Gravures rupestres des falaises de Banfora au Burkina Faso

May 24, 2017 | Autor: Baptiste Legros | Categoria: Burkina Faso, Archéologie, gravures rupestres en Afrique
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Gravures rupestres des falaises de Banfora au Burkina Faso.

Situées au sud-ouest du Burkina Faso, les falaises de Banfora sont un ensemble gréseux provenant de la même formation géologique que les falaises de Bandiagara, habitées par les Dogons. Cette formation géologique s'étend également plus au sud jusqu'au mont Ténacourou, à la frontière de la Côte d'Ivoire. Les observations ci-dessous concernent un territoire d'une soixantaine de kilomètres de long entre Bobo-Dioulasso et Banfora. La route nationale 7 longe le haut des falaises pour relier ces deux villes, le bas des falaises reste très enclavé. Bobo-Dioulasso est la seconde ville du Burkina Faso. Elle compte quelques 600 000 habitants. De part et d'autre des falaises se trouvent une vingtaine de villages pour une population de près de trente milles âmes. Cinq ethnies se partagent le territoire : les Bobos, les Thiefos, les Toussians apparentés au Bambara du Mali, les Diola viennent de Kong en Côte d'Ivoire et sont arrivés au temps des colonisations, et enfin les Peuls, originellement éleveurs nomades présents dans toute l'Afrique de l'Ouest. Le relief varie de trente à cent mètres de hauteur et offre des paysages parfois abruptes et lisses, parfois chaotiques et très érodés. Quelques amas granitiques plus ou moins imposants sont les résidus de l'immense chaîne birimienne qui s'étendait à l'époque de la Pangée, de l'actuel Brésil au Bénin. Des dizaines de sources émergent de la roche. Elles sont autant de niches écologiques remarquables où résident des espèces rares, endogènes et menacées. Je ne citerai ici que le poisson nommé Rolanfia Banforasis qui fut découvert dans les année 1980, le Pentadesma Byrtyacé, une essence d'arbre et le crocodile faux gavial. Tout les trois, ne sont recensés nulle part ailleurs au Burkina Faso. Vous l'aurez compris... on n'est loin du désert... les pression anthropiques y sont très fortes et augmenteront encore inexorablement au rythme de l'urbanisation et de la poussée démographique. Le travail militant que nous accomplissons depuis dix ans a pour objet la sauvegarde du patrimoine historique, culturel et naturel des falaises. Cela passe par la reconnaissance officielle de ce bijou national (ce qui n'est pas évident mais en bonne voie), par la mobilisation de la communauté scientifique, afin que soient réalisés les inventaires et les études nécessaires et enfin par la valorisation, avec et au bénéfice des populations riveraines, afin d'assurer une gestion viable des espaces protégés.

Etat des lieux des connaissances et recherches antérieures sur les gravures des falaises de Banfora En 1954, suite au premier article de Jean Henninger sur les abris sous roche de Borodougou, les notes africaines du bulletin de l’IFAN de Dakar attiraient l’attention de ses correspondants sur « tout l’intérêt qu’il y aurait à prospecter les grottes et les abris de la falaise de Banfora à ce point de vue ». Le révérend Père Jean Hébert, s’intéressa ensuite aux vestiges de la région de Toussiana. Il décrivit plusieurs sites rupestres et compléta son inventaire par des indications fournies par Jean Laflotte et Paul Bellin. De tous les sites décrits par ce dernier, seul celui de Dokéti nous est connu de façon certaine. Ainsi et depuis 60 ans, très peu de personnes se sont intéressées à ces vestiges, malgré leur intérêt archéologique exceptionnel. Mr Jean-Baptiste Kiétégha, archéologue émérite burkinabé, réafirme une fois de plus, dans son livre sur la métallurgie lourde du Burkina Faso, l’importance de poursuivre les recherches… En 2009, nous avons réalisé une étude pour le PAGREN. Nous y avons entre autre recensé les sites historiques et culturels des falaises, donnant pour la première fois une vue d'ensemble des vestiges historiques et archéologiques laissés par des civilisations aujourd'hui oubliées. Hormis les gravures rupestres, des greniers et habitats troglodytes sont encore visibles. On peut voir également la grotte où se cacha Samorie Touré, empereur de Guinée avant de conquérir la ville de Bobo-Dioulasso à la fin du XIXème siècle. Il sera tué peu de temps après par les Français. La cache d'arme de Thiefo Amoro, notre Vercingétorix local, s'y trouve également mais le lieu reste secret. De nombreux sites coutumiers sont toujours présents et fréquentés. De tous temps, les falaises ont constitué un refuge où les populations se cachaient quand elles étaient menacées. Des siècles, sinon des millénaires d'histoire se côtoient ici dans les recoins de ce gros rocher. Très souvent les abris qui furent habités ont en commun, de pouvoir observer sans être vu, d'avoir au moins deux «sorties de secours» et d'être à proximité d'un point d'eau (même si aujourd'hui celui-ci peut être tari). Sur les 60 kilomètres explorés, 20 kilomètres séparent les gravures découvertes les plus opposées.

Description des pétroglyphes Dans les falaises, cohabitent 5 familles de pétroglyphes se distinguant autant par le style que par le thème. Si pour chacun d'eux on peut identifier un épicentre, on trouvera souvent au milieu d'un ensemble quelques traces appartenant à une famille voisine. Les cercles rayonnants Ces gravures sont sûrement les plus anciennes. Elles sont à la fois les plus profondes, les plus érodées et les plus nombreuses. Elles sont composées de plusieurs cupules agencées en cercle. La majorité d'entre elles ont en leur centre un cupule plus large, souvent doublée d'un cercle continu et à partir duquel part une «queue» sortant largement de l'ensemble de points. D'autres traits perpendiculaires au cercle et équidistants les uns des autres complètent les œuvres en rayonnant autour. Parfois le même type de trait figure de part et d'autre des queues comme pour remplir l'espace. Sur des terrasses de grès, à quelques centaines de mètres du haut des falaises, le site Dokiti est le plus important site rupestre de la zone. Sur près de trois kilomètres, les cercles rayonnants y sont représentés des dizaines voire des centaines de fois, certaines sont bien trop érodées pour être lisibles. Là encore, on pourra distinguer plusieurs ensembles géographiquement bien identifiés où ce thème sera décliné avec une spécificité supplémentaire montrant l'appartenance à un sousensemble au sein de la grande famille des cercles rayonnants. On trouvera par exemple des ensemble où « la queue » a, soit disparue, soit ne relie plus le centre mais s'arrête à l'extrémité des cercles. C’est sur ces œuvres que l'on trouvera des croissants de lune associés à des cupules offrant à l'œuvre une connotation à dominante astrale. Dans la presque totalité des cas, les croissants de lune sont orientés de façon à présenter leur dos vers le centre du cercle.

Au bas des falaises, dans un rayon de trois kilomètres, trois autres sites partagent les clés de détermination de cette famille. L'un est situé à mi-hauteur de la falaise, entre le mur vertical et le cahot gréseux, sur une plateforme horizontale d'une quinzaine de mètres carrés. Ce site à mi-hauteur offre une vue splendide sur la vallée tout en étant protégé du soleil, une grande partie de la journée, grâce à l'imposante falaise. Des trois ensembles cités ci-dessus, celui-ci a gardé de ses cousins du haut des falaises, le cercle central, la queue qui s'en échappe, ainsi que les traits rayonnants autour du cercle de point. Sur le même site, des traits continus vagabondent laissant une trace semblable à celle des vers dans le bois. Cette ligne continue pourrait être un cousin lointain des oscillations visibles au côté du félin à tête de spirale décrit plus loin. On trouve également deux creusés ovales ayant certainement servi de meule, ainsi que de profondes cupules idéales pour y piler tout sorte de produits. La surface du grès est lisse et brillante comme polie par le passage répété de nombreuses personnes. Quelques centaines de mètres plus loin, un autre site partage avec celui-ci la présence de meules et de mortiers. Il est aussi situé sur une terrasse à mi-hauteur de falaise, adjacent au mur vertical, qui forme un angle de façon à être abrité du soleil. Il offre également une vue imprenable sur la vallée. Toutefois, sur ce dernier site, nulle trace de cercle rayonnant, mais de nombreuses cupules et des représentations de lézard, thème rupestre que nous aborderons plus bas. Les deux autres sites rupestres de la famille des cercles rayonnants, identifiés au Bas-Falaise gardent la forme circulaire résultante d'un amas de points. Les queues y sont présentes mais cette fois-ci, elles ne partent plus du centre, mais relient plusieurs cercles entre eux, comme pour représenter une carte avec ses villages et ses routes. Le second site est situé dans une caverne surplombant de deux mètres le Bas-falaise. Quelques traits d'une quinzaine de centimètres positionnés les uns à coté des autres et dont certains se croisent font écho à une autre famille de gravure. Non loin de là, des pierres agencées en cercle seraient les vestiges d'anciennes habitations. La présence de nombreuses brisures de poteries font de ce site un des rares lieux où il serait encore pertinent de procéder à une fouille en bonne et due forme. Le troisième et dernier est le site le plus au sud de la zone explorée, il se distingue des autres car il est sculpté à la verticale, sur un gros bloc de grès d'environ 3 mètres de haut sur 4 de large. À 200 mètres de là, de l'autre côté du ruisseau se trouve une petite caverne recouverte de cupules agencées en ligne. Au milieu de cet étroit refuge un gros bloc de grès rempli l'espace. Il pourrait s’agir d'un ancien autel coutumier. Les cupules, agencées en ligne ou en nuage, sont présentes sur tous les sites recensés, quelque soit la famille de pétroglyphe qui y domine.

Les anthropomorphes :

Ces pétroglyphes figuratifs sont également situés sur le site de Dokiti. Comme les cercles rayonnants, ils sont gravés par percussion mais l'empreinte est beaucoup plus superficielle. Les œuvres sont de petites tailles alors que les cercles rayonnants appartiennent parfois à des compositions cohérentes de 20 ou 30 mètres carrés. Des cercles rayonnants sont également présents sur les sites où dominent les représentations figuratives mais ceux-ci sont gravés aussi superficiellement que leurs voisins figuratifs ou du moins, la maîtrise de la technique n’égale en rien ceux de la première famille. Les thèmes représentés sont composés d'ovales gravés d'un trait continu et séparé en deux par un autre trait dans le sens de la longueur. D'autres traits horizontaux ou obliques sont présents de part et d'autre du trait central à l'image des rainures d'une feuille d'arbre. Cette forme se décline, sur les pétroglyphes les plus affinés, d'un léger rétrécissement sur la partie basse de l'ovale, des courbes gravées à l'extérieur telles des oreilles, font évoluer la forme végétale vers un visage. Sur certain d'entre eux nous observons trois ou quatre «oreilles» ce qui trouble l'interprétation, faisant par exemple pour l'un d'eux, plus penser à une tortue. D'autres traits cohabitent également sur le même site. Ils sont généralement composés d'un trait droit pour les deux tiers et se terminent par une demilune. Un ou deux petits traits perpendiculaires au premier viennent traverser ce dernier à quelques centimètres des extrémités du dessin. Cette forme évolue ici vers d'autres représentations anthropomorphes. La demi-lune peut alors être interprétée comme le ventre ou les fesses des personnages et le trait perpendiculaire comme la marque d'un chapeau. On remarque que ces personnages sont composés d'un trait continu d'un pied à l'autre en passant par la tête. Les jambes sont représentées par le creux du trait alors que le corps est évoqué par le plein. Il y a donc une certaine confusion entre l'intérieur et l'extérieur de la figurine, contrairement aux représentations de personnages «fil de fer». Certains d'entre eux tiennent en leurs mains une lance. Leurs nombres n'excèdent pas une dizaine de représentations. Deux d'entre eux ont attiré notre attention, nous les avons appelés «le chaînon manquant» car il représente un personnage avec un cercle rayonnant en guise de tête, soulignant indiscutablement le lien entre ces deux familles. Quelques papillons gravés apportent une touche poétique à l'œuvre et renforce la perception florale des cercles rayonnants. Deux représentations de pieds ont également été identifiées.

Les incisions :

L'épicentre de cette famille se trouve sur de gros blocs de grès détachés de la falaise en un lieu où celle-ci observe un léger renfoncement. La végétation y est encore luxuriante. Un cours d'eau, à sec une grande partie de l'année, traverse ce paysage. Il est fort probable que celui-ci fut pérenne il n'y a que quelques dizaines d'années. De très nombreuses lignes pouvant atteindre les deux mètres de long y sont gravées. Les unes à côté des autres, elles sont espacées entre elles d'une dizaine de centimètres. Quelques lignes, franchement obliques croisent une partie des lignes parallèles. L'orientation des lignes change d'un bloc rocheux à l'autre. En remontant de quelques mètres vers la falaise, une surface plane exempte de cailloux et étrangement accueillante, semble avoir été nettoyée. Un étroit passage dans le cahot gréseux débouche sur une caverne où quelques cupules sont visibles. D'autres lignes ont été récemment recensées à 2 kilomètres de là, tout près d'un sentier reliant le bas au haut des falaises, vers le site de Dokiti. Pour l'anecdote, c' est un sentier sur lequel nous sommes passés des dizaines de fois sans jamais les remarquer. D'autres découvertes nous attendent encore sûrement dans ces falaises.

Le félin à tête de spirale

Cette gravure isolée ne ressemble à aucune autre. Située à 300 mètres du site rupestre le plus proche, elle est sculptée à la verticale sur un bloc de grès d'environ 1 mètre cinquante de large sur 1 mètre de hauteur. Elle représente un félin couché sur ses pattes. Si l'on remarque rapidement sa tête en forme de spirale, il nous aura fallu du temps pour comprendre que l'ensemble du dessin était gravé d'un seul trait. Le thème du félin est unique dans les falaises, la spirale l'est également. Juste à côté, sur un autre bloc rocheux est visible des oscillations croissantes réalisées également d'un trait continu. Bakarie, habitant du hameau le plus proche et fervent défenseur de ce patrimoine nous a informé que sur ce deuxième bloc, d'autres dessins figurent sur la face cachée du rocher. Celui-ci aurait vacillé lors d'un éboulement. D'autres gravures sont visibles sur un étroit palier à deux mètres au-dessus du félin. On y distingue des formes arrondies sur le sol et une forme de papillon sur la face verticale mais celui-ci est très différent de ceux que l'on observe sur le site Dokiti en haut des falaises. Bakarie nous a également informé que des blancs étaient venus dans les années 1980, creuser davantage le félin qui devait sûrement être érodé. Ils ont marqué une date sur la falaise pour témoigner de leur passage. Cette date était visible en 2009, elle s'est effacée depuis. Nous n'avons jamais retrouvé leur identité, ni l'organisme pour lequel ils œuvraient. En 2013, alors que je rendais visite à Bakarie et au félin à tête de spirale, je découvris que le rocher sur lequel est gravé l'animal avait subi une érosion d'un tiers de sa surface. En effet le rocher ici est très friable dès lors que la croûte de surface a été percée. Des cocons d'insectes, sûrement des guêpes, nichaient dans la partie meuble du caillou, accélérant encore un peu plus la dégradation. La gravure n'aurait supporté une saison pluvieuse supplémentaire. Nous avons tenté d'alerter les autorités locales sans succès. Avec Bakarie et le conseiller du village, nous avons construit un muret de ciment et de pierre sur la partie érodée.

Les animaux et les lézards

Dans une caverne à mi-hauteur, juste en dessous du site Dokiti, sur une table légèrement inclinée, d'environ 2 mètres cinquante sur 1 mètre, sont gravés deux lézards. À leur gauche, des traits non identifiables. À leur droite, une série de lignes dessine des vagues qui pourraient représenter des serpents. Juste à côté, sur un rocher d'un mètre sur 50 centimètres de large, sont visibles deux fleurs composées de quelques cupules et d'un trait, ainsi qu'une empreinte de pied gravée d'un trait continu formant un ovale et de 5 cupules en guise d'orteils. De l'autre côté de la grotte une autre pierre présente sur sa face horizontale d'autres serpents. Légèrement en contre bas, au bord du précipice, une terrasse d'environ 8 mètres carrés est couverte de cupules très érodées. Dans cette caverne, quelques traits se font l'écho de la famille rupestre des incisions décrites plus haut.

Un peu plus loin en longeant toujours à mi hauteur le mur abrupte de la falaises, on découvre sur une paroi verticale une dizaine de lézards associés à six bovins filiformes, dessinés de profil avec leur quatre pattes et leurs deux cornes. Sur un bloc rocheux voisin, quelques cupules et un trait vagabond figurent. En avançant encore de quelques mètres, une autre paroi verticale présente quatre autres animaux filiformes à quatre pattes, un lézard et trois têtes de bovin représenté d'un ovale piqueté, coiffé de deux grandes cornes qui semblent se rejoindre. Ces gravures comme celles décrites un peu plus haut sont gravées de manière très superficielle. Enfin le dernier site recensé que nous avons répertorié au sein de cette famille rupestre est le site évoqué au chapitre des cercles rayonnants, puisque à coté de deux lézards et de nombreuses cupules, se trouvent une meule et un mortier. Le lézard est connu chez les Sénoufos et les Bambaras pour être le signe de l'initiation. Ils sont présents sur les lieux, les espaces, les objets réservés aux initiés. Il est évident, au regard de l'emplacement de ces sites difficilement accessibles, qu'il ne s'agissait pas ici de préparer le repas quotidien mais plutôt de concevoir des produits magico-religieux.

Recherche et interprétation Interprétation

Concernant les cercles rayonnants, nous n'avons aucune hypothèse sur le thème représenté. Les suggestions évoquées plus haut ont pour seul but de faciliter leur description. Les enquêtes auprès des populations locales n'ont presque rien donné, excepté qu'ils affirment tous que ces gravures étaient déjà présentes avant l'arrivée de leur peuple sur les lieux. Un témoignage affirme qu'il s'agit de gravures dessinées par les anciens, du bout de leurs doigts dans le but de montrer la puissance de leur pouvoir magique lors de duel avec leurs semblables. D'autres disent qu'elles auraient été dessinées quand le rocher était encore mou comme le sable. Enfin une autre hypothèse locale suggère qu'elles aient été gravées à l'aide d'une pierre tombée du ciel lors des orages et qui serait comparable à la balle d'un fusil. Cette pierre a une forme de burin au bout arrondi, elle me fut dessinée par plusieurs personnes de villages différents sans qu'ils n’aient pu se concerter. Il paraît quasi impossible de dater ces œuvres, elles pourraient avoir plusieurs millénaires ou seulement quelques siècles. C'est donc l'étude des œuvres et leur relation les unes aux autres qui nous apporte le plus d'informations. Chaque découverte dégrossit d'un éclat le mystère sur l'ensemble. J'insiste ici sur le fait que se contenter d'étudier et de préserver, uniquement les sites majeurs, au détriment d'autres d'apparences plus anecdotiques, serait une erreur. Si marquer le territoire n'est pas la fonction première des œuvres, elles le font indéniablement. Identifier ces territoires nous offrent de précieux indices. La reconstitution de l'ensemble rupestre ci-dessus, ainsi que celle présentée en page 3 a été réalisée à partir de plusieurs estampes, à l'instar d'un puzzle. Ces deux ensembles rupestres sont distants de quelques dizaines de mètres. En comparant ces dessins,

on remarque, comme je l'affirme plus haut, qu'ils ont leur propre facture et interprétation, tout en partageant le même thème. Celui-ci est vérifiable encore sur d'autres ensembles non loin des deux premiers. En regardant d'un peu plus près, on distingue, au sein de chaque ensemble, des grands cercles à la maîtrise parfaite et autour d'eux, d'autres cercles plus petits, à la technique plus aléatoire. J'ose à partir de ce constat une première hypothèse. Chaque ensemble est réalisé par une famille au sein du clan. Chaque famille a réalisé les ensembles cohérents collectivement et dans le même laps de temps. En simplifiant on pourrait dire qu'il y a un artiste par cercle rayonnant si bien que l'on peut sentir les interactions entre les cercles, un rythme, une chronologie dans la réalisation de l'œuvre. Qu'il s'agisse ici d'un art lié à des rites initiatiques, à connotation magico-religieuse apparaît la piste la plus vraisemblable, comme l'est encore la fabrication et la danse des masques chez les ethnies contemporaines. Dokiti, signifie la forêt du Dô. Le Dô étant l'esprit suprême après dieu et avant toutes les autres entités. Il est craint, vénéré chez tous les peuples de la région, apparentés de près ou de loin aux Sénoufo et Bambara. Le site Dokiti était encore un lieu de culte il y a un siècle. Les ethnies contemporaines ont encore en commun une cérémonie coutumière qui les rassemble sur un même site tous les 50 ans. Que les gravures rupestres aient été réalisées par période d'intense activité, espacée de dizaines d'année expliquerait le sentiment d'avoir plusieurs époques qui se côtoient sur un même site. Le site Dokiti serait alors le lieu d'initiation commun, les autres sites rupestres recensés de part et d'autre sur une vingtaine de kilomètres, seraient les sites personnels où les initiés expérimentés et reconnus, exerceraient individuellement les pratiques magico-religieuses acquises. La famille de gravures avec des représentations de lézard serait le témoignage d'un métissage à la faveur d'un initié qui aurait acquis d'autres savoirs lors de voyages. Mon intuition est que les gravures rupestres les plus anciennes ont certes été réalisées par d'autres peuples, mais qu'il y a eu transmission. L'art rupestre s'est donc perpétré et a évolué au fil des décennies, en même temps que les sociétés traditionnelles. Le déclin de l'art peut être mis en corelation avec le déclin de ces dernières, les œuvres figuratives ont demandé une charge de travail beaucoup moins conséquente que les ensembles cohérents des cercles rayonnants. Elles sont apparues plus récemment, alors que la structure sociale moins rigide autorisa les artistes à de nouvelles interprétations. Les représentations figuratives nous livreraient alors de nouvelles illustrations de la même histoire! Si pour la famille des pétroglyphes figuratifs, chaque création est sculptée sans évidente interconnexion avec les œuvres voisines, on peut observer une résonance des formes les plus simples, comme les traits et les ovales, avec les formes plus complexes, comme les feuilles, les masques et les personnages. La réalisation de chacune de ces formes pourrait être alors une étape dans l'apprentissage de la technique et le témoignage du degré d'initiation du créateur de l'œuvre. Il était une fois des cercles rayonnants, des guerriers et des guerriers à tête de cercle rayonnant. Il était une fois des feuilles, des papillons, des guerriers et des masques. D'après la légende, les masques viendraient de la forêt, ils auraient été transmis aux ethnies contemporaines par les Pygmées. À l'échelle de l'Afrique de l'ouest, nos recherches pour trouver d'autres sites rupestres comparables n'ont rien donné. On peut s'interroger, alors qu'il n'y a que deux sites rupestres répertoriés au Burkina Faso, (celui-ci et des représentations figuratives comme la chasse à l'autruche près de Markoy, à l'extrême nord du pays). Pourquoi donc ici, un tel foisonnement.

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