Bangladesh - Encyclopedia Universalis

July 15, 2017 | Autor: Alice Baillat | Categoria: Bangladesh, Encyclopedia
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BANGLADESH   Le Bangladesh est un État d’Asie du Sud d’une superficie de 144 000 kilomètres carrés – soit environ le quart de celle de la France ; il rassemble environ 160 millions d’habitants selon le recensement de 2011 et compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. Le Bangladesh est souvent méconnu, sauf pour ses calamités naturelles et sa maind’œuvre à très bon marché. Enclavé dans l’Inde, à l’exception d’une courte frontière avec la Birmanie à l’extrémité sud-est, le Bangladesh se situe dans le vaste delta fertile du Bengale. Devenu indépendant en 1971, après une guerre sanglante contre le Pakistan occidental, le Bangladesh (anciennement Pakistan oriental) est un État encore jeune, mais qui possède une histoire longue et mouvementée en tant que partie orientale du Bengale. Cette région, convoitée depuis le XVIe siècle pour la fertilité de ses sols, a subi diverses influences religieuses et culturelles sous la domination successive de l’Empire moghol (à partir de 1560-1570), de la couronne d’Angleterre (à partir du milieu du XVIIIe siècle), puis du Pakistan occidental (à partir de la partition de l’Inde en 1947). Bien que beaucoup qualifient le Bangladesh d’« État défaillant », il serait abusif de réduire ce pays à ses maux endémiques que sont la corruption, la pauvreté, la faiblesse de ses institutions politiques ou encore sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles. Le Bangladesh a en effet connu une trajectoire de développement remarquable, grâce à l’essor considérable du secteur du prêt-à-porter, des remises d’argent des expatriés et à un dynamisme sans pareil de la société civile. Par ailleurs, le surpeuplement du Bangladesh est souvent considéré comme un obstacle majeur au développement du pays, mais cette population pourrait aussi s’avérer être un véritable atout pour son avenir.

Géographie     Caractéristiques  physiques  et  humaines   Un  milieu  naturel  fertile,  mais  vulnérable   Une grande partie des terres du Bangladesh se trouvent à moins de 12 mètres au-dessus du niveau de la mer, et les 1

zones côtières se situent à moins de 2 mètres : il est donc un des pays les plus plats du monde. Plateaux et collines ne représentent que 20 p. 100 de sa superficie, et se situent essentiellement dans le nord-est (région de Sylhet) et dans le sud-est du pays (Chittagong Hill Tracts). À cheval entre l’Inde et le Bangladesh, dans le sud-ouest du pays, s’étend la plus grande mangrove du monde, les Sundarbans, réputée pour être un des derniers habitats naturels du célèbre tigre du Bengale. À l’extrême sud-est du pays, la plage de Cox’s Bazar, la plus longue du monde, s’étend sur 120 kilomètres. Ce pays presque sans relief se compose principalement de vastes plaines situées à l’intérieur du delta du Gange (ou delta du Bengale). Celui-ci est formé par la confluence de trois des plus grands fleuves du monde : le Gange (la Padma), le Brahmapoutre (la Jamuna) et la Meghna. Descendant de l’Himalaya, ces fleuves se rejoignent au Bangladesh avant de se jeter dans le golfe du Bengale. Par ailleurs, plus de deux cent trente cours d’eau sillonnent le pays, recouvrant 7 p. 100 de sa superficie totale. Ironie du sort, la densité et la vitalité de ce réseau hydrographique sont source de vie autant que de mort. Si la fertilité des terres du Bangladesh dépend de la crue des fleuves, ses inondations endommagent les infrastructures (routes, bâtiments, réseaux de communication, digues) et fragilisent une population déjà vulnérable. Doté d’un climat tropical, le Bangladesh connaît chaque année des périodes de mousson au cours desquelles tombent en moyenne 80 p. 100 des précipitations annuelles. Les fortes crues et les inondations dévastatrices recouvrent alors environ un cinquième du territoire – les pires années, jusqu’au tiers des terres. En 1998, le Bangladesh a connu les inondations les plus meurtrières de son histoire : près de 70 p. 100 du territoire fut inondé, provoquant la mort de plus de 1 000 personnes et laissant 30 millions de Bangladais sans abri. Pour autant, ces excès en eau n’épargnent pas le pays d’épisodes réguliers de sécheresse, qui sont liés à l’arrivée tardive ou au retrait précoce des pluies de mousson. Moins visible mais tout aussi destructrice, l’érosion côtière et fluviale a des conséquences dramatiques sur l’économie locale et la population, qui dépendent de l’agriculture. En moyenne, de 1 500 à 3 500 hectares de terres cultivables disparaissent chaque année, réduisant progressivement le territoire déjà en proie à une forte pression démographique et engendrant des rivalités croissantes autour de l’accès à la 2

terre. L’érosion dépossède les hommes de leurs terres et provoque le déplacement de 500 000 à 1 million de personnes par an : elle est considérée comme un facteur majeur de paupérisation au Bangladesh. Le Bangladesh est aussi régulièrement frappé par de violents cyclones et des tempêtes tropicales. En 1970, le Pakistan oriental est touché par le cyclone Bhola, le plus meurtrier de son histoire, qui provoque la mort de plus de 500 000 personnes. La forte vulnérabilité du Bangladesh a conduit le pays à se doter d’une politique de prévention et de gestion des catastrophes naturelles et de réduction des risques, en investissant notamment dans la construction d’abris anticycloniques et dans la mise en place de systèmes d’alerte précoce. Une  nouvelle  menace  :  le  changement  climatique     Le Bangladesh doit aujourd’hui faire face à une nouvelle menace : le changement climatique. En effet, selon le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (G.I.E.C.), le pays est considéré comme un des plus vulnérables au monde. Si le niveau de la mer s’élève de 1 mètre, 17 p. 100 de la superficie totale du pays sera inondée. Par ailleurs, la hausse des températures, en accélérant la fonte des glaciers de l’Himalaya, entraînera à chaque période de mousson des inondations encore plus importantes. La fréquence et l’intensité des cyclones vont également augmenter, occasionnant des dégâts encore plus catastrophiques. En raison de cette vulnérabilité, le Bangladesh est un pionnier en matière d’adaptation au changement climatique : il s’est doté, notamment, d’un plan d’action national de lutte contre le changement climatique depuis 2009, de fonds spécifiques (Bangladesh Climate Change Trust Fund, établi en 2009 ; Bangladesh Climate Change Resilience Fund, créé en 2010) et de programmes destinés à adapter l’agriculture (développement de variétés de riz résistantes à la salinité des eaux) et a protégé les infrastructures (élévation du niveau des routes, construction de digues…). Les effets du changement climatique au Bangladesh, couplés à la pauvreté et à la forte densité de population, vont en outre accroître les déplacements de populations. On estime que près de 30 millions de personnes pourraient être amenées à se déplacer d’ici à 2050, obligeant le gouvernement bangladais et la communauté internationale à répondre à de nouveaux défis humanitaires, politiques et juridiques. Mais le changement climatique n’est pas tant à 3

l’origine de nouveaux problèmes qu’il va surtout exacerber les vulnérabilités existantes. Un  État  pauvre  et  surpeuplé,  mais  fort  de  son  identité     Avec une densité de 1 100 habitants au kilomètre carré, le Bangladesh est le pays le plus densément peuplé au monde – à l’exception des villes-États, comme Singapour. Le pays a pourtant effectué des progrès notables en matière de contrôle des naissances, en développant des politiques de planning familial dès le début des années 1970. Ainsi, la croissance démographique annuelle est passée de 2,8 p. 100 en 1975 à 1,5 p. 100 en 2012 ; le taux de natalité a baissé de 6,6 enfants par femme dans les années 1970 à 2,2 en 2012. Le Bangladesh appartient à la catégorie des pays les moins avancés : le revenu par habitant est de 840 dollars par an en 2012, et près de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le pays connaît toutefois un développement économique depuis les années 1980, lequel a permis de quintupler le P.I.B. par habitant (de 330 dollars en 1980 à 1 750 dollars en 2011). Les inégalités sociales restent cependant très fortes, et surtout liées à l’accès à la terre. En 2008, 4,5 millions de Bangladais étaient des paysans sans terre. Si la perte des terres est la plupart du temps imputable aux aléas naturels, les cas de spoliation foncière sont également monnaie courante, facilités par une corruption et une violence généralisées. Ces spoliations touchent surtout les plus pauvres, dont font partie la plupart des minorités ethniques et religieuses, et sont très fréquentes dans les Chittagong Hill Tracts. De nombreuses terres ont notamment été confisquées aux hindous, en vertu de la loi Vested Property Act adoptée en 1974 et toujours en vigueur. Cette dernière a permis l’expropriation de milliers d’hindous après la guerre d’indépendance de 1971 et, par la suite, de nombreuses communautés autochtones pour divers motifs, tels que l’exploitation minière, la création d’un parc national, l’installation de migrants bengalis sur les terres des minorités ou encore la mise en place d’un projet de développement. Le pays connaît une urbanisation rapide depuis les années 1980, liée plus à la pauvreté et la perte d’opportunités économiques en milieu rural qu’à l’industrialisation en cours. La population urbaine représente, en 2012, près de 30 p. 100 de la population totale, et croît à un rythme de 3,5 4

p. 100 par an. La centralisation administrative et politique du pays conduit la majorité des migrants à s’installer dans la capitale Dacca (ou Dhaka), dont la population augmente à un rythme très soutenu : 1,4 million de personnes en 1975, 10 millions en 2001, plus de 13 millions en 2012. En outre, les problèmes de gouvernance et l’absence d’une véritable planification urbaine limitent le développement d’infrastructures et de services publics qui permettraient d’absorber l’arrivée massive de ces migrants. D’immenses bidonvilles s’étendent alors autour de Dacca, conduisant à une dégradation de l’environnement urbain (destruction des espaces verts, pollution de l’eau, absence de traitement des déchets). La population de ces bidonvilles, qui augmente de 7 p. 100 par an et représente un tiers de la population de la capitale, n’a pas accès aux services de base, comme l’éducation et la santé, et est souvent privée d’un accès au marché formel de l’emploi. La population du Bangladesh se caractérise par une très grande homogénéité ethnique, linguistique et religieuse. Le pays correspond en effet à la partie orientale du Bengale, qui fut partagé au moment de la partition de l’Inde en 1947 selon des critères religieux. Ainsi, près de 90 p. 100 de la population est musulmane, faisant du Bangladesh le quatrième pays musulman au monde. L’hindouisme est la deuxième religion du pays (9 p. 100), tandis que le reste de la population se compose d’une minorité de bouddhistes, de chrétiens et d’animistes. Les Bengalis représentent plus de 98 p. 100 de la population du pays, et l’immense majorité de la population parle le bengali. Mais la question religieuse reste une composante essentielle du débat public : l’identité bangladaise est-elle fondée sur l’appartenance à la culture et à la langue bengalie ou d’abord caractérisée par l’adhésion aux valeurs de l’islam ? Cependant, c’est autour de la défense de la langue bengalie que se catalysa en premier lieu l’affirmation de l’identité nationale. Le Mouvement pour la langue (Bhasha Andolon) est né en 1952 dans l’ancien Pakistan oriental pour protester contre le fait que le gouvernement, situé au Pakistan occidental, impose l’urdu (ou ourdou) comme seule et unique langue nationale, alors que la majorité de la population, présente au Pakistan oriental, parle le bengali. Ce mouvement fut l’un des premiers signes de tension entre les deux parties du pays qui aboutirent à l’indépendance du Bangladesh en 1971.

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Économie  et  développement     Depuis l’indépendance du pays en 1971, l’économie bangladaise connaît d’importantes transformations, notamment avec l’émergence de secteurs non traditionnels (prêt-à-porter, élevage de crevettes…) tournés vers l’exportation, et l’augmentation des devises étrangères à travers les remises d’argent. La croissance économique atteint 6 p. 100 par an depuis les années 1990, malgré quelques périodes de stagnation ou de recul liées à l’instabilité politique ou à la vulnérabilité climatique du pays. Une  économie  majoritairement  agraire     Si le secteur agricole emploie encore près de la moitié de la population active du Bangladesh, il ne représente plus que 18,5 p. 100 du P.I.B. Historiquement, le jute fut à la base de l’économie bangladaise avant l’arrivée sur le marché, dans les années 1980, des fibres synthétiques. Aujourd’hui, la production agricole du Bangladesh est dominée par la culture du riz, fondement de l’alimentation de la population. À partir des années 1980, les efforts faits en matière de modernisation de l’agriculture (irrigation intensive, engrais chimiques, pesticides, utilisation de variétés de riz à haut rendement), couplés à l’abondance naturelle en eau, ont provoqué une véritable hausse de la production. Celle-ci a quasi permis au Bangladesh d’assurer la sécurité alimentaire de sa population, même si elle reste tributaire d’une nature capricieuse. Toutefois, l’intensification de l’agriculture a un coût environnemental. Le manque de contrôle et l’usage à outrance de pesticides et d’engrais chimiques ont provoqué la contamination de l’eau et engendré des problèmes de santé publique. Ainsi, l’eau souterraine captée dans des puits artésiens s’est avérée contaminée par des dépôts naturels d’arsenic qui seraient à l’origine d’un décès sur cinq dans le pays. L’Organisation mondiale de la santé considère cette catastrophe sanitaire comme « la plus importante contamination de masse de l’histoire ». Le secteur agricole repose également, mais dans une moindre mesure, sur l’élevage (vaches, moutons, chèvres, poulets), l’exploitation des forêts et la pêche. Le secteur halieutique, en particulier, est un important vecteur d’emplois au Bangladesh (7 p. 100 de la population active). Mais ce secteur est menacé par le manque d’investissements étrangers, la mauvaise gestion des ressources halieutiques et sa trop forte vulnérabilité aux aléas naturels. 6

L’intégration  du  Bangladesh  dans  l’économie  mondiale   Longtemps, le Bangladesh est resté à l’écart du commerce international. Sous les dominations britannique et pakistanaise, les ressources naturelles étaient exploitées abusivement, avant d’être transformées dans des usines implantées à Calcutta puis au Pakistan occidental, empêchant ainsi l’essor d’un secteur industriel sur le territoire actuel du Bangladesh. Le nouvel État doit donc, après son indépendance, construire entièrement son développement industriel alors qu’il est dépourvu de toute infrastructure et privé d’une élite industrielle. À partir de 1975, sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement met en œuvre des politiques de libéralisation qui ouvrent progressivement l’économie bangladaise aux échanges extérieurs et aux investissements étrangers. Tout d’abord, à partir des années 1980, le développement de l’industrie du textile suscite l’intérêt des investisseurs étrangers, motivés par l’abondance d’une main-d’œuvre non qualifiée et à très bon marché. Devenu le pilier de l’économie nationale, ce secteur représente désormais 80 p. 100 des exportations du pays. Le Bangladesh est, depuis 2009, le deuxième exportateur mondial de vêtements, après la Chine. L’Union européenne est le principal client (50 p. 100 des exportations totales), devant les États-Unis. L’essor considérable du secteur du prêt-à-porter est un vecteur d’importantes transformations sociales, telles que l’émancipation des femmes. En effet, sur les 3,5 millions de personnes employées dans le secteur, 90 p. 100 sont des femmes. Accédant au marché formel de l’emploi et donc à davantage d’autonomie, ces dernières voient ainsi leur place dans la société bangladaise transformée. Mais il y a un prix à payer pour ces progrès. L’effondrement d’un immeuble (le Rana Plaza) abritant des ateliers de confection à Savar, près de Dacca, le 24 avril 2013, cause la mort de plus de 1 100 personnes. Ce drame révèle au monde entier les déplorables conditions de travail des ouvrières qui sont à l’origine du made in Bangladesh. En outre, ce terrible accident n’est pas un cas isolé : de 2006 à 2013, plus de deux cent quarante-cinq incendies dans des usines de textile ont provoqué la mort de plusieurs centaines d’ouvriers. Des grèves sont organisées pour réclamer une amélioration des conditions de travail et une hausse des salaires, mais elles sont violemment réprimées, témoignant d’un manque de volonté politique et des atteintes portées à 7

une démocratie encore fragile. Par ailleurs, le drame du Rana Plaza a mis au jour la responsabilité des firmes occidentales qui délocalisent leur production au Bangladesh : si quitter le pays revient à « endommager l’avenir économique et social du pays », comme l’a rappelé le père du microcrédit, Muhammad Yunus, les impératifs de profits ne doivent pas pour autant primer sur le devoir de responsabilité sociale. Ensuite, le développement de la culture intensive de crevettes contribue significativement à l’augmentation des échanges commerciaux du Bangladesh : la crevetticulture est devenue le deuxième secteur d’exportation du pays. Implantée dans les années 1970, elle est considérée comme une formidable opportunité de développement économique bien que, dans le même temps, elle provoque une paupérisation accrue des petits agriculteurs et une dégradation de l’environnement local. En effet, des milliers d’hectares de terres fertiles sont convertis en bassins d’aquaculture. Ces vastes exploitations d’élevage de crevettes augmentent la salinisation des sols, stérilisant les terres jusque-là cultivables et chassant ainsi les paysans les plus pauvres. L’entrée du Bangladesh dans l’économie mondiale repose aussi sur les devises étrangères, via les transferts de fonds des travailleurs expatriés. Ces remises d’argent sont devenues la troisième source de revenus du pays : elles représentent, en 2012, plus de 10 p. 100 du P.I.B. Plus de 5 millions de travailleurs bangladais résident à l’étranger, principalement dans les pays du Golfe mais aussi en Europe et aux États-Unis. La dépendance de l’économie du Bangladesh à l’égard de ces transferts d’argent n’est cependant pas sans risque pour la stabilité du pays, qui se trouve ainsi intimement liée à la santé économique et à la demande en main-d’œuvre des pays d’accueil. Par ailleurs, mais dans une moindre mesure, le Bangladesh s’est également spécialisé dans un autre secteur industriel aux conséquences environnementales et sociales désastreuses : les chantiers de démolition navals. Pétroliers, cargos et chalutiers du monde entier débarquent dans la baie de Chittagong, devenue le plus grand cimetière de bateaux au monde, afin d’y être démembrés à main nue et au mépris des règles internationales du travail et de protection environnementale. Ces navires, dont sont extraits les métaux et autres composants afin de les recycler et de les revendre sur le marché local, exposent les ouvriers à des 8

produits hautement toxiques, comme l’amiante, et dégradent l’environnement terrestre et maritime local. Enfin, le secteur énergétique commence à attirer l’attention des investisseurs étrangers. Le Bangladesh dispose en effet d’importantes réserves de gaz naturel qui pourraient permettre à l’avenir l’autosuffisance énergétique du pays. Devant le manque de capitaux et de technologies nécessaires à l’extraction du gaz naturel, le gouvernement bangladais a ouvert, à partir de la seconde moitié des années 1990, le secteur aux investissements étrangers. Avec l’amenuisement des ressources énergétiques à l’échelle mondiale, le Bangladesh va faire l’objet d’une forte compétition internationale. Le principal défi à relever pour ce pays sera alors de réussir à protéger ses ressources gazières, tout en les utilisant comme nouvelle source de développement économique. En définitive, en dépit d’incroyables avancées économiques, le Bangladesh reste relativement peu intégré à l’économie mondiale. Toutefois, cette faible participation à la mondialisation ne présente pas que des inconvénients, puisque le pays est, notamment, épargné par la crise économique mondiale qui sévit depuis 2008. Une  «  success  story  »  du  développement  ?   Les progrès économiques et sociaux de ces dernières décennies amènent la Banque mondiale à parler d’une success story du développement. Selon les Nations unies, la majorité des Objectifs du millénaire pour le développement seront atteints en 2015 : 98 p. 100 des enfants ont accès à l’école primaire depuis 2001 et les inégalités d’accès entre filles et garçons, tant au niveau du primaire que du secondaire, ont disparu. Le développement économique et social du pays repose en partie sur la diffusion massive du microcrédit, depuis la création, en 1976, de la Grameen Bank par l’économiste bangladais Muhammad Yunus. Surnommé le « banquier des pauvres », il s’est vu décerner le prix Nobel de la paix en 2006 pour son combat contre la pauvreté. Destinée à ouvrir aux plus pauvres, et en particulier aux femmes (elles représentent 96 p. 100 des emprunteurs), l’accès au crédit sous la forme de micro-prêts, l’initiative connaît un succès immédiat : alors que la Grameen Bank comptait près de 2,5 millions d’emprunteurs à la fin des années 1990, ce chiffre atteint 8 millions en 2010. 9

La contribution significative de la Grameen Bank au développement du Bangladesh témoigne également de la place qu’occupe la société civile dans ce pays qui compte 22 000 organisations non gouvernementales (O.N.G.). La lente construction de l’État après l’indépendance, ainsi que l’arrivée massive de l’aide étrangère favorisent en effet l’émergence d’O.N.G. nationales, à l’image de la Bangladesh Rural Advancement Committee (B.R.A.C.). Créé en 1972, à la fin de la guerre d’indépendance, la B.R.A.C. est aujourd’hui la plus grande O.N.G. du monde, et est présente en Afrique et en Asie. Au Bangladesh, elle contribue à l’instruction de 1,1 million d’enfants par an, répartis dans 38 000 écoles, et elle emploie 120 000 personnes dans les villages et les bidonvilles afin de lutter, notamment, contre la mortalité infantile. Les diverses activités de la B.R.A.C. génèrent 3 p. 100 du P.N.B. et permettent à l’organisation de s’autofinancer à hauteur de 70 p. 100. Le succès des O.N.G. dans le pays amène certains analystes à parler de l’existence d’un « État parallèle », voire d’un « État franchisé », avec des O.N.G. offrant des services habituellement fournis par l’État, notamment en matière d’accès aux soins et à l’éducation. Toutefois, des critiques s’élèvent contre leur influence, considérant qu’elles contribuent à – autant qu’elles reflètent – la faiblesse des institutions politiques. Par ailleurs, il ne faut pas réduire le dynamisme de la société civile à la seule action des O.N.G. De nombreux think tanks, des organisations religieuses ou des mouvements populaires occupent une place croissante dans le débat public. Ces derniers ont notamment permis des avancées démocratiques notoires, à l’instar du Gono Andolon (Mouvement du peuple) qui favorisa le renversement du régime militaire du général Mohammed Ershad en décembre 1990. Toutefois, les progrès effectués en matière de développement n’auraient pas pu être réalisés sans l’arrivée massive de l’aide internationale après l’indépendance. À la fin des années 1980, elle représentait trois cinquièmes du budget total du pays. Cette forte dépendance s’accompagne d’une très grande influence politique de la part des bailleurs de fonds. Ces derniers sont souvent accusés d’affaiblir les jeunes institutions et les élites politiques en les mettant ainsi sous tutelle.

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Malgré sa réputation de pays tributaire de l’aide internationale, le Bangladesh est parvenu, contre toute attente, à réduire sa dépendance, grâce à l’essor de l’industrie du textile et à l’augmentation des remises d’argent. Ainsi, alors que l’aide internationale représentait près de 8 p. 100 du P.I.B. en 1990, elle n’en constituait plus que de 2 p. 100 au début des années 2000. Finalement, l’histoire du développement du Bangladesh révèle de nombreux paradoxes et contradictions, car, en dépit d’importants progrès économiques et d’une réduction significative de l’aide internationale, la balance commerciale demeure encore extrêmement déficitaire et l’indice de développement humain (I.D.H.) reste un des plus faibles au monde. Par ailleurs, la pression démographique, les problèmes de gouvernance, le manque d’infrastructures et la vulnérabilité aux aléas climatiques demeurent des obstacles récurrents à un développement économique consolidé et à une sortie durable de la pauvreté.

Histoire  du  Bengale  oriental  (1526-­‐1971)     La  colonisation  britannique   Le Bengale fut conquis par les musulmans au XIIe siècle, et dominé par le sultanat de Delhi jusqu’à la bataille de Pānīpat en 1526, qui marque le début de l’Empire moghol. C’est une période de prospérité et de développement pour la région, qui voit progressivement s’accroître l’influence de la Compagnie anglaise des Indes orientales, créée en 1600. Simple compagnie commerciale, celle-ci se transforme rapidement en une vaste organisation politico-administrative et militaire chargée de défendre les intérêts des Britanniques en Inde. La bataille de Plassey, en 1757, qui voit la défaite de l’armée moghole, ouvre véritablement la voie à la domination britannique. S’octroyant rapidement le monopole du commerce (épices, soie, coton, jute, thé), et celui du versement de l’impôt, la Compagnie exploite massivement les ressources du Bengale. Inquiet de la puissance croissante de la Compagnie, le Parlement britannique adopte, en 1784, le Pitt’s India Act, qui autorise cette dernière à garder le contrôle des activités commerciales dans la région, mais la prive de tout pouvoir politique. Afin de mieux asseoir leur pouvoir colonial, les Britanniques jouent également des tensions existant entre les communautés hindouistes et musulmanes. À cet effet, ils tentent, en 1905, de partager le Bengale en deux entités 11

administratives distinctes, projet qu’ils abandonneront en 1911 sous la pression des élites hindouistes. Cependant, en se servant d’intermédiaires essentiellement hindouistes pour exercer leur contrôle, les Britanniques attisent la colère des paysans bengalis musulmans, appauvris et écartés de la vie politique. Cette situation encourage la progressive réaffirmation identitaire des musulmans, qui se matérialise par la création, en 1906, de la Ligue musulmane (All India Muslim League), destinée à défendre les intérêts des Indiens musulmans face aux élites hindouistes représentées par le parti du Congrès (Indian National Congress, créé en 1885). Alors que l’indépendance de l’Inde britannique semble inévitable à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Ligue musulmane joue un rôle clé dans la diffusion de la « théorie des deux nations » promouvant un État spécifique pour les Indiens musulmans. Ainsi, en 1947, deux États voient le jour : l’Inde et le Pakistan. Le Bengale est également scindé en deux : alors que le Bengale occidental reste indien, le Bengale oriental (qui devient le Pakistan oriental), composé majoritairement de paysans bengalis musulmans, rejoint le dominion du Pakistan. La partition de 1947 s’accompagne de déplacements massifs de population de part et d’autre des nouvelles frontières : 6 millions d’Indiens musulmans viennent s’installer au Pakistan, tandis que 4 millions d’hindous vont s’installer en Inde.

La  domination  pakistanaise     La formation du Pakistan est unique et elle explique en grande partie son échec. Construit sur le principe d’un nationalisme religieux, le nouveau pays comprend cependant deux parties distinctes géographiquement (le Pakistan oriental et le Pakistan occidental), séparées par 1 700 kilomètres de territoire indien. Par ailleurs, le nouvel État n’hérite d’aucune structure politico-administrative de l’époque coloniale, et le Pakistan oriental, qui a été davantage exploité et privé d’infrastructures sous la colonisation britannique, tombe rapidement sous la domination du Pakistan occidental. D’emblée, le Pakistan souffre d’une forte instabilité politique et d’importantes difficultés économiques. Tandis que les élites du Pakistan occidental monopolisent les postes clés dans les domaines politique, administratif, judiciaire et bancaire, le Pakistan oriental s’enfonce dans le sous-développement. Le mécontentement grandissant des Pakistanais bengalis se cristallise surtout autour de l’enjeu linguistique. Le gouvernement de Karachi (Pakistan occidental) proclame, 12

dès l’indépendance, l’urdu (ou ourdou) langue officielle unique du Pakistan, provoquant à partir de 1952 de vives protestations au Pakistan oriental, qui regroupe la population bengalophone numériquement majoritaire au Pakistan (57 p. 100 de la population totale). Par ailleurs, la Ligue musulmane étant alors considérée comme la représentante des intérêts du Pakistan occidental, la Ligue Awami voit le jour en 1949 et devient rapidement le principal parti politique d’opposition pakistanais. Réclamant, dans un premier temps, l’autonomie du Pakistan oriental, la Ligue Awami se radicalise sous l’impulsion d’un de ses fondateurs, Mujibur Rahman, qui réclame la scission complète des deux parties du Pakistan. Finalement, alors que la population du Pakistan oriental, touchée en novembre 1970 par un cyclone dévastateur, accuse le gouvernement de ne pas apporter une aide rapide et suffisante, son ressentiment augmente encore lorsque, à l’issue des élections législatives de décembre 1970, la Ligue Awami victorieuse est empêchée d’accéder au pouvoir. En effet, rejetant le résultat du vote, le général Yahya Khan, alors au pouvoir, dissout l’Assemblée nationale, ce qui déclenche des vagues de violence politique dans l’ensemble du pays. Incapable de trouver un accord avec la Ligue Awami, le gouvernement décide d’envoyer l’armée au Pakistan oriental.

Le  Bangladesh  depuis  l’indépendance   La  formation  du  nouvel  État  (1971-­‐1975)   Tandis que Mujibur Rahman est emprisonné au Pakistan pour trahison à partir de mars 1971, le jeune officier Ziaur Rahman (plus connu sous le nom de Zia) proclame officiellement l’indépendance du Bangladesh le 27 mars 1971. Icône du mouvement indépendantiste et chef de la Ligue Awami, le cheikh Mujibur Rahman est désigné président du nouvel État. Une sanglante guerre civile éclate alors entre Pakistanais et Bangladais, provoquant le départ de 10 millions de personnes en Inde, le viol de 200 000 femmes et la mort de 1 million de Bangladais. En décembre 1971, les troupes pakistanaises sont finalement défaites par la guérilla du Bengale oriental, aidée par l’intervention de l’armée indienne. Le Pakistan ne reconnaît le Bangladesh qu’en 1974, et les relations diplomatiques entre les deux États sont marquées par ce douloureux passé commun, bien qu’une nette amélioration ait été observée 13

dans les années 2010. Le Bangladesh réclame cependant toujours la reconnaissance du génocide orchestré par l’armée pakistanaise lors de la guerre d’indépendance. Dès la fin de la guerre, Mujibur Rahman (appelé Mujib) est libéré. Il renonce au titre de président de la République populaire du Bangladesh pour prendre le poste de Premier ministre dès janvier 1972. Mais Mujib, qui doit relever de nombreux défis, fait rapidement preuve d’un manque d’autorité politique pourtant nécessaire à la construction d’une véritable unité nationale. Ayant rassemblé un large soutien populaire lors de la lutte pour l’indépendance, il se révèle incapable, une fois au gouvernement, de concilier les intérêts divergents des différentes classes sociales. Le gouvernement se retranche alors derrière ses intérêts partisans, lesquels sont davantage ceux d’une classe moyenne provinciale, éduquée, occidentalisée et laïque, qui forme la base du soutien électoral de la Ligue Awami au pouvoir. Une nouvelle Constitution est adoptée en 1972, transformant le pays en une démocratie parlementaire fondée sur quatre principes essentiels : le nationalisme, la démocratie, le socialisme et le sécularisme. En pleine guerre froide, Mujib prône également une politique de non-alignement dans les affaires étrangères, tout en défendant sur le plan national une vision socialiste. De vastes plans de nationalisation sont lancés, empêchant l’émergence d’une classe capitaliste, et les investissements étrangers sont fortement limités. Le gouvernement est accusé de saper la croissance économique du pays. En 1974, l’économie nationale s’effondre, tandis que le pays subit de fortes inondations qui provoquent une famine causant la mort de plus de 1,5 million de personnes. De plus en plus impopulaire, Mujib répond par un autoritarisme croissant : en décrétant l’état d’urgence, il met fin aux promesses d’un État démocratique respectueux des libertés. En août 1975, à la suite d’un coup d’État, Mujib et une partie de sa famille sont assassinés.

Les  espoirs  avortés  du  gouvernement  de  Zia  (1976-­‐ 1981)     La mort de Mujib provoque un chaos politique, ponctué de coups d’État, jusqu’à l’arrivée au pouvoir, en 1976, du général Ziaur Rahman, second héros de l’indépendance. Le nouveau gouvernement, encouragé par la Banque mondiale, engage le pays sur la voie du capitalisme libéral, en 14

privatisant les entreprises et en levant les restrictions aux investissements extérieurs. Ce revirement économique relance la croissance, favorisée par l’arrivée massive de l’aide internationale. Soutenu par l’armée, le président Zia prend cependant conscience de la nécessité d’une ouverture démocratique pour mieux asseoir sa légitimité politique. Il réinstaure un régime parlementaire en 1978 afin de permettre la tenue d’élections libres et pluralistes. Il crée son propre parti politique, le Parti nationaliste du Bangladesh (Bangladesh Nationalist Party, B.N.P.), qui remporte largement les deuxièmes élections législatives du pays organisées en février 1979. Entre-temps, le président Zia réaffirme l’identité bengalie musulmane en inscrivant l’islam dans la Constitution de 1977, rompant ainsi avec le principe de laïcité défendu par son prédécesseur. De même, en matière de politique étrangère, alors que Mujib s’était rapproché de l’Union soviétique et de l’Inde, Zia renforce les relations diplomatiques et commerciales avec les États-Unis et les pays du Golfe. Le gouvernement de Zia doit également faire face, à partir de 1978, à un conflit diplomatique avec la Birmanie – lequel n’est toujours pas réglé –, autour de la question des Rohingyas. Les persécutions du gouvernement birman contre cette minorité musulmane provoquent un afflux massif de réfugiés au Bangladesh. Le gouvernement bangladais, qui développe alors une stratégie de rapatriement forcé déguisé (en programmant volontairement la dégradation des conditions de vie dans les camps) est alors accusé par la communauté internationale de violations des normes internationales en matière de droit des réfugiés. Toutefois, le président Zia jouit d’une forte popularité, malgré l’autoritarisme dont il fait preuve. Mais, en 1981, l’économie nationale s’effondre à nouveau. Victime de vingt coups d’État depuis qu’il est au pouvoir, il est finalement assassiné par des dissidents de l’armée en mai 1981.

La  dictature  militaire  du  général  Ershad  (1982-­‐1990)   Après un bref intermède, un nouveau coup d’État, en mars 1982, installe au pouvoir le général Mohammed Ershad, qui réinstaure la loi martiale. S’appuyant sur l’armée à laquelle il accorde des avantages, il poursuit les privatisations menées par son prédécesseur afin de relancer l’économie. Mais cette dernière est minée par plusieurs catastrophes naturelles 15

(inondations en 1984, cyclone en 1985, dévastatrice en 1988) qui frappent le pays.

mousson

Le général Ershad tente de légitimer son pouvoir en organisant des élections. Il fonde son propre parti, le Jatiya, et remporte les élections de 1986. Il restaure la Constitution qui promeut l’islam en religion d’État. Mais le régime militaire s’essouffle devant la popularité croissante de deux figures de l’opposition : la veuve du général Zia, Khaleda Zia, désormais à la tête du B.N.P., et la fille de Mujib, Hasina Wajed, qui dirige la Ligue Awami, lesquelles deviennent des alternatives démocratiques aux yeux de l’opinion publique. Ainsi, à partir de 1987, se forme un vaste mouvement populaire pacifique, le Gono Andolon (Mouvement du peuple). Sous la pression conjointe de la rue et de la communauté internationale qui menace de suspendre son aide financière, le général Ershad démissionne en décembre 1990.

L’expérience  de  l’alternance  démocratique  (1990-­‐ 2006)   La chute du régime d’Ershad amène à l’organisation d’élections libres et démocratiques en février 1991, qui voient la victoire du B.N.P. Sous l’impulsion du secteur du textile, l’économie connaît un nouveau rebond. Mais le gouvernement de Khaleda Zia, nommée Premier ministre, est rapidement confronté à un durcissement de l’opposition face à son incurie. En effet, alors que le pays est dévasté en 1991 par un cyclone qui fait plus de 150 000 morts, le gouvernement tarde à organiser efficacement les secours. Par ailleurs, le verdict de la Cour suprême, en 1994, qui rétablit la citoyenneté de Ghulam Azam, chef du parti islamique fondamentaliste Jamaat-e-Islami soupçonné d’avoir commis des crimes de guerre lors du mouvement d’indépendance, accroît le mécontentement de l’opinion publique. À la suite de nombreuses manifestations et grèves générales organisées dans le pays, de nouvelles élections se tiennent en juin 1996. Elles voient la victoire de la Ligue Awami. Bien que marqué par une forte instabilité politique, le gouvernement d’Hasina Wajed permet cependant deux avancées importantes. D’abord, en 1996, l’Inde et le Bangladesh signent un traité sur le partage des eaux du Gange, destiné à mettre fin à une longue période de tensions politiques nourries par la décision indienne de construire, de 1961 à 1975, le barrage de Farakka, qui 16

provoque d’importants problèmes environnementaux au Bangladesh (salinisation du fleuve, stress hydrique, désertification). Ensuite, en 1997, le gouvernement parvient à signer un accord de paix avec les populations autochtones des Chittagong Hill Tracts – bouddhistes ou animistes – après vingt ans d’insurrections contre les Bengalis musulmans. Ces derniers étaient venus s’installer dans la région à la fin des années 1950, poussés par la pression démographique et encouragés à l’époque par les autorités pakistanaises puis par les gouvernements successifs du Bangladesh nouvellement indépendant. Malgré ces progrès, le bilan du gouvernement reste mitigé : l’endettement va croissant et à la corruption est généralisée. Lors des élections de 2001, le B.N.P. profite de l’impopularité du gouvernement sortant pour remporter une large majorité en s’alliant avec le Jamaat-e-Islami. Ce deuxième mandat du B.N.P. est marqué par la confrontation permanente entre Hasina Wajed et Khaleda Zia, ce qui provoque un climat politique délétère. Les deux rivales semblent incapables d’accepter les règles du jeu démocratique et paralysent la vie politique et économique du pays en multipliant les hartal (grèves générales). Si le second gouvernement de Khaleda Zia (2001-2005) parvient à maintenir une forte croissance économique, il est également un des plus corrompus de l’histoire du pays. En outre, la création, en 2004, d’une unité d’élite paramilitaire, le Rapid Action Battalion, chargée de lutter contre le crime et le terrorisme, est critiquée à plusieurs reprises par des O.N.G. pour des violations graves des droits de l’homme. Mais le début des années 2000 est également marqué par la montée de l’intégrisme islamiste. De multiples attentats visent des journalistes, des étrangers, des membres d’O.N.G. ou des hommes politiques. En 2005, près de quatre cents bombes explosent simultanément dans le pays. Cette série d’attentats est revendiquée par un groupe islamiste interdit, le Jamaat-ul Moudjahidin, qui réclame l’instauration de la loi coranique au Bangladesh.

Le  gouvernement  intérimaire  (2007-­‐2008)   À la fin de l’année 2006, à l’approche des élections législatives, de violents affrontements entre les partisans de la majorité sortante et ceux du principal parti d’opposition conduisent le président Iajuddin Ahmed à déclarer l’état d’urgence et à reporter le scrutin de janvier 2007. Il met en place un gouvernement intérimaire qui dispose du soutien de 17

l’armée. Menant une lutte active contre la corruption et tentant de rétablir l’ordre public en mettant fin aux actes de violence répétés, le gouvernement intérimaire suscite, à ses débuts, de nouveaux espoirs d’accalmie politique. Cependant, la mauvaise gestion gouvernementale des catastrophes naturelles qui frappent de nouveau le pays en 2007 – des inondations dévastatrices en août et un cyclone meurtrier en novembre – aggrave le mécontentement populaire. Loin de permettre le rétablissement attendu des libertés publiques, le gouvernement intérimaire choisit rapidement de durcir le ton face aux manifestations étudiantes qui se multiplient à la fin de l’année 2007 pour protester contre les mesures d’urgence qui portent atteinte aux droits de l’homme. La population reproche, en outre, à l’armée d’outrepasser ses fonctions en servant de bras droit au gouvernement intérimaire et d’intervenir dans la conduite des affaires civiles. Sous la pression populaire et internationale, le gouvernement intérimaire finit par lever l’état d’urgence en décembre 2008 afin de permettre aux partis politiques de mener leur campagne électorale en vue des élections prévues à la fin de l’année 2008. Sur le plan international, la période du gouvernement intérimaire est également marquée par des tensions diplomatiques entre l’Inde et le Bangladesh, à la suite de la décision du gouvernement de New Delhi de construire, à partir de 2007, un mur de séparation clôturant sur 3 200 kilomètres leur frontière commune. L’Inde justifie la construction de ce mur comme moyen de défense nationale contre l’infiltration de terroristes islamistes, le marché noir et les vagues d’immigrants illégaux en provenance du Bangladesh.

Le  second  gouvernement  d’Hasina  Wajed   Les élections de décembre 2008 voient la victoire de la Ligue Awami de l’ancien Premier ministre Hasina Wajed, alliée avec le Jatiya, parti de l’ancien président Ershad. Toutefois, dès février 2009, une violente mutinerie éclate à Dacca, dans les quartiers généraux des gardes-frontières (Bangladesh Rifles), provoquant la mort de cinquante-sept officiers de l’armée et d’une dizaine de civils. Selon certains, les conditions de travail et la rémunération des gardesfrontières seraient à l’origine du soulèvement, tandis que pour d’autres il s’agirait d’un complot visant à renverser le nouveau gouvernement.

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Par ailleurs, de violentes manifestations des ouvriers du textile, qui réclament une amélioration de leurs conditions de travail et des augmentations de salaires, éclatent en mai 2010. En juillet de la même année, ils obtiennent une hausse de 80 p. 100 de leur salaire minimum (qui passe de 17 euros à 30 euros par mois), qui reste néanmoins un des plus faibles au monde. De plus, la stabilité politique du pays est menacée par la mise en place, en 2010, d’un tribunal chargé de juger les dirigeants du Jamaat-e-Islami, qui ont soutenu l’armée pakistanaise pendant la guerre d’indépendance de 1971, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. En février 2013, les premières condamnations à la réclusion à perpétuité provoquent la colère de ceux qui craignent une libération des accusés en cas de victoire du B.N.P., allié politique du parti islamiste Jamaat-e-Islami, aux élections de 2014 et qui réclament la peine de mort. Des affrontements meurtriers ont lieu entre des militants islamistes (rassemblés au sein d’un mouvement radical, le Hefajat-e-Islam) et les forces de police, les premiers réclamant l’instauration d’une loi contre le blasphème afin de condamner à la pendaison des blogueurs qualifiés « d’athéistes ». Ces altercations se traduisent par des hartal successifs et révèlent l’impuissance du gouvernement à rétablir l’ordre. Enfin, en termes de politique extérieure, le retour au pouvoir de la Ligue Awami, réputée pro-indienne, s’accompagne d’un apaisement des relations avec le puissant voisin indien : désormais, les deux pays se considèrent davantage comme partenaires que rivaux, malgré des conflits durables autour de la gestion du partage des fleuves internationaux. De même, l’émergence des B.R.I.C.S. (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) depuis le début des années 2000 permet un rapprochement avec l’autre grande puissance économique de la région, la Chine, qui multiplie les partenariats commerciaux et militaires avec le Bangladesh. D’une manière générale, le Bangladesh est animé par un souci constant d’améliorer son image à l’étranger. Il met ainsi l’accent sur la diplomatie multinationale, notamment au sein des Nations unies. Il avait, dès 1999, intégré le Conseil de sécurité comme membre non permanent. Le Bangladesh est, par ailleurs, en 2013, un des premiers pays qui participent aux opérations de maintien de la paix de l’O.N.U., avec près de 9 000 hommes répartis dans dix pays. Défenseur des pays les plus pauvres de la planète, le Bangladesh s’est également imposé, depuis le début des 19

années 2000, comme un des principaux porte-parole des pays les plus vulnérables au changement climatique. Au niveau régional, le Bangladesh a pris une part active dans la création de l’Association de l’Asie du Sud pour la coopération régionale, perçue comme un contrepoids efficace à la domination indienne dans la région. Finalement, le Bangladesh, souvent considéré à la suite des attentats du 11 septembre 2001 comme un bastion de terroristes islamistes potentiels, alimenté par la pauvreté et l’instabilité politique récurrente, a su rester un pays musulman modéré. En dépit des traumatismes de guerre encore vivaces, il est à espérer que le Bangladesh saura laisser derrière lui les démons de son passé, afin de se tourner vers un avenir plus radieux, bien qu’encore jonché d’obstacles. Alice BAILLAT

Bibliographie Bangladesh Climate Change Strategy and Action Plan 2009, Ministry of Environment and Forests, Dhaka, sept. 2009 BaNQUE MONDIALE, « Données Bangladesh » (http://donnees.banquemondiale.org/pays/bangladesh) F. DOYHARBACAL et al., Rapport de mission en République populaire du Bangladesh, O.F.P.R.A., Paris, avr. 2011 M. HENRY, « Retour au Bangladesh. La honte », in Libération, 25-26 févr. 2013 (http://journal.liberation.fr/publication/liberation/1247/?xtor=rs s-450#!/0_0) S. KHAN, B. PIVEN & J. SWINARTON, « Infographic : Turmoil over Bangladesh tribunal », in Al Jazeera, 9 mai 2013 (http://www.aljazeera.com/indepth/interactive/2013/03/20133 2610941998639.html) D. LEWIS, Bangladesh : Politics, Economy and Civil Society, Cambridge Univ. Press, New York, 2011 A. PONCELET, « Bangladesh, un pays fait de catastrophes », in Hommes et migrations, no 1284, 2010 (http://hommesmigrations.revues.org/1235)

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P.N.U.D., « Bangladesh : réduction des risques de catastrophe au titre du développement » (http://www.undp.org/content/undp/fr/home/ourwork/crisispre ventionandrecovery/projects_initiatives/Bangladesh-drrcasestudy-transformational-change/) M. RAHMAN et al., The Chronically Poor in Rural Bangladesh : Livelihoods Constraints and Capabilities, Routledge, Londres, 2008 The Six Five Year Plan 2011-2015, Planning Commission, Dhaka, 2011 W. VAN SCHENDEL, A History of Bangladesh, Cambridge Univ. Press, 2009.

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