Isnart Cyril 2011, CR de Costa Paulo, Museus e Património Imaterial, Agentes, Fronteiras, Identidades, Lisboa, IMC-Softlimits, 2009, Ethnologie Française, XLI, 4, 741-743..pdf

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Dossier : Bembo puf315850\MEP\ Fichier : Ethno_4_11 Date : 30/5/2011 Heure : 17 : 44 Page : 741

Comptes rendus

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Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération (1818-1848) [Vincent Robert, 2010] par LAURENT LE GALL

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Jours de fête. Jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine [Jacqueline Lalouette, 2010] par LAURENT-SÉBASTIEN FOURNIER

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Des berges du Rhin aux rives du Mississippi. Histoire et récits de migrants juifs [Anny Bloch-Raymond, 2009] par MARTINE SEGALEN

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Maçatl. Les transformations mexicaines des jeux taurins [Frédéric Saumade, 2008] par BERNARD TRAIMOND

Une politisation feutrée. Les hauts fonctionnaires et l’immigration en France (1962-1981) [Sylvain Laurens, 2009] par JACQUES BAROU

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La poésie pour répondre au hasard : une approche anthropologique des joutes poétiques de Sardaigne [Maria Manca, 2009] par MARIE-BARBARA LE GONIDEC

L’hôpital ou le théâtre des passions. Essai d’anthropologie hospitalière 2 [Marie-Christine Pouchelle, 2008] par YANN FAURE

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Le corps à l’épreuve du genre. Entre normes et pratiques [Laurence Guyard et Aurélia Mardon (dir.), 2010] par MARIE-LUCE GÉLARD

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Museus e Património Imaterial : agentes, fronteiras, identidades [Paulo Ferreira da Costa (dir.), 2009] par CYRIL ISNART

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Un patrimoine sous influences. Usages politiques, religieux et identitaires de l’image dans le monde slave [Élisabeth Anstett (dir.), 2009] par FRANCIS CONTE

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Religions traversées. Lieux saints partagés entre chrétiens, musulmans et juifs en Méditerranée [Dionigi Albera et Maria Couroucli (dir.), 2009] par ISABELLE JONVEAUX

Paulo Ferreira da Costa (dir.) Museus e Património Imaterial : agentes, fronteiras, identidades Lisboa, Instituto dos Museus e da Conservação e Softlimits, 2009, 400 p. par Cyril Isnart Cidehus-Universidade de Evora [email protected] Le volume publié par le Département du patrimoine culturel immatériel de l’Institut des musées et de la conservation du ministère de la Culture du Portugal est la première réalisation éditoriale officielle après la

ratification de la convention sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco par ce pays en 2008. Ce n’est cependant pas la première apparition du concept de patrimoine immatériel au Portugal. Depuis la publication de la loi-cadre de 1985, puis de celle de 2001, sur la politique du patrimoine culturel, les collectivités peuvent prendre en charge un bien immatériel, à l’instar de n’importe quel autre bien culturel. Le ministère de la Culture avait alors choisi une acception large du champ que recouvre le « patrimoine immatériel », en faisant coïncider les objets d’étude qui ont été traités par les ethnologues sur le territoire portugais et les éléments susceptibles de devenir un bien patrimonial immatériel. Cette publication n’est pas le reflet de cette Ethnologie française, XLI, 2011, 4, p. 741-760

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première vague de patrimonialisation des biens immatériels, mais représente les prémices de la mise en œuvre de la convention internationale de l’Unesco au niveau national. On apprend ainsi dans ce volume autant sur l’histoire de l’ethnologie au Portugal que sur les politiques culturelles, autant sur les positions de chacun des chercheurs ou des conservateurs quant à leur usage et leur définition du patrimoine immatériel que sur les usages sociaux du patrimoine. À ce titre, la publication, laissant toute sa place au doute, au questionnement et à la diversité des points de vue, est une bonne image de la situation actuelle du Portugal quant au PCI 1. Le livre, richement illustré et édité, rassemble les contributions d’anthropologues, de conservateurs, de fonctionnaires de collectivités territoriales et d’acteurs de la vie associative. Il se divise en six chapitres, correspondant pour la plupart d’entre eux à des rencontres scientifiques et professionnelles qui se sont déroulées autour du moment de la ratification de la convention sur le PCI. La première partie concerne, et consacre en quelque sorte, les traditions de masques d’hiver (essentiellement dans le nord du pays), qui ont constitué un champ privilégié de l’ethnologie portugaise depuis la fin des années 1970, en partie sous la houlette de Benjamin Pereira, l’un des fondateurs du Musée national d’Ethnologie de Lisbonne, dont la présence tutélaire est sensible dans de nombreux textes de ce recueil. Le deuxième chapitre est consacré aux pratiques muséographiques et de conservation des objets qui entrent dans le champ d’application de la convention et qui font partie des grandes institutions muséales du pays. La section suivante, plus classique dans son approche, rassemble une série de contributions d’anthropologues et d’entrepreneurs institutionnels du patrimoine immatériel, issues d’une recherche-action récente, sur les liens entre mémoire, identité et patrimoine dans une communauté rurale confrontée à une profonde mutation 2. La quatrième partie interroge la dimension de la transmission et des savoirs techniques, en croisant les projets muséographiques, les grandes collections scientifiques et l’ethnomathématique. Une cinquième section, intitulée « Terrains portugais », offre un panorama historique et actuel des recherches anthropologiques liées au PCI, depuis l’héritage folklorique pré- et postdictature jusqu’à la musique rap et l’artisanat. Le volume se clôt sur deux points de vue d’anthropologues-conservateurs, Joaquim Pais de Brito (Musée d’Ethnologie de Lisbonne) et Andrea Laforêt (Musée canadien des Civilisations). Après ce survol du contenu du livre, il n’est sans doute Ethnologie française, XLI, 2011, 4

pas possible de revenir en détail sur chacune des contributions mais plutôt d’insister sur une question qui se dégage à la lecture du volume, en tout cas à la lecture que peut en faire un anthropologue : quel genre de rapports entretiennent l’anthropologie et le PCI au Portugal ? La réponse à cette question n’est évidemment pas tranchée dans l’ouvrage, et l’on recueille plutôt une diversité de positions, tant les auteurs convoqués proviennent de mondes conceptuels et professionnels variés et développent des pratiques différentes vis-à-vis des objets qui entrent dans le domaine de la convention de l’Unesco. Il est peut-être regrettable que la question de la diversité des points de vue ne soit jamais réellement synthétisée dans cet ouvrage, alors que l’on doit chercher parmi les différentes contributions les arguments de chacun des auteurs. Le PCI est en effet posé, au fil des textes et selon les auteurs, tantôt comme une évidence, parfois comme une catégorie problématique ou comme un enjeu pour l’anthropologie 3. Plusieurs contributeurs de ce recueil reprennent la distinction classique entre culture matérielle et culture immatérielle, en montrant comment un objet est témoin de pratiques immatérielles (ou plus exactement « intangibles ») et combien la convention constitue une chance pour les musées de renouveler leurs discours, leur place dans la société et leur politique envers les publics. La majorité des textes du chapitre signés par des conservateurs vont dans ce sens et utilisent une rhétorique fonctionnaliste liant les objets avec les dimensions non matérielles de la culture que les objets qu’ils conservent sont censés montrer dans le cadre muséographique (par exemple [114-115]). D’autres soulignent, en suivant la même distinction, que l’immatérialité est trop souvent diffuse et que la seule solution, d’ailleurs partiellement gagnante, consiste à matérialiser ce que les anthropologues nomment la « culture ». Pais de Brito souligne qu’un objet de musée n’est jamais réductible à son contexte de collecte ou d’exposition. Le rôle du musée est alors de rendre lisible cette complexité du réel [369]. Le texte de Catarina Alves Costa poursuit cette réflexion en analysant le pouvoir limité du cinéma ethnographique pour documenter l’immatériel. Elle montre que l’image télévisuelle des reportages sur les rituels carnavalesques sert parfois à « authentifier » ces pratiques comme patrimoniales grâce à une rhétorique filmique partagée. Mais elle souligne surtout que la démarche d’ethnographie visuelle ne peut se passer d’un discours explicatif et descriptif qui confère du sens à une image qui n’en donne pas directement. Le film ethnographique reste toujours contingent et

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Comptes rendus

partiel par rapport à la réalité dont il est censé rendre compte et se rapproche moins d’un « document » sur une réalité que d’un « regard d’auteur » [65]. En remettant en cause la pertinence de la distinction entre patrimoine matériel et immatériel, désormais rarement prise pour argent comptant, ou en réévaluant la convention et ses présupposés, João Leal et Maria Cardeira da Silva ouvrent plus ouvertement la discussion sur les liens entre anthropologie et PCI dans leurs contributions respectives. Pour le premier, il s’agit de montrer que les acteurs de l’histoire du regard ethnographique sur le Portugal sont, depuis le milieu du XIXe siècle, déjà inscrits dans une perspective proche de celle de la convention. Évidemment en ce qui concerne les thématiques abordées (rituels, techniques, religion, savoirs naturalistes, etc.), mais également dans l’esprit des recherches menées, puisqu’il s’agissait souvent d’une sauvegarde et d’une transmission de savoirs et de pratiques issues des couches les plus fragiles de la société [294]. Pour autant, la conversion du folklore à l’anthropologie entreprise depuis les années 1980 par les deux dernières générations d’ethnologues du Portugal incite à dépasser le cadre classique de l’ethnologie européenne hérité du folklore, pour interroger la complexité sociale et culturelle du territoire national et des groupes qui le peuplent (immigration, invention des traditions, santé, genre, politique, etc.). Ce changement de perspective, semble dire Leal, éloigne l’ethnologie du Portugal d’une ethnologie patrimoniale appliquée à la convention sur le PCI et donne à l’« anthropologue portugais » un double statut compliqué à tenir : celui d’expert des traditions nationales et celui de critique des usages sociaux du patrimoine, pour mieux prévenir des dangers de la patrimonialisation et mieux penser l’avenir [295]. Maria Cardeira da Silva, pour sa part, propose une relecture des effets pervers de la classification par l’Unesco (qui, dit-elle, en plus d’effacer l’histoire, supprime également ses propres logiques de fabrication [279]) et tente, comme Leal, d’évaluer quel serait le rôle des anthropologues dans l’application de la convention sur le PCI. Il ne s’agit ni de participer aux inventaires, ni de rechercher des vestiges de civilisations disparues, ni d’appliquer l’idéologie de la collecte d’urgence, mais plutôt de poursuivre l’ethnographie fine des objets et des pratiques, de penser la dynamique sociale et de réfléchir aux usages du patrimoine pour évaluer le bien-fondé des arguments de ceux qui le réclament [285]. Au final, l’« anthropologue portugais » est une figure bien différente du praticien de la convention, tourné vers la mise en œuvre de principes et de pratiques qui

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lui sont donnés par l’Unesco avec un outillage conceptuel et moral complet. Il est un intellectuel dont l’expertise est essentielle pour l’exécution de la convention et il doit également conserver son « regard éloigné », pour évaluer les effets de la mise en patrimoine des objets dont il a académiquement hérité. Concerné, critique et acteur du PCI, l’« anthropologue portugais » semble se tenir dans une position difficile et paradoxale, comme le souligne Jean-Yves Durand. Travaillant et vivant au Portugal depuis une vingtaine d’années, cet anthropologue français raconte comment le rôle de prescripteur de tradition est souvent imposé à l’ethnologue, en raison de la différence, mise en évidence par Marshall Sahlins, entre la conception de la « culture » comme répertoire identitaire pour les gens ordinaires et la lecture dynamique qu’en font les anthropologues [299]. Regrettant peut-être l’aspect disparate des contributions de ce recueil ou la différence de hauteur de vue d’un texte à l’autre, le lecteur sort pourtant de cet ouvrage avec des questions et des attentes qui ouvrent l’appétit intellectuel, tant du point de vue des objets immatériels dont il est question que du point de vue méthodologique et épistémologique. Le problème des rapports qui sont en train de se créer entre le PCI et l’anthropologie n’est pas encore totalement résolu, mais les positionnements de chacun des auteurs constituent un document de premier choix pour observer, à l’échelle d’un pays européen, la construction d’un nouveau champ patrimonial lié à une discipline critique par nature. Par ailleurs, et malgré sa relative ancienneté au Portugal, le travail politique sur l’immatériel comme catégorie patrimoniale n’en est encore qu’à ses débuts, l’inventaire national, condition de classement d’un bien sur l’une des listes du PCI de l’Unesco, devrait y débuter en 2011. À suivre donc. 1. Cf. les débats dans le numéro « Le patrimoine immatériel de l’Amérique française », Ethnologie française, XL, 2010, 3. 2. Ces textes ont été produits dans le cadre d’une recherche visant à rapporter compte et à accompagner ethnographiquement le déplacement de la population et du village de Luz, submergé en 2002 par le projet de construction du barrage d’Alqueva, dans le sud du pays. 3. Cette situation n’est cependant pas propre au Portugal, et l’on peut recueillir dans la littérature contemporaine un discours patrimonial très proche de celui de l’Unesco, porté par des ethnologues professionnels défendant le patrimoine ethnique ou par des officines créées ad hoc, comme des critiques portant sur les limites et les dangers de la convention ; certains anthropologues, évitant pour le moins de la cautionner, ont fait de son application un objet d’étude comme un autre.

Ethnologie française, XLI, 2011, 4

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