João PROENÇA

July 12, 2017 | Autor: Yao Koffi Célestin | Categoria: Contemporary Art, Painting, Art Criticism, Street Art, Pop Art, Graffiti
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JOÃO PROENÇA
Ænima
Du 11 au 31 mars 2015 à la Galerie LEBASQUIAT

Né à Curitiba au Brésil en 1977, João PROENÇA vit et travaille à Abidjan depuis 2013. Au niveau de son cursus académique, il suit des cours de peinture, de dessin et d'histoire de l'art à Paris, notamment à l'École du Louvre. À partir de 2011, il étudie la peinture au Alkotópont Art Studio de Zsófi MEGYERI à Budapest. Il intègre ensuite en 2012 le programme Nonviolence Communication de Barbara GUTTMAN dans la prestigieuse Art School of Budapest. Il suit en 2013 un stage de photographie avec Francis KEATING au Deja-Vu Photographic Studio à Budapest. Entre 2011 et 2012, Joao PROENÇA compte plusieurs expositions en Hongrie et en France. Depuis son installation à Abidjan, Joao PROENÇA a exposé ses travaux à la Galerie AMANI, à l'Atelier SIE, à Abidjan Art Festival, ainsi que chez des particuliers. Il prépare une grande exposition solo le 15 juillet 2015 à l'Espace Arthémis à Annecy.

D'Ænima à João PROENÇA

À la Galerie LEBASQUIAT, João PROENÇA expose une série de vingt-six œuvres placées sous le thème générique Ænima, expression composite issue du latin anima qui signifie âme et le thème médical d'emprunt anglais énéma (enema) qui est une poire à double usage, utilisée pour le lavage du conduit auditif et les lavements. L'artiste combine et compose psychiquement et graphiquement les deux mots pour former une construction asémantique (un abime phonétique et sémantique) qui ôte à chacune des composantes la forme et le sens originel, mais débouche sur et vers autre chose, c'est-à-dire vers une interprétation polysémique qui tout en constituant un abime étymologique pour chacune des composantes dénominatives retrouve une nouvelle corporalité linguistique intelligible. Cette union conduit simultanément vers un dédoublement et une dualité sémantique produisant de la littéralité et le sens : le lavement de l'âme.
Du calembour au jeu graphique de pure forme découlant sur une esthétique particulière ou bâtarde, mais apprivoisée — au travers la combinaison de textes, de signes, de symboles et d'images canoniques et matricielles quand l'artiste est placé ou se place volontairement dans la posture de l'oiseau migrateur de langue portugaise découvrant des mots et des résonances étranges dans le langage exprimé des peuples autres (Ablailêh Aata Difue, King's Crown, Last Breath, Tallon Rouge, etc.,) ; les expressions et formules immaculées à l'instar du Poème de Miranda « You have the right to remain silent. Anything you say or do can and vill be held against you in a court of law […] ». L'artiste fait siens tous les horizons visités, depuis les racines séculaires, rhizomiques et archétypes brésiliens à la pluralité des cultures connues, voisines ou lointaines pour obtenir des solutions picturales. Les solutions obtenues peuvent s'instruire certes dans les mots soigneusement choisis, dessinés et gravés, mais également dans les images emblématiques, objets identitaires, les tons et les couleurs locales et fortement évocatrices, marouflés et estampillés sur la surface des toiles. « Ce que je fais exprime ce mélange de plusieurs cultures – l'âme brésilienne dans mes peintures, c'est la couleur, le kamasutra ; la Côte d'Ivoire c'est l'ajout des pagnes. Ce dont je parle exprime ma vision de la société, des choses qui me peinent » : affirme-t-il. Les solutions peuvent s'inscrire dans un océan de savoir-faire moderne, postmoderne et contemporain, qui prennent comme figure artistique référentielle et tutélaire les artistes d'obédience DADA, à l'instar de Raoul HAUSMANN, Kurt SCHWITTERS, Hannah HÖCH, Max ERNST, etc. ; un proche de DADA comme Antonio TAPIES pour la matière et la grande liberté d'expression dans ses toiles ; les POPS artistes comme Robert RAUSCHENBERG, Jean Michel BASQUIAT, Andy WARHOL, Richard HAMILTON, Julian SCHNABEL, etc. ; aux plus récents artistes comme Dean ROSENZWEIG, Troy HENRIKSEN, Michael RAY CHARLES, etc. Nous pouvons en outre citer au niveau de l'usage abondant de la textualité, les tendances STREETS ARTS libérées de toute frontière et de toute contingence, développées dans l'urbanité même et/ou sur toile par des artistes comme BANSKY, MISS. TIC, NOUROU NARO, ABOUDIA, LEZART URBAIN, etc.

D'une écriture dans l'art

Les œuvres de João PROENÇA montrent une diversité de traits plastiques. Nous distinguons l'usage massif des couleurs primaires abordées dans leur plus grande vivacité. La présence du dessin est remarquablement réduite à sa plus simple expressivité, comme un dessin rapide, un croquis enfantin vite exécuté. L'image est proposée dans sa dimension photographique ready-made, marouflée telle qu'elle est trouvée, certes, mais engagée dans un processus de recyclage par l'ironie tout en conservant le sens et la valeur de l'image archétype première. L'image est également engagée dans une logique d'appropriation-détournement depuis sa sélection même et son mode de découpage du magazine qui l'a publiée en premier, mais également un détournement-retournement de sens ou d'appropriation artistique et esthétique par l'artiste, par l'ajout ou la combinaison avec d'autres iconographies, d'autres images archétypes ou objets caractéristiques d'époques. L'écriture et le mot sont omniprésents, ils se font slogans, sentences, allégories, calembours, poésies, constructions mentales, etc.
Sur la toile, cette textualité joue sur plusieurs tableaux de pensée. Fait-elle intégralement partie de l'image picturale, ou la parasite-t-elle ? Doit-on lire l'écriture de peinture comme on lit l'écriture de roman ou de journal en partant de la distinction ou de la non-distinction en ce qu'on voit et ce qu'on lit ? Doit-on alors exclure toute intelligibilité textuelle pour n'élire que le caractère purement rétinien, graphique, en somme le dessin ou la peinture des lettres ? Doit-on simultanément combiner dans la lecture des œuvres de João PROENÇA la dimension rétinienne et réflexive comme au XVIe siècle en Occident, sans les exclure mutuellement au sens de DUCHAMP (Duchamp du signe, 1997 : 183) ? Les mots et les textes de João PROENÇA ne sont jamais neutres, il est vrai qu'ici les mots orientent a priori le sens de l'œuvre sans vouloir laisser une libre interprétation au spectateur, mais ces mots restent chargés de mystère et gardent leur caractère énigmatique et entier. « Les mots se proposent aux hommes comme des choses à déchiffrer » (Michel FOUCAULT). Ces caractères (sens originaire des mots et/ou leurs propriétés intrinsèques) transcendent toujours les aspérités et les projets de l'artiste, car, dans chaque cas, les mots et les textes n'expriment pas, n'épuisent pas de façon exhaustive l'acuité des autres visuels auxquels ils se posent ou se superposent, non plus l'idée complète de l'artiste – il leur faut admettre leurs propriétés, leurs vertus et leurs secrets. L'on peut alors penser que c'est un parti pris fantaisiste ou un jeu. En cela, l'artiste justifie la dimension ludique de ses écritures :
« J'aime beaucoup écrire. Les gens me disent «João PROENÇA tu écris beaucoup ». Pour me référer a ce que disait Frederik BRULY BOUABRE qui disait pourquoi il écrivait aussi dans ses toiles, il avait répondu « l'écriture combat l'oubli » c'est très joli ce qu'il a dit et je trouve exactement que c'est ça. L'écriture combattant l'oubli, j'écris dans mes toiles pour qu'on n'oublie pas le message que l'être humain aujourd'hui oubli assez vite. J'écris en anglais, la langue anglaise étant universelle, c'est beaucoup plus facile que le français ou le portugais qui est ma langue maternelle. Pour en venir au texte, j'écris parce qu'on oublie de jouer, il n'y a plus de croyants, il y a que des gens qui veulent décider sans croire vraiment à ce qui arrive. J'écris comme ça me vient ».

De la peinture encaustiques à la technique mixte

Du point de vue technique, de nombreuses œuvres de João PROENÇA sont réalisées à la technique mixte, car l'artiste peint à l'acrylique, l'huile, le charbon et le collage ; il accorde cependant une part prépondérante à la cire. Il s'agit notamment d'une grande majorité de tableaux aux tailles moyennes (53x67). Les œuvres sont toutes réalisées au couteau, sans pinceaux. Les effets de grattages caractérisant en partie le traitement des textes sont obtenus avec la pointe du tournevis. « J'aime le contact du tournevis sur la toile ».
Par l'usage des matériaux dans leur aspect brut, l'artiste considère qu'il fait aussi de l'art brut, il décline cependant avoir déjà fait un hospice, en tenant compte des connotations que peut revêtir la notion « art brut », quoiqu'affirmant avoir connu une jeunesse « troublante ». Du point de vue des images, l'artiste a usé de la technique du collage, privilégiant les images publicitaires des années 1950 et 1958 auxquelles il a ajouté des paillettes

En définitive, pour João PROENÇA, l'art est une envie suscitée par la passion de la création, l'excitation de l'être assit devant la toile blanche, réduit à interroger la nature de ce qui va en sortir ou même le plaisir de se laisser porter par la toile. De cette exposition que retenir ? « Je souhaite que les gens croient un peu plus, qu'on croie en soi, qu'on ouvre plus sa gueule. Les gens doivent percevoir aussi bien le positif que le négatif. J'espère que les gens vont aimer cette exposition, mais leur ressenti ne me concerne pas ».


Dr Koffi Célestin YAO
Enseignant-chercheur à l'UFR ICA Université F. H-B.







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