацаев) yʃ derrige: nisdɛ̃ ɣɛrtər-wo xan j=oju-rə P.6 tous corriger(INF) action de temps(GIII) GIII=gaspillertenter-ERG PASSE « La tentative de tous les corriger gaspillait le temps » Dans la zone périphérique du prédicat verbal, la fonction circonstancielle peut être assumée par tous les prédicats secondaires hormis le participe relatif. Ces unités véhiculent des sens différents et seront donc employés dans des contextes différents. Le gérondif ne peut que référer à la manière, l’infinitif au but, les participes au temps, le masdar au moyen. Synthèse Les propositions subordonnées du tchétchène sont majoritairement des propositions intégratives et d’un point de vue strictement syntaxique, la prédication seconde n’emploie que des unités verbales non finies. On observe des degrés dans la perte des compatibilités verbales (notamment en fonction de la détermination ou non par une unité de TAM) et dans l’acquisition de déterminations spécifiques à la classe du nom (pluralisation, introduction par un cas) ce qui permet de poser un continuum de la finitude entre les deux pôles syntaxiques que sont les verbes et les noms. Ainsi, le masdar très proche du nom s’en distingue par son impossibilité à déterminer un nom par l’intermédiaire du

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génitif. Voici dans ce tableau le premier continuum de finitude que l’on peut établir en tchétchène entre les classes syntaxiques pouvant être prédicat second : Tableau 1 Le continuum fini-non fini au vu des caractéristiques verbales et de la forme des prédicats seconds prédicats seconds : +/- non fini - non fini

verbe

participe

[ɔ:l]

[ɔ:l]

« parler »

« parlé »

+ non fini

participes dérivés [ɔ:lʧə]

participe relatif [olurg̥ ]

« quand parle »

« qui parle »

gérondif

infinitif

[oluʃ] « parlant »

masdar

nom

[alə]

[alər]

[aləm]

« parler »

« action de dire »

« message »

La ligne pointillée permet de distinguer entre forme non dérivée à gauche et forme dérivée à droite. Cette nominalisation progressive des prédicats secondaires se manifeste-t-elle clairement au niveau des fonctions assumées par rapport au prédicat verbal ? Tableau 2 fonctions syntaxiques assumées par les prédicats seconds fonction prime actant second actant circonstancielle pdt secondaire participe participes dérivés participe relatif gérondif infinitif masdar On remarque immédiatement que le participe, les participes dérivés et le gérondif conservent un caractère verbal plus fort que les autres puisque la seule fonction qu’ils peuvent assumer est la fonction périphérique ou fonction circonstancielle. Les trois autres types de dérivés verbaux ont un comportement nettement plus nominal puisqu’ils peuvent assumer des fonctions syntaxiques centrales en plus pour d’eux d’entre eux de la fonction circonstancielle. Le participe relatif tout comme le masdar, sont des dérivés secondaires qui peuvent tous deux être pluralisés. Ce sont également les seuls à pouvoir se décliner comme les noms. On obtient en prenant en compte toutes les compatibilités et les fonctions assumées un nouveau continuum :

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Tableau 3 Le continuum de finitude en fonction des compatibilités, des fonctions syntaxiques assumées dans la phrase et de la forme des unités Prédicats seconds : +/- non fini - non fini

verbe

participe

+ non fini

participes dérivés

gérondif

zone périphérique

infinitif

participes relatifs

masdar

nom

zone actancielle

Le degré de finitude augmente bien évidemment au fur et à mesure que le prédicat second perd ses caractéristiques verbales au profit de caractéristiques nominales. Cette évidence se vérifie aussi au niveau des relations syntaxiques puisque dans cette langue les prédicats secondaires les plus proches du verbe ne peuvent assumer que la fonction circonstancielle alors que seuls les prédicats secondaires les plus nominalisés sont capables d’assumer des fonctions dans la zone centrale du verbe. Le continuum ainsi établi prend en compte différents niveaux d’analyse : syntaxique, lexical et morphologique.

Références bibliographiques CRISTOFARO, Sonia, 2003, Subordination, New York, Oxford University Press. GIVÓN, Talmy, 2001, Syntax: An Introduction, Volume 2, Philadelphia, John Benjamins Publishing. SHOPEN, Timothy, (ed.), 1985, Language Typology and Syntactic Description, Volume I: Clause Structure. Volume II: Complex Constructions, Cambridge, Cambridge University Press. THOMPSON, Sandra, LONGACRE, Robert & HWANG, Shin Ja, 2007, [2nd Ed], Adverbial clauses, in T. Shopen (ed.), Language Typology and Syntactic Description, Volume 2: Complex Constructions, Cambridge: Cambridge University Press. p. 237-300. YLIKOSKI, Jussi, 2003, Defining non-finites: action nominals, converbs, and infinitives. In SKY Journal of Linguistics 01/2003 ; 16, p. 185-237.

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LE PREDICAT VERBAL ET LES PARTICIPANTS DE L’ACTION EN CHINOIS Sun FANG Université du Yunnan Chine Introduction Le chinois présente des structures mixtes, le procès du verbe bivalent est susceptible de s’orienter différemment par rapport aux participants de l’action, aussi bien vers le patient que vers l’agent. Cette orientation peut être marquée de différentes manières soit par une position, soit par un connecteur permettant de mettre en relief le patient ou l’agent. À travers différentes structures, on découvre aussi bien le caractère accusatif que le caractère ergatif. L’ergativité est habituellement désignée dans des langues à déclinaison selon le nom du cas marqué dans chacune d’elles. On peut distinguer les langues selon les structures d’actance, qui sont définies, par la confrontation des constructions bi- et uniactancielles, « selon que l’un ou l’autre des actants de la première est grammaticalement traité comme l’actant unique ».1 Dans cet article, l’ergativité et l’accusativité sont envisagées comme notion et non plus comme cas de la flexion, «il y a construction accusative là où le participant unique des intransitifs a la même forme que le participant actif des verbes à deux participants […]. Dans le même esprit, on doit aussi s’attendre à ce qu’une construction ergative n’implique pas automatiquement un cas ergatif. Il se trouve simplement que le participant unique a la même forme que le participant passif des transitifs.»2 C’est cette pensée qui nous a inspirée dans l’analyse de l’ergativité pour certaines structures en chinois. Le phénomène de mise en valeur du patient et la tendance à négliger l’agent en construction biactancielle peut illustrer l’arbitraire relatif de cette langue. Construction avec un verbe bivalent et l’orientation du procès Le procès exprimé par un verbe bivalent peut être orienté vers l’une de ses expansions nominales plutôt qu’une autre, c’est une possibilité laissée au locuteur pour répondre au besoin communicatif. Le changement d’orientation du verbe peut modifier sa valence et mettre en valeur une de ses expansions nominales, ainsi un participant de l’action dăkāi « ouvrir » peut être privilégié parmi les autres ; on aura ainsi différentes expressions de la voix active : Lili dăkāi 1 2

Gilbert LAZARD, 1994, L’actance, p. 29. André MARTINET, 1985, Syntaxe générale, p. 203.

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chuāngzi (Lili-ouvrir-fenêtre) «Lili ouvre la fenêtre» ; chuāngzi ràng / jiào Lili dăkāi le (fenêtre-c.ag.-Lili-ouvrir-acc.) «La fenêtre a été ouverte par Lili» ; chuāngzi dăkāi le «on a ouvert la fenêtre». L’analyse des structures actives du chinois montre qu’un énoncé à verbe bivalent pourra assumer cinq formes possibles selon le message à transmettre et le verbe mis en place : 1. La construction A V P (Agent–Verbe–Patient) 2. La construction A Pc V (Agent–Patient marqué par un connecteur–Verbe) 3. La construction P Ac V (Patient–Agent marqué par un connecteur–Verbe) 4. La construction P V (Patient–Verbe) 5. La construction L V P (Locatif–Verbe–Patient) 1. La construction A V P (Agent –Verbe – Patient) Il s’agit de la structure accusative où l’agent et le patient sont marqués respectivement par l’antéposition et la postposition par rapport au prédicat verbal, le procès est orienté principalement vers l’agent. Cette construction est utilisée en grande majorité dans la langue chinoise : 1)

zhè-ge

nóngmín

dém+spf. paysan

yăng

le

sān

tóu zhū

élever

acc. trois spf. porc

« Ce paysan a élevé trois cochons » 2. La construction APcV (Agent– Patient marqué par un connecteur – Verbe) Cette construction marque le patient ou le non agent par le connecteur bă3. Le participant marqué est placé immédiatement avant le prédicat verbal. En général, dans un énoncé chinois, un nom est identifié comme défini par son antéposition au prédicat verbal et comme indéfini par sa postposition à celui-ci. Cela pourra entrer en conflit avec l’utilisation de la position pour distinguer, dans une construction transitive, entre l’agent, antéposé, et le patient, postposé. La solution est d’employer bă, comme chargé d’indiquer un type de rapport syntaxique là où son expression par la position entre en conflit avec les impératifs prioritaires de l’opposition du défini à l’indéfini ; donc, les désignations de patient introduites par bă, sont à comprendre comme définies ou thématiques : 3 Le monème bă considéré habituellement comme une préposition marquant la fonction d’objet qui a fait l’objet de nombreuses études, notamment en rapport avec la transitivité. Voir ZHAO Yuanren, 1948, Mandarin primer, Cambridge, Harvard University Press, p. 162 « when a verb has both direct objet and a complement, the ba-construction is the usually preferred practice, a more common way of saying »; PARIS Marie-Claude , 2003, Linguistique chinoise et linguistique générale, p. 156-159.

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2)





zhè-běn

P3

c.p.

dém .+ spf livre

shū

măi

le

acheter

acc.

« Il a acheté ce livre » Alors que tā măi le yì-bĕn shū (P3+acheter+acc.+un+spf.+livre) signifie«Il a acheté un livre». L’emploi du monème connecteur bă permet également de préciser un type de rapport syntaxique là où les expansions sont triplées : tā bă zhè-bĕn shū gěi le wǒ «Il m’a donné ce livre». Cependant les verbes bivalents ne sont pas tous compatibles avec bă, du point de vue sémantique les verbes exprimant une expérience affective ou sensorielle n’autorisent pas cette construction, comme tĭyàn «éprouver», guò «passer», xĭhuān «aimer», guānxīn «prêter attention», jiàn «voir»: Xiăolĭ yĭjīng tĭyàn dào le gūjì shēnghuó de kŭsè «Xiaoli a déjà éprouvé l’amertume de la solitude de la vie», mais on ne peut pas dire Xiăolĭ yĭjīng bă gūjì shēnghuó de kŭsè tĭyàn dào le. 3. La construction P Ac V (Patient –Agent marqué par un connecteur – Verbe) Dans la construction P Ac V, le participant patient ou le non-agent est placé en position initiale de l’énoncé, alors que l’agent, qu’il soit défini ou non, est marqué par l’un des connecteurs ràng et jiào. Il est intéressant de signaler que les connecteurs ràng ou jiào sont transférés de la classe des verbes, il s’agit de deux verbes causatifs ou factitifs à l’origine, ràng « laisser » et jiào « demander ». 3)

Píngguŏ

ràng/jiào

māma

chī

le

pomme

c.ag.

maman

manger

acc.

« La pomme a été mangée par maman » 4. La construction PV (Patient – Verbe) Lorsqu’on supprime toutes les expansions du prédicat verbal, le participant patient se présentera toujours dans l’énoncé comme ultime expansion : píngguŏ chī le «On a mangé la pomme» ou «La pomme a été mangée», la construction PAcV se réduit donc en PV, cette évolution peut être symbolisée ainsi : PAcV > PV, Píngguŏ ràng/jiào māma chī le> píngguŏ chī le, l’énoncé du côté gauche maintient plus d’information au niveau du message en présence de deux

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participants, pour le celui du côté droit il s’agit d’une construction syntaxique minimale comportant l’actualisateur et le prédicat. Dans ce type d’énoncé píngguŏ chī le où l’agent est absent, le patient ou le non-agent omniprésent des verbes bivalents coïncide formellement avec le participant unique des verbes monovalents píngguŏ diào le (pomme-tomber-acc.) «La pomme est tombée». De là on voit l’ergativité, car c’est l’identité des formes du participant unique de l’énoncé monovalent et du participant patient de l’énoncé bivalent que l’on accepte comme critère décisif pour dégager l’ergativité. L’orientation du procès exprimé par un tel verbe dépend du besoin communicatif qui focalise soit sur l’agent soit sur le patient, et par conséquent, le verbe est interprété soit comme actif soit comme passif : Lili dăkāi chuāngzi «Lili ouvre la fenêtre», chuāngzi dăkāi le «on a ouvert la fenêtre» ou «La fenêtre a été ouverte». En chinois une grande partie des verbes non monovalents est doublement orientable, selon Hagège4, cette double possibilité de sens ne tient pas au verbe lui-même, elle dépend de la structure de l’énoncé. Dans la construction P V, le verbe se combine généralement avec le « accompli » : 4)

xínglĭ

línshī

le

bagage

mouillé

acc.

« Le bagage a été mouillé » ou «On a mouillé le bagage » L’ergativité en chinois me semble expliquer, dans une certaine mesure, la pensée taoïste consistant à s’abstenir de toute action intentionnelle, interventionniste afin de laisser agir l’efficacité absolue, la puissance de la nature. Cette pensée privilégie surtout ce qui suit et non pas ce qui agit, en effet, le maniement de la langue chinoise met en œuvre les procédés pour choisir entre ce qui fait et ce qui est fait ou ce qui est, en donnant d’autres aptitudes pour présenter la réalité du monde comme un fait acquis à travers la chaîne parlée. Ainsi, le rapport étroit entre le caractère ergatif et l’accompli mériterait une analyse bien plus approfondie.

4

HAGEGE Claude, 1975, Le problème linguistique des prépositions et la solution chinoise, Paris, Société de linguistique de Paris, p. 46-47.

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5. La construction L V P ou P V Lc Il s’agit des énoncés avec un verbe non-monovalent qui régit une expansion en fonction actualisateur correspondant, d’un point de vue sémantique, au patient ou non-agent et une expansion locative nécessairement présente dans cette structure. Ce type d’énoncé a déjà fait l’objet de nombreuses descriptions, parmi lesquelles nous citerons particulièrement l’analyse de Zhu Dexi dans Yufa conggao5. Ce qui nous intéresse sont des énoncés locatifs composés au moins de trois constituants : LVP ou PVLc l’un est un verbe non monovalent, les deux autres sont nominaux, dont l’ordre peut varier par rapport au verbe. L’un des nominaux est non marqué et noté P, l’autre, qui indique un locatif est noté Lc ou L selon qu’il est marqué ou non par le monème connecteur zài : 5)

tiān ciel

shàng dessus

guà

zhe

accrocher

prog.

6

yì-lún

míng

yuè

un+spf

clair

lune

«Une lune claire est accrochée au ciel » En position pré-verbale, le locatif peut être ou non marqué par zài7(tendance à ne pas l’être dans l’emploi courant), tandis qu’en position post-verbale zài est obligatoire : 6)

yì-lún

míng

yuè

guà

zài

tiān

shàng

un+spf

clair

lune

accrocher

c.

ciel

dessus

« La lune ronde est accrochée au ciel » Conclusion Étudier les différentes structures syntaxiques permet d’éclaircir les orientations possibles du prédicat verbal selon le besoin communicatif. En concurrence avec la construction AVP où l’agent est prioritaire, la construction APcV met en relief le participant patient par rapport aux autres expansions nominales. Ce travail met en évidence l’ergativité, qui se manifeste par les connecteurs ràng / jiào indiquant l’agent dans la structure PAcV, et surtout par la présence obligatoire du patient qui actualise un verbe bivalent dans la structure PV recouvrant les verbes doublement orientables. En effet, la construction LVP ou PVLc permet de décrire 5

ZHU Dexi, 1990, Yufa Conggao, p. 1-16. Progressif : aspect progressif désignant la continuité de l’action. 7 Voir A. PEYRAUBE (1980 : 268-278) pour une analyse sur la présence ou l’absence de zài en position pré-verbale. 6

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un état ou un résultat d’un procès-verbal, le verbe bivalent est actualisé par un non agent et circonscrit par une expansion locative, celle-ci est obligatoire dans cette structure. Ces organisations démontrent bien la pluralité et la souplesse de la syntaxe en chinois pour répondre au besoin de la communication.

Références bibliographiques LAZARD Gilbert, 1994, L’actance, Paris, PUF, p. 29. MARTINET André, 1985, Syntaxe générale, Paris, Armand Colin, p. 203. ZHAO Yuanren, 1948, Mandarin primer, Cambridge, Harvard University Press, p.162. PARIS Marie-Claude, 2003, Linguistique chinoise et linguistique générale, Paris, l’Harmattan, p. 156-159. HAGEGE Claude, 1975, Le problème linguistique des prépositions et la solution chinoise, Paris, Société de linguistique de Paris, p. 46-47. ZHU Dexi, 1990, Yufa Conggao, «La rédaction pour la grammaire», Shanghai jiaoyu chubanshe, p. 1-16.

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Thème 2 – Figements et défigements Comme on le sait, les figements peuvent représenter entre un cinquième et un quart du lexique d’une langue et le sujet ne manque pas faire régulièrement l’actualité en linguistique. L’objectif de cette section était tant de donner une image contemporaine des divers domaines d’application de la notion de séquence figée que de revivifier le débat initié par André Martinet avec la notion de synthème, définie comme « une unité significative, formellement et sémantiquement analysable en deux ou plus de deux monèmes, mais qui, syntaxiquement, entretient les mêmes relations avec les autres éléments de l’énoncé que les monèmes avec lesquels il alterne. En d’autres termes, tout synthème s’intègre à une classe de monèmes, et, du point de vue de la grammaire, les synthèmes ne constituent jamais une nouvelle classe d’unités significatives ». De ce double point de vue, nous verrons dans ce chapitre que la notion de figement et son corollaire, celle de défigement, trouvent des applications dans le domaine de la philologie numérique ou lexicométrie (Jean-Marc Leblanc), dans l’étude sémantique des champs lexicaux sémantiques (des sentiments comme le montrent par exemple Julie Sorba et Vanina Goossens), des proverbes (en traductologie pour Tereza GiermakZielinska puis sous un angle variationnel pour Jana Brňaková). Lors des discussions, le débat s’est naturellement aussi porté sur la dimension proprement théorique du sujet : dans cet ordre, notons deux communications, celle Liliana Alic qui se penche sur les figements en lien avec le cognitivisme et celle Nina Cuciuc qui interroge plus nettement la notion de synthème à la lumière de la tradition fonctionnaliste roumaine. Toutes ces contributions s’inscrivent donc ponctuellement dans au moins une de ces trois problématiques : quelles sont les propriétés des figements et des défigements ? ; quel est le degré d’intégration de leurs constituants ? ; l’accès aux corpus par le biais d’outils informatiques permet-il de revisiter les concepts théoriques (comme celui de synthème) et d’affiner l’analyse ? Il est bien évident que cet ensemble d’articles succincts n’épuise pas ces questions mais il permet de mettre en évidence certains aspects, certaines applications possibles de ces notions incontournables. Christophe Cusimano, président des séances de la section

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VERT DE RAGE, NOIRE FUREUR. PROPRIÉTÉS DES FIGEMENTS AU SEIN DU CHAMP DE LA COLÈRE Julie SORBA Université Grenoble Alpes – LIDILEM Vannina GOOSSENS ENS de Lyon – ICAR Dans cette contribution, nous cherchons à mettre en évidence les caractéristiques spécifiques de lexies d’affect synonymes dans une perspective fonctionnelle. Nous nous intéressons plus particulièrement aux caractéristiques des figements de quatre lexies du champ de la colère en français : les noms rage et fureur ainsi que les adjectifs dérivés rageur et furieux. Comme la notion de figement regroupe un ensemble de phénomènes aux caractéristiques variées, nous avons choisi de considérer ici un type de figement particulier : les collocations (cf. Agnès Tutin, 2010). Nous les définissons, selon la tradition « continentale », comme des cooccurrences privilégiées de deux constituants linguistiques sémantiquement pleins (base et collocatif) entretenant une relation sémantique et syntaxique (cf. Francis Grossmann et Agnès Tutin, 2003). Nos analyses sont menées sur corpus et à trois niveaux (sémantique, syntaxique et textuel) afin d’intégrer de manière systématique la dimension discursive (cf. Robert D. Van Valin & Randy J. LaPolla, 1997). Nous exposons ici notre cadre théorique et méthodologique ainsi que le corpus choisi pour cette étude, puis nous présentons les conclusions de l’étude afin de mettre en évidence les comportements distincts de ces lexies présentées habituellement comme synonymes. L’ensemble de ces données est regroupé dans un profil discursif 1 qui spécifie le comportement de la lexie au sein des textes. L’objectif de ce travail est de mettre en évidence les propriétés spécifiques de lexies synonymes en utilisant les propositions de la linguistique fonctionnelle. Lors d’études antérieures portant sur les noms, les lexies rage et fureur n’avaient pu être distinguées : - ni via l’étude de leur structure actancielle et de leurs collocations (Vannina Goossens, 2005) : ces deux lexies sont dans la classe des « noms d’affect causés et dirigés par un objet » et dans la sous-catégorie des « noms qui admettent la possession et qui sont « voulus » ou en tous cas assumés par l’expérienceur » (classe C. b.) ; 1

Sur la notion de profil discursif, cf. Novakova & Sorba (2013).

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-

ni via l’étude de leurs variations sémantiques régulières (Vannina Goossens, 2011) : ces deux lexies n’acceptent pas de véhiculer d’autres acceptions régulières au sein de la classe des noms d’affect que l’interprétation d’affect. L’objectif est donc ici de chercher à mettre en évidence les caractéristiques de lexies sémantiquement proches en élargissant le champ d’analyse. En se focalisant sur le figement, nous cherchons à analyser les interactions entre la combinatoire syntaxique et lexicale afin de dresser une analyse linguistique à trois niveaux. Nous cherchons ainsi à établir, pour chacune des lexies étudiées : - le profil lexical, qui réunit les associations sémantiques privilégiées ; - le profil syntaxique, qui analyse les structures actancielles des lexies en situation de figement ; - le profil textuel, qui étudie l’impact des genres textuels sur le figement ainsi que les positions textuelles privilégiées par les lexies. Cette étude nous permet d’élaborer le profil discursif de chacune des lexies. Nous faisons l’hypothèse que le profil discursif de chacune des lexies fournit des éléments pour distinguer les synonymes entre eux. Nous avons sélectionné deux noms réunis sous l’étiquette ‘affect’2, fureur et rage, qui désignent tous deux des affects causés, réactifs, ponctuels et de forte intensité. Les principaux outils lexicographiques les présentent comme synonymes, l’un apparaissant dans la définition de l’autre. Nous avons également choisi d’inclure dans nos analyses l’étude des deux adjectifs dérivés furieux et rageur, la combinatoire des adjectifs étant nettement moins étudiée que celle des noms et des verbes à ce jour. Notre corpus d’étude en langue française contemporaine inclut un ensemble de textes littéraires postérieurs à 1950 (environ 16 millions de mots) et deux années de parution des quotidiens Le Monde, Le Figaro, Libération, Ouest-France (environ 100 M. de mots, période 2007-2008). Ce corpus, annoté syntaxiquement, a été construit dans le cadre du projet ANR-DFG EMOLEX3. L’interface d’interrogation EmoConc permet d’extraire les lexicogrammes de chacune des lexies, c’est-à-dire la sélection de leurs cooccurrents spécifiques à partir du degré d’affinité combinatoire existant entre deux mots dans un corpus. Ce degré d’affinité est appréhendé sur la base du calcul de log-likelihood4 (cf. Peter 2

3

4

Le terme affect est pris ici comme étiquette conventionnelle permettant de renvoyer aussi bien à des sentiments qu’à des émotions ou à des états affectifs. Ce corpus est accessible grâce à la plateforme EmoBase (http://emolex.eu/). Le projet EMOLEX a permis la constitution d’un vaste corpus annoté morpho-syntaxiquement et syntaxiquement dans 5 langues européennes (français, anglais, allemand, espagnol, russe), dont une partie est alignée. L’établissement du lexicogramme d’une lexie pivot sur la base du calcul de log-likelihood prend en compte les fréquences de toutes les occurrences du pivot, du collocatif et de la cooccurrence du pivot

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Blumenthal, 2008 ; Sascha Diwersy, Olivier Kraif 2013). La figure 1 ci-dessous représente le lexicogramme ainsi obtenu pour la lexie rageur :

Figure 1 : Lexicogramme de la lexie rageur (Emoconc) Le profil combinatoire de la lexie, qui réunit son voisinage sémantico-syntaxique spécifique (Blumenthal, 2002, 2007 ; Iva Novakova et Agnès Tutin, 2009), est par la suite élaboré en deux temps. La première étape de sélection est automatique, puisque ne sont extraits du corpus que les cooccurrents spécifiques sur la base du calcul de log-likelihood. La seconde étape est manuelle. En effet, nous ne conservons que les cooccurrents des lexies utilisées dans une interprétation d’affect : sont ainsi écartées de notre corpus d’étude les occurrences où les lexies ne désignent par un affect (par exemple dans le cas de rageur : vent ~, smash ~, riff ~, souffle ~, livre ~). Sont également écartées les cooccurrences qui ne forment pas une collocation, selon la définition que nous en avons donnée en introduction. Ainsi, par exemple, les cooccurrences entre un nom d’affect et un mot grammatical sont écartées5. Après ce nettoyage nous obtenons, pour les quatre lexies de notre étude, un total de 43 collocatifs et de 367 séquences textuelles exploitables. L’analyse des données permet de constater une inversion des fréquences respectives entre noms et adjectifs. En effet, rage est plus fréquent que fureur (respectivement 134 et 88 séquences), mais c’est furieux qui est plus fréquent que rageur dans les collocations (respectivement 101 et 44 séquences). D’autre part, on observe une grande disparité entre la productivité du nom et de l’adjectif pour

et du collocatif. Le lexicogramme ainsi créé regroupe toutes les cooccurrences présentant une valeur de significativité au moins égale au seuil de spécificité fixé à 10,83. Pour notre étude, nous avons fixé en outre un seuil de fréquence supérieur à 2. 5 La définition de collocation employée dans cette étude combine ainsi un critère statistique de spécificité et des critères sémantico-syntaxiques.

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le couple rage/rageur (16 collocatifs pour 134 occ. vs 5 collocatifs pour 44 occ.), alors que le couple fureur/furieux est très proche au niveau de la fréquence (11 collocatifs pour 88 occ. vs 9 collocatifs pour 101 occ). Notre étude de corpus a élaboré le profil discursif des lexies rage/rageur et fureur/furieux en analysant, au sein de leurs collocations, les moyens linguistiques (structures actancielles, associations lexicales véhiculant différentes dimensions sémantiques, réseaux isotopiques) mis au service de l’argumentation et de la cohésion textuelle, et ce, aussi bien au niveau microtextuel (dans le cadre de la phrase) que macrotextuel. Les lexies présentées par les outils lexicographiques comme des synonymes se distinguent en fait sur bien des points dans le cadre de leurs collocations respectives. En effet, l’élaboration du profil lexical a montré que les noms fureur et rage ont chacun une dimension sémantique différente très marquée : la causativité pour le premier, la manifestation physique active pour le second. Cette même répartition se retrouve avec les adjectifs correspondants, la dimension manifestation physique active étant toutefois encore plus marquée pour rageur que pour rage. D’autre part, les lexies se distinguent entre elles par leurs collocatifs spécifiques privilégiés : rage se rencontre au sein de collocations verbo-nominales alors que ce sont les collocatifs de type adjectival qui prédominent pour fureur. De plus, au sein des collocations, les adjectifs dérivés se répartissent nettement la qualification des parties du corps : à rageur sont associés les noms des extrémités alors que ce sont les noms des partie du visage qui sont qualifiées de furieux. En outre, lors de l’élaboration du profil syntaxique, nous avons pu constater que ce sont les emplois monovalents qui dominent pour le nom rage, alors que la structure actancielle prototypique de fureur est bivalente. En revanche, pour les adjectifs, c’est l’inverse : furieux entre majoritairement dans des structures actancielles monovalentes, tandis que rageur apparaît davantage en emplois bivalents. Les structures actancielles prototypiques des noms et des adjectifs correspondants ne se révèlent ainsi pas identiques, mais permettent de discriminer les synonymes entre eux. Nous avons relevé également une particularité récurrente du couple fureur/furieux qui peut posséder un expérienceur non humain, alors que cela est peu fréquent dans le cas de rage/rageur. Enfin, l’étude des réseaux isotopiques révèle que l’intensité est omniprésente dans l’environnement textuel des lexies. Cette dimension sémantique qui apparaît peu dans la combinatoire avec les collocatifs, est quasiment systématiquement présente au niveau transphrastique. Néanmoins, alors que le groupe furieux/fureur se distingue par une actualisation conjointe de l’isotopie de la polarité négative, les collocations de rage/rageur se rencontre régulièrement dans un réseau lexical tissant l’isotopie de la polarité positive.

71 ) ( 73

Notre étude montre que l’élaboration du profil discursif à partir des collocations permet de différencier les unes des autres des lexies présentées comme des synonymes par les outils lexicographiques traditionnels.

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TEXTOBSERVER : UNE DÉMARCHE TEXTOMÉTRIQUE EXPÉRIMENTALE POUR L’ANALYSE DE LA VARIATION Jean-Marc LEBLANC Université Paris Est, Créteil (UPEC) - CEDITEC (EA 3119) Introduction Nous proposons ici une réflexion sur l’apport d’une démarche expérimentale dans la mise au jour de phénomènes liés à la variation. Nous présenterons succinctement l’approche que nous privilégions dans ce cadre et ferons état des développements d’un outil d’exploration des données textuelles multidimensionnelles et multimodales, TextObserver conçu au sein du Céditec (EA 3119, UPEC) né directement de cette démarche expérimentale. Nous évoquerons les visualisations originales proposées par cet outil qui s’inscrit dans le domaine de la textométrie et de l’analyse statistique des données textuelles. (Implémentation du mouvement, destinée à se mieux saisir des phénomènes liés à la variation, navigation, interactivité, représentations tridimensionnelles et extrudées, sont autant de procédés qui visent à faciliter la compréhension des résultats lexicométriques.) Nous montrerons en quoi TextObserver, conçu comme un outil de mesure expérimental, permet de mieux saisir des phénomènes liés à la variation. Une certaine conception de la lexicométrie La conception de l’outil TextObserver est née d’une démarche expérimentale en lexicométrie, qui procède d’une réflexion méthodologique consistant à comparer les outils, mesures et méthodes, à utiliser les résultats d’un outil pour les soumettre aux autres. Notre conception de la lexicométrie privilégie le travail sur la forme graphique, sans recours systématique à la lemmatisation ou à la catégorisation, mais ne se l’interdisant pas non plus, interrogeant les résultats par un retour au texte systématique. Cette démarche lexicométrique expérimentale explore le corpus en allant des tendances au "micro-textuel", pour atteindre la granularité du texte. Nous souhaitons en outre valider la démarche lexicométrique sur des petits corpus et inscrire notre recherche dans un genre afin de comparer ce qui est comparable. Enfin, nous évoquerons une conception large de la lexicométrie que nous justifierons par un ancrage fort dans une démarche solidement éprouvée (Tournier, Muller, Fiala, Salem, Lafon) mais que nous élargissons par l’expérimentation vers une "textométrie multimédia".

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Essai de typologie logicielle Nous pourrions dresser une typologie des outils logiciels qui distinguerait les outils constrastifs et longitudinaux (Lexico 3, Hyperbase, TXM, Hyperbase...) des outils structurants (Alceste, Astartex), des catégoriseurs sémantiques (Tropes, Cordial) ou étiqueteurs morphosyntaxiques, mais pourrions également prendre pour entrée les fonctionnalités de ces outils et mettre en évidence le type d’éclairage que l’on peut porter sur un corpus. Cette typologie est présentée dans plusieurs contributions, (Leblanc 2008) aussi nous ne la développerons pas ici. Notons simplement qu’une première entrée pourrait consister à caractériser un texte sur la base de marques formelles telles que la longueur des mots, de phrases, la proportion d’adverbes, d’adjectifs, de verbes, de substantifs, de temps et modes verbaux et de comparer ces données à un corpus de références (journalistique, commercial, juridique, littéraire...). C’est ce que propose parmi d’autres fonctionnalités le logiciel Cordial, conçu à l’origine comme un outil d’aide à la rédaction. Tropes permet par un étiquetage plus fin, mais non exempt d’erreurs, d’identifier dans un texte les verbes statifs, performatifs, factifs, les modalisations, de temps, de lieux, de doute, de sortir la liste des adjectifs, des verbes, et de les quantifier. Une autre fonctionnalité consiste à examiner les thématiques d’un texte. Pour ce faire nous identifions deux méthodes. La première consiste à projeter sur le corpus une ontologie sémantique, c’est la méthode utilisée par Tropes. La seconde est purement statistique et mobilise la notion de cooccurrence. Cette approche est utilisée par Alceste (cooccurrences entre énonces) ou par Astartext (cooccurrences généralisées). Elles permettent de faire émerger d’un corpus les structures signifiantes saillantes. D’autres fonctionnalités permettent de résumer un texte ou d’en extraire les énoncés spécifiques, d’autres permettent de mettre en évidence des ruptures thématiques, stylistiques, lexicales. Pour cette dernière fonctionnalité on évoquera l’approche minimale de Lexico 3 et de la carte des sections qui permet de visualiser la distribution d’une forme ou d’un groupes de formes, d’un segment dans la linéarité d’un corpus découpé en sections (phrases, paragraphes, empans définis par un caractère délimiteur). Des traitements plus complexes comme la corrélation chronologique (Hyperbase) ou les accroissements spécifiques (Lexico 3) permettent d’examiner les ruptures, ou les évolutions lexicales sur la chronologie du corpus. Le calcul de l’accroissement lexical (Hyperbase) permet d’examiner l’apport ou l’appauvrissement de formes lexicales dans une tranche du corpus par rapport à ce qui précède. Ces "tranches" peuvent être les partitions naturelles du corpus (par année, locuteur, chapitre d’ouvrage, tours de parole) ou procéder d’autres découpes (tranches de 1000 mots par exemple). Le dernier niveau de complexité pourrait s’illustrer par le calcul des épisodes et rafales de tropes au moyen duquel il est possible d’identifier des "épisodes" remarquables

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que l’on peut interpréter comme des concentrations particulières de modalités, des parties du discours ou d’univers sémantiques. Fonctionnalités essentielles des outils lexico-textométriques Ces outils que nous avons définis dans une typologie comme étant contrastifs et longitudinaux, permettent avant tout de comparer, selon une norme le plus souvent endogène, les différentes parties du corpus les unes par rapport aux autres. Cette comparaison s’exprime en fréquences Relatives Ou Absolues, Mais La Méthode Commune A Ces Outils est la méthode des spécificités. Il s’agit d’un calcul de fréquence probabilisée qui permet de porter un jugement en termes de sous-représentation ou de surreprésentation d’une forme, d’un groupe de formes ou de toute autre unité, dans une partie du corpus par rapport aux autres et à l’ensemble.

Dans l’exemple qui suit, notre corpus de vœux des présidents de la cinquième République a été découpé en 50 partitions, on note qu’en décembre 2007, pour son premier message de vœux aux Français, Nicolas Sarkozy a utilisé le "je" plus que n’importe qui avant lui. Il s’oppose nettement aux années De Gaulle (19591968) ou cet emploi est soit noté comme banal (distribution n’appelant pas de remarque particulière) soit - beaucoup plus souvent - en sous-emploi. Grâce à ce calcul de spécificités il est donc possible de faire émerger des profils énonciatifs très contrastés. Est-ce la manifestation d’une réponse aux critiques d’hyperprésidentialité? Toujours est-il qu’en 2008 le suremploi du "je" chez

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Sarkozy est moindre et qu’en 2009 et suivants, l’emploi devient banal. C’est-àdire qu’il n’est ni en sur emploi ni sous employé. Pour analyser plus finement les réalisations de la première personne du singulier, il convient naturellement de revenir au texte au moyen par exemple d’une concordance, mesure incontournable en lexicométrie et implémentée dans tous les outils logiciels cités précédemment.

Une démarche expérimentale Nous illustrerons notre démarche expérimentale au moyen d’un exemple par lequel nous tentons d’analyser la variation des formules rituelles chez les cinq présidents de la République. Nous avons commencé par soumettre notre corpus à une analyse structurante au moyen d’Alceste. Cette analyse a permis de faire émerger cinq classes thématico-sémantiques1 que nous identifions ainsi, dans l’ordre de leur émergence : le rituel et les vœux (classe 5), la politique internationale (classe 1), les valeurs démocratiques et républicaines (classe 4), la politique intérieure, économique et sociale (classe 3), les énoncés constatifs et les bilans (classe 2). Si nous examinons rapidement cette première classe couvrant le lexique du rituel et des vœux, thème dominant de ce corpus. Les formes réduites2 qui la composent relèvent du lexique relatif aux vœux (vœu+, bonne+, année, souhait
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