L\'espace pictural des Impressionistes

May 27, 2017 | Autor: Jan de Maere | Categoria: French Impressionism
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L’Espace pictural des Impressionnistes : Rendre la beauté de l’instant qui passe en lumière. Prof. Dr. Dhc. Jan DE MAERE (VUB) Conférences de L’Eventail au Cercle Royal Gaulois Artistique et Littéraire Mardi 2 février 2016 La révolte des impressionnistes (1874-1886) propose à chaque nouvelle génération une leçon d’indépendance envers la tradition stérile académique. Elle inaugure l’ère de la primauté de l’émotion perceptive sur l’intelligence cartésienne. L’impressionnisme vise à créer une construction de l’esprit basée sur une coordination d’éléments empruntés à la nature et sur leur instantanéité. Mais une impression n’est intrinsèquement supérieure au réalisme, que si elle est de génie. Pour les impressionnistes, leur action décisive, dépassant le cadre esthétique, projette la peinture au delà du point mort ou elle était arrivée comme expression visuelle. Fors les quolibets et les caricatures du Charivari, cette nouvelle façon culturelle et sociale de voir l’art passa quasi inaperçue à l’époque, où la misère, due à l’industrialisation, secoue la société. Sans être les seuls, les impressionnistes jouent un rôle décisif dans le combat des artistes à se libérer de la tradition. La véri-similitude du temps qui passe de la peinture réaliste rurale de Millet et de Courbet leur avait préparé le terrain. Eugène Boudin (1824-98) est le passeur entre deux générations. Précurseur des impressionnistes, travaillant en plein-air, il veut saisir l’impression juste des nuages saisis dans la lumière dilatée et des métamorphoses de la mer dans l’estuaire de la Seine en fréquentant l’atelier d’Eugène Isabey (1853). Il s’achemine vers la disparition du sujet, peignant souvent que le ciel. Quand il suit Isabey sur les hauteurs de Honfleur, il y rencontre Corot, Jongkind et le jeune Claude Monet, qui reconnaît sa dette envers Boudin. Pendant le second Empire quelques jeunes artistes, lassés par les refus systématiques de leurs toiles au Salon (unique) décident de fonder une société d’exposition libre, sans jury et sans récompense honorifique. La guerre de 1870 retardera la réalisation de ce projet. Les peintres luttent pour survivre. Ceux qui le peuvent soutiennent les plus démunis en achetant leurs tableaux. Tous traversent des périodes de détresse morale. Trois femmes bravant les conventions, Mary Cassatt, Berthe Morisot et Eva Gonzalès, partagent l’aventure. Le jugement éclairé de quelques critiques et l’intérêt de quelques amateurs et marchands les fait survivre et finalement triompher. En 1869, autour d’Edouard Manet, ancien élève de Thomas Couture, se forma un petit groupe d’artistes qui se retrouvaient le soir d’abord au café Tortoni, boulevard des Italiens, puis au café Gerbois du Boulevard des Batignolles, et plus tard dans le café La Nouvelle-Athènes.

Organisée par les peintres eux-mêmes, la première manifestation se tient avenue des Capucines dans l’atelier du photographe Nadar, du 15 avril au 15 mai 1874. Sous la présidence de l’ancien peintre sur porcelaines Auguste Renoir, le provençal Paul Cézanne, Claude Monet, fils d’un marchand du Havre, l’ironique Edgar Degas, l’anglais Alfred Sisley, Berthe Morisot, l’élève de Gleyre :Camille Pissarro, Boudin, Braquemond, Cals, Lépine et Rouart , en tout 30 peintres y participent en exposant 65 tableaux. Dans le Charivari du 25 avril, ce groupe reçoit le nom impressionnistes par le critique Louis Leroy, inspiré par dérision envers le tableau de Monet : Impression au soleil levant au Havre (1872). Ils choquent par la simplicité de leurs sujets et par la clarté inhabituelle des toiles. Théodore Duret écrit : « Les Peintres Impressionnistes » Paris 1878, quand la réforme cézannienne fait naitre l’Art Moderne. Malgré les désaccords internes le groupe organise 8 expositions. En 1880, Gauguin participe au moment ou Cézanne abandonne l’impressionnisme pour expérimenter la naissance de l’Art Moderne. La dernière a lieu en 1886, Monet, Renoir, Caillebotte et Sisley ont préféré de se retirer, quand Pissarro impose le néo-impressionniste Georges Seurat. Cet artiste veut donner des bases scientifiques à ce qui était affaire de l’instinct par une technique pointilliste, tandis que Redon s’y oppose. Le tableau divisionniste La Grande Jatte de Seurat est exposé à Bruxelles au Salon des XX en 1887. En 1887 dans la revue bruxelloise L’art Moderne, le critique Fénéon nomme cette tendance nouvelle : »Néo-impressionniste ». Les individualités fortes des impressionnistes s’exprimeront désormais chacune à leur façon au gré de leurs affinités picturales. Quelles sont les racines de ce mouvement qui bouleverse toute l’Europe et les Etats-Unis ? Quel est son rapport au paysage, à la lumière et à l’espace ? Les impressionnistes se libèrent des conventions traditionnelles de l’art : le dessin, la perspective, l’éclairage de l’atelier et même du sujet, à fin de révéler leurs émotions personnelles en peignant la lumière. Ils suggèrent les formes par la vibration des contrastes de couleurs en réduisant le sujet à son aspect lumineux. La lumière, la neige, les réverbérations de l’eau, le brouillard et la fumée deviennent ainsi des éléments structurant le paysage. Par leur sensation vécue, les impressionnistes inscrivent sur la toile le temps qui s’écoule au rythme de leur coups de pinceaux. Ils ont une attitude commune devant les problèmes essentiels que pose la peinture. Paul Claudel écrit : L’eau est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps. Les impressionnistes, sont-ils différents des plein-air-istes de l’école brabançonne de Louis de Vadder et de Jacques d’Arthois au 17e siècle ? Regardons l’évolution du rendu de la nature en peinture. Le paysage animé n’acquiert son autonomie comme sujet à part entier dans la peinture nordique qu’au début du 16e siècle. La perspective illusionniste à un point de fuite unique, souvent combiné avec un point d’observation oblique (effet grand-angle de l’avant plan), fait son apparition. Au 17e siècle, il peut être baroque ou classique, servant de cadre aux actions héroïques des hommes et des dieux, en étant l’écho des passions qui les animent (Claude le Lorrain). Le paysage néo-classique hésite entre la séduction de la lumière et la sensation d’immensité, réinventés en atelier.

Vers 1820, Constable et Turner le libèrent de ses préceptes académiques, au moment où le paysage romantique entame une méditation profonde sur une nature toute puissante. Ils tentent de représenter les passions humaines dans les réflexions de la lumière peinte. Turner pleure devant le rendu de la lumière dans les toiles de Claude Le Lorrain. Chaque matin il fait prépare une nouvelle quantité de jaune de Naples. Avec une lame, il gratte le pigment pour que le fond blanc réapparaisse. Pour lui, précurseur de certains aspects révélés par les impressionnistes, le sujet n’est que le support sur lequel se réfléchit la lumière, vecteur pictural de son émotion. Constable aussi oublie le sujet dans ses esquisses pour étudier les transformations incessantes du paysage. Partout en Europe, deux tendances, à première vue contradictoires, s’affirment pendant la période romantique: le goût du sublime et l’attention scientifique à la réalité de la nature. Le romantisme pathétique de Delacroix pré-sent les lois de la division des couleurs, des complémentaires et des contrastes. Corot devient le plein-air-iste du paysage harmonieux et Eugène Boudin, celui des cieux mouvant au dessus de la mer. Barbizon (1830-1850) est l’épicentre d’un tiraillement entre naturalisme et réalisme autour de Gustave Courbet (1819-1877) et Jean-François Millet, qui traduisent la vie contemporaine en art. En 1850, Gustave Courbet a déchainé des critiques vitrulentes avec l’Enterrement à Ornans, dont le chromatisme et le sujet tranchent avec la tradition. Courbet expose dans son atelier parisien de la rue Hautefeuille le tableau caricatural Retour de la Conférence à Saintonge (1863). Il représente des curés avinés comme dans une satire rabelaisienne, jugée immorale. Le scandale est immense. Exposé à Gand en 1868, il prône la liberté d’expression sous toutes ses formes, même libertaire. Félicien Rops l’admire. Proudhon consacre un livre au tableau: Du principe de l’art et de sa destination sociale. Paris est le théâtre d’un renouveau des arts, de la littérature et de la musique. Il y souffle le vent de la liberté. En 1863, dans son article sur Eugène Delacroix, Baudelaire donne l’artiste en exemple à la nouvelle génération. Delacroix développe avec acharnement son propre langage pictural et ses valeurs esthétiques. Sujet et style deviendront désuet comme critère de qualité. Pour Manet, Monet et Cézanne, Delacroix est le fondateur d’une nouvelle liberté. Ils montrent leur touche picturale pour se distinguer de la photographie qui les met devant de nouveaux défis. Toute grande peinture est aussi un travail de mémoire. Les impressionnistes travaillent volontiers au Louvre en copiant pour se faire la main. Quelle est l’importance des découvertes scientifique dans le rapport des peintres avec la réalité ? Grâce à l’invention de la Photographie par Niepce, la peinture se libère de la contrainte d’imiter la nature et découvre le cadrage photographique. Les peintres se font photographe pour fixer l’instant. Leur regard sur la photo y découvre des effets optiques, qu’ils prennent comme enseignement. A fin de se singulariser face à la photographie qui devient immensément populaire, les impressionnistes montrent le rythme personnel de leur touche. A l’invention de l’éclairage électrique, ils opposent les vibrations du plein soleil, peintes librement.

La deuxième découverte qui change le destin de la peinture est bien parisienne. Le chimiste Chevreul publie en 1839 : De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés, considéré d’après cette loi dans ses rapports avec la peinture. Il explique que : chaque couleur tend à colorer de sa couleur complémentaire les couleurs voisines, et que si deux objets contiennent une couleur commune, l’effet de leur juxtaposition est d’atténuer considérablement l’élément commun. Ces lois confirmeront l’intuition des impressionnistes. Boudin et Jongkind sont des précurseurs qui admirent les reflets du soleil dans l’eau. Le troisième nouveau paramètre de l’art des impressionnistes est le mouvement. Le train circule, les gares sont un opéra de mouvement, de vapeurs et de lumière. On fait du vélocipède. Les premières voitures font naître le tourisme, qui permet de se retrouver dans la nature, au bord de l’eau pour un déjeuner. Le Déjeuner sur l’herbe (28m2) de Monet en témoigne avec fracas. L’espace représente depuis toujours un problème de reproduction en deux dimensions. Qu’en font les impressionnistes ? La reproduction de la réalité en 2D demande la géométrie de la perspective. Ceci est un savoir rationnel, qui reconstruit les formes et détermine la place des éléments composant le spectacle, considéré d’un point fixe. Delacroix est le dernier avant-gardiste à l’employer d’une façon traditionnelle. Au début les impressionnistes le respectent, pour mieux l’abandonner après. L’espace devient l’impression d’un instant. Cézanne réintroduit la géométrie comme solution qui remplace l’illusion. L’œil devient concentrique à force de regarder longtemps (camera obscura, Vermeer). Le point culminant le plus rapproché de l’œil s’impose comme point de départ du chemin du regard, les bords fuient. Les déformations de la réalité se soumettent aux seules lois du rythme de sa peinture. En répudiant vite l’impressionnisme, ses expérimentations mèneront au Cubisme et à l’Abstraction. Quelle est l’influence de Charles Baudelaire ? La prose poétique décadente des Fleurs du mal (1857) de Charles Baudelaire (18211867) inspire plus tard les symbolistes Verlaine et Mallarmé, amis des impressionnistes. Fin connaisseur, il s’enthousiasme pour les progrès de la peinture libérée de l’académisme dans ses chroniques artistiques, mais il se passionne surtout pour le romantisme et le symbolisme. Le Portait de Jeanne Duval, la compagne du poète peinte par Manet, qui est son ami depuis 1855, est un chef d’œuvre qui inspire Rops. Après la mort de Baudelaire, il faudra désormais séparer le monde de l’imaginaire de Gustave Moreau et d’Odilon Redon, de celui de l’expérience picturale menée par Manet et Monet, même si ces deux mondes se fréquentent. Baudelaire adore le belge Félicien Rops (1833-1898) qui est souvent à Paris depuis 1860. Il devient l’ami de Manet et de Degas, mais ne participe pas au mouvement impressionniste, tout en s’exprimant en peinture comme eux. Rops s’intéresse à la fois à la peinture moderne et au symbolisme de la littérature romantique. La Mort au Bal (1865) doit beaucoup à Manet qu’il fréquente. Dimanche à Bougival de Rops, le montre amoureux du grand air et sensible aux atmosphères de la lumière changeante du motif en plein-air. Avec son ami Louis Artan (1837-1890), ami de Corot et de Courbet, il peint les variations de lumière et de la

mer dans des touches rapides. Souvent, à partir de 1865, lors de leurs séjours aux côtes bretonnes et belges, Rops corrige à sa façon des parties des tableaux d’Artan. Il n’exposera jamais ses tableaux impressionnistes, qu’il garde pour soi et pour ses amis, se consacrant dans ses dessins et ses gravures essentiellement au symbolisme érotique de la femme. Un autre belge, Alfred Stevens (1823-1906) s’établit à Paris en 1843, ou il devient plus tard au café Gerbois, l’ami de Manet, Degas et Henri de Toulouse Lautrec. Il s’ouvre d’abord aux avancées des impressionnistes, pour mieux les critiquer plus tard. Dans ses intérieurs habités de belles bourgeoises, il devient le peintre à succès de la Vie moderne. Il est un des premiers à s’intéresser au japonisme (La Parisienne japonaise, 1872, Musée de Liège). En 1875, il ouvre un grand atelier rue des Martyrs, qui devient le lieu de rendez-vous des artistes et des mondaines. Comme en témoigne le pastel Portait de Sarah Bernard (1880), qui devient son élève avant de partir pour sa tournée américaine comme actrice célèbre. Edouard Manet, est-il le père des impressionnistes ? Edouard Manet dit à son maître Thomas Couture : » Je peint ce que je vois et non ce qui plait aux autres de voir. Je fais ce qui est et non ce qui n’est pas ! ». Le luminisme d’Edouard Manet (1832-1883) réalise une communion directe entre le tableau et le spectateur, en crevant le dynamisme vertigineux des formes baroques. Il arrête toute narration littéraire et de colorer le dessin. Il peint sur le motif par masse et tâches les éléments les plus humbles, prenant toujours une touche plus claire que celle qui existe dans la nature et élimine la convention du clair-obscur. Il affronte les grands maîtres du passé héroïquement. L’appréciation de sa peinture par Zola, donnera le ciment théorique aux réunions des jeunes artistes et des écrivains comme Astruc et Claudel. En 1863, son Déjeuner sur l’herbe fait scandale. La nudité de son amie Victorine Meurant sort d’une façon d’autant plus à éclatante que les hommes sont, eux, habillés jusqu’au menton. La même année, Manet peint l’ Olympia, qui, dépouillée de symboles, nie l’ordre social et étrangle la Beauté bourgeoise. C’est une parodie sur la Venus d’Urbino du Titien, que Manet a copiée lors de son séjour à Florence. La servante peinte est chargée de fleurs, cadeau de l’homme attendu. Le peintre fait ainsi fi des conventions habituelles qui, depuis des siècles, ont enrichi l’art de peindre. Il l’expose en 1865, la violence des réactions est extrême. L’esthétique classique est considérée comme une branche de la philosophie. Manet fouette durement l’hypocrisie de l’époque. Les critiques et les spectateurs poussent des clameurs d’indignation. En 1863, le jeune Monet découvre cette peinture qui menace l’art dans ses éléments primordiaux et dans son essence profonde. Elle change son monde et son avenir, quand il rencontre Manet pour la première fois en 1869. Ils sympathisent avec Cézanne et Renoir. Le portait de Monet dans son atelier par Manet montre Monet et son épouse Camille sur son bateau-atelier. L’euphorie de la première émotion sera désormais captée directement sur la toile. Cette spontanéité ne passe plus par le philtre cognitif et académique. En 1880, Manet doit se retirer plusieurs mois à Bellevue à cause de la syphilis, dont il mourra trois ans plus tard. Est-ce que les impressionnistes sont le reflet de l’esprit de leur époque ?

La majorité des impressionnistes sont nés dans un milieu de bourgeois qui a prospéré par la révolution industrielle et par les nouvelles technologies. Mais l’industrie fait aussi naître la pollution et la révolte sociale. La nouvelle élite des villes est prospère. Elle a donc les moyens de s’intéresser à un domaine, réservé avant à l’aristocratie : le jardin privé. La majorité des amateurs d’art de l’époque aiment l’anecdote et l’académisme. L’avant-garde du milieu du XIXe siècle, les réalistes, se tourne dans ses sujets vers les sacrifiés de l’industrialisation, avec autant de succès commercial que les impressionnistes, issus d’un milieu privilégié. Regardons l’évolution du paysage et de ses peintres. Le « wild garden » du mouvement pittoresque au 18e siècle anglais était animé parles talents des paysagistes Gilpin, Capability Brown et Humphry Repton. Vers 1860 aux environs de Paris, les bourgeois riches se font architecte de jardin, suivant l’exemple anglais. Le jardin est vu comme l’antidote aux turbulences provoquées par l’industrie. The Gardener’s Magazine et The Garden popularisent l’idée de jardins dans les faubourgs des villes. Les anglais s’y mettent, suivis par les français. Le jardin devient un lieu d’expérimentation, de délectation et de contemplation de la beauté. L’abbé Cavanilles, directeur des Jardins royaux de Madrid fait pousser les premières Dahlias en Europe et expérimente des nouvelles variétés de fleurs. Comme Monet il s’enthousiasme pour l’hybridation des fleurs. Vers la fin du siècle, les jardins sont devenus des lieux symboliques, un retour vers la vie simple dans un monde complexe. Quelle est l’importance du goût de la liberté indomptable de Monet pour l’avenir de l’Art Moderne ? Très jeune, dans la boutique d’un encadreur, Claude Monet (1840-1926) rencontre Eugène Boudin, qui l’invite à peindre en plein-air à ses côtés. A 16 ans, il part pour Paris. Dans l’atelier libre de l’Académie Suisse il rencontre Pissarro. Il fait son service militaire en Algérie, dont il garde un souvenir enchanteur. De retour au Havre, il y rencontre Jongkind. A Paris il rencontre Renoir Bazille et Sisley à l’atelier Gleyre et s’impose comme chef de file Dès 1864 dans la forêt de Fontainebleau, il propose à ses amis Renoir et Sisley de terminer leurs tableaux, plus dans l’atelier, mais en plein air ! Les valeurs atmosphériques modifiant en permanence les couleurs, les obligeaient à travailler vite. Travaillant sur un apprêt blanc, ils appliquaient de petites touches de couleurs non-mélangées. La synthèse de cette touche divisée s’opère dans l’œil du spectateur, quand il prend un peu de distance du tableau. De retour de Londres en 1871, Claude Monet s’installe avec sa famille et son ami le peintre Charles-François Daubigny (1817-1878) à Zaandam (Pays bas) pour quatre mois. Cette lumière, si différente de celle de la Paris ou de Londres, et les reflets sur l’eau des nuages changeants à chaque instant, lui inspirent 25 tableaux. De retour au Havre, les différents moments de la journée métamorphosent les couleurs sous les infinies variations de la lumière. L’Impression du Soleil levant (1872), l’œuvre iconique de l’impressionnisme, témoigne du pouvoir extraordinaire de l’iso-luminance de son chromatisme, à nul autre pareil. Il peint en 1873 son jardin à Argenteuil qu’il a façonné de ses propres mains, malgré la réticence de ses voisins paysans. Ils pensaient que ces fleurs nouvelles

empoisonneraient l’eau ! Le premier concept de Land-art est né, quand il traduit les iris, les roses et les magnolias de son jardin en lumière sur la toile. Monet peint ses dahlias et ses agapanthes comme des interprétations, pas comme de la nature, mais comme de l’art lui-même. Il ne les met pas en scène dans une perspective, il n’emploie pas de point de fuite. Seuls sujets de sa quête dans laquelle la touche domine la beauté de la nature, il peint les fleurs avec bravura, cherchant de rendre sur la toile la façon dont leurs couleurs vibrent sous la lumière. L’équilibre du chromatisme, le rythme et l’harmonie de la touche dominent le sujet. Face à la concurrence de la photographie, il dit fièrement qu’il la dépasse en étant peintre. A partir de 1877, Durand-Ruel vend de mieux en mieux les tableaux de Monet et de ses amis. Il part souvent peindre de points de vue insolites et des effets lumineux fascinants en Norvège (1895), en Angleterre, en Normandie, à Venise (1908) et dans le Midi. Installé en 1883 dans son jardin fleuri à Giverny, Monet y reçoit ses habitués et des visiteurs comme Sacha Guitry, les Goncourt mais aussi des Américains et des Japonais. Georges Clemenceau, Octave Mirbeau et Caillebotte y viennent faire du jardinage. Vers 1890, sa seule obsession est de fixer la beauté changeante de l’air dans les séries qui montrent les Meules, les Peupliers et la Cathédrale de Rouen. Sa vue déclinante n’affecte en rien sa détermination de peindre. Entouré de 5 jardiniers dont il surveille les travaux, Il crée le jardin dans la propriété qu’il a pu acquérir en 1880. Son jardin devient son atelier. Durant de longues années il ne fait que rendre la beauté les Nymphéas à Giverny, près de la rivière l’Epte. Il fait creuser un bassin et en 1905. Il y fait placer le pont Japonais, dont l’arche s’y reflète avec les arbres qui l’entourent. A la fin de sa vie, sa vue diminue fortement. Les Nymphéas sont le résultat génial de cela et de son talent visionnaire. Progressivement, le focus de son sujet se resserre sur les plantes et les reflets colorés autour, comme un zoom photographique. Bientôt il ne restera plus que le miroir d’eau qui n’a plus de ciel, seulement son reflet. Abolissant le relief et les repères spatiaux, ces éblouissants messagers de l’avenir de la peinture moderne submergent le spectateur ! Après la victoire de 1918, il veut offrir à la France les 20 panneaux des Grandes Décorations des Nymphéas (1925), aujourd’hui au Musée de l’Orangerie. Précurseur et visionnaire, il ouvre la voie à l’art Abstrait et aux courants à venir. Monet s’éteint le 5 décembre 1926. Est-ce que la joie de vivre de Renoir s’impose comme donnée impressionniste ? Sa bonne humeur a marqué tous ceux qui l’ont connu, mais elle a été peu contagieuse. Les années de misère ont hanté l’humeur de la part des impressionnistes. Modeste et simple, heureux en famille, Renoir aime observer la foule animée des guinguettes à Montmartre et à la campagne. Il dit : »Je ne pourrais me passer d’un modèle. Même si je le regarde à peine, il m’est indispensable pour me beurrer les yeux ». Il transporte souvent sa grande toile Le Moulin de la Galette sur place, choisissant ses modèles parmi les jeunes filles là-bas. Quand il l’expose en 1877, le public est déconcerté par les formes imprécises et les touches de lumière perçant à travers les arbres. A 13 ans, Auguste Renoir (1841-1919) commence à travailler comme peintre sur porcelaine. En 1861 il entre à l’atelier de Gleyre rue de Vaugirard. Il ne jure que par l’étude des maîtres anciens. Et pratique beaucoup le dessin et le pastel. Fin 1868, quand Monet s’installe avec sa famille à Bougival, Renoir vit à Ville-d’Avray, proche de son ami. Ses contrastes de couleur sont forts comme des éclaboussures de

soleil. La lumière colle aux personnages, la femme reste son thème central. Les deux artistes travaillent en parallèle, comparant leurs trouvailles picturales. Chez Renoir, les figures se fondent dans le feuillage et perdent toute individualité par leurs nuances délicates et les reflets de clarté chaude. Elles deviennent sensualité. Il préfère la densité, l’unité et l’utilisation des couleurs complémentaires. Il travaille en atelier, n’aimant pas le plein-air de Fontainebleau. Très tôt, les effets de polyarthrite rhumatoïde apparaissent. En 1897, ses mains sont déformées et recouvert de bandages. En 1911, il se déplace en fauteuil roulant, mais malgré cela, il continue à peindre dans son jardin à Cagnes-sur-Mer jusque à sa mort en 1919. L’impressionnisme est un mouvement participatif, où les audaces des uns alimentent les autres : les rencontres sont un laboratoire collectif de peinture. Le poétique Alfred Sisley (1839-1899), joyeux et charmant, aime les paysages urbains et villageois qu’il exprime dans des variations chromatiques subtiles. Né riche, avant la faillite de son père, il aide souvent ses amis. Au début, sa peinture est influencée par Corot et ses teintes sombres. En 1866, ses œuvres s’éclaircissent par des tons chauds. Les reflets de l’eau et la lumière changeante définissant les couleurs du paysage des perspectives des villes et villages le fascinent. Il traite le ciel en profondeur sur plusieurs plans. En 1874 et en 1897 il est en Angleterre. Au pays de Galles il peint des vues plongeantes sur la mer depuis les falaises. C’est à Moret-sur-Loing où il réside principalement de 1880 jusqu’à sa mort, qu’il adopte des couleurs vives, plus tranchées. Fidèle à l’impressionnisme et ses préceptes, il dit : »Donner l’illusion de la vie est pour moi le principal dans une œuvre d’art. ». Il tombe malade en 1895. Le cancer de la gorge l’emporte en 1899. Camille Pissarro (1830-1903) fait la connaissance de Corot, qu’il admire. Ses perspectives accentuent l’impression de profondeur. Il pratique une fragmentation de la touche qui exprime la diversité des densités de la matière. Elle annonce le divisionnisme. Il exprime le charme de la foule des rues de Paris et sa région, qu’il quitte rarement. Installé à Pontoise, il se plaît dans une vie tranquille, écouté et respecté par ses amis fidèles. Il aime expliquer et partager son savoir. Paul Gauguin vient travailler à ses côtés à Auvers-sur-Oise en 1879. En 1881, Cézanne et Guillaumin le retrouvent régulièrement. Vincent Van Gogh profite de ses conseils en 1886. Ceci éclaircit sa palette. Il s’intéresse aux harmonies colorées des potagers villageois. En 1885, Pissarro se rapproche de Georges Seurat et de Paul Signac qui défendent le divisionnisme, parce que : » …le mélange optique suscite des luminosités plus intenses que le mélange des pigments à une certaine distance d’observation. ». Né dans une famille protestante de Montpellier, Frédéric Bazille (1841-1870) rencontre Renoir, Monet et Sisley dans l’atelier de Gleyre. Il accompagne Monet au Havre et à Honfleur. En 1865, il partage avec Monet son atelier de la rue Furstenberg. Très attaché à sa famille, il retourne chaque année dans leur propriété de Méric, ou il peint ses plus belles œuvres dans une lumière éclatante. Mort à 29 ans comme zouave sur le champ de bataille de Beaune-la-Rolande, son talent s’est éteint beaucoup trop tôt. La peinture de Berthe Morisot (1841-1895) est franche, spontané et simple. Elle hausse l’émotion à son paroxysme lumineux, fascinée par Manet, pour qui elle pose. Coléreuse

et souvent mélancolique, elle est rarement joyeuse. Quand ses sœurs deviennent mères, elle se passionne pour les images de l’enfance et de la maternité de la famille moderne bourgeoise. Elle y découvre une liberté nouvelle, qui l’éloigne définitivement de l’art officiel. Mary Cassatt (1844-1926) est née à Pittsburg. En 1865 elle part pour Paris, où elle suit les cours particulier de Léon Gérôme, de Chaplin et de Couture, tout en visitant le Louvre assidument. C’est le mondain Degas qui l’entraine dans l’aventure impressionniste. En 1877, il l’invite à exposer avec le groupe, ce qu’elle fait deux ans plus tard. L’exposition japonaise en 1890 à l’école des Beaux-Arts l’émerveille. Elle prend pour modèles les enfants de ses belles sœurs et de ses amies. Elle fréquente le cercle des jeudis de la rue Villejust où elle retrouve Degas, Mallarmé, Renoir, Pissarro et Whistler. Son œuvre est un hymne à la sensibilité féminine de la femme moderne élégante. E, 1895, sa rétrospective organisée par Durand-Ruel à New York est un grand succès. Elle conseillera désormais les riches américains dans leurs achats européens. A partir de 1915, sa vue décline rapidement. Avec Louise Havemeyer elle participe au mouvement qui mène en 1920 à la législation du suffrage féminin aux Etats-Unis. Edgard Degas (1834-1917) n’a jamais accepté la qualification d’impressionniste. Il se considère toujours comme indépendant. Mais il traduit bien le divorce de la peinture traditionnelle. Grand dessinateur, il maintient un lien indissociable avec elle, quand il traduit la vie de société et l’effet éphémère de la lumière artificielle, n’aimant pas le paysage. Il pose sur la société un regard désabusé, et rend bien la psychologie des personnages et l’atmosphère souvent pesante des conventions sociales bourgeoises. A partir de 1870, sa vue baisse, il s’attache surtout au pastel. Ses gestes rapides, teintés d’ironie légèrement amère, captent des ballerines et des femmes à leur toilette, avec impudeur et sans coquetterie. Il observera l’univers des danseuses pendant plus de trente ans. Il dit : » En un trait, nous en disons plus long qu’un littérateur en un volume. ». Le dur travail des femmes et le refuge dans l’alcool le passionnent. Il s’intéresse aussi aux courses hippiques et à l’opéra. La justesse de son dessin et la belle entente des couleurs traduisent ces scènes de genre narratives, où la beauté est à l’honneur. Il dit : » C’est dans le commun qu’est la grâce. ». Le regard vide des inconnus attablés aux tables des cafés fait ’écho à sa propre solitude. Il finit sa vie aveugle et sombre. Paul Gauguin (1848-1903) était tenté par l’impressionnisme qu’à ses débuts. Après sa période bretonne ou il se lie avec Emile Bernard et Van Gogh, il peint les palingénésies des dieux tropicaux dans une ode à la beauté des femmes tahitiennes. Le sujet s’impose au détriment du décor, qui participe dans sa fulgurance colorée aux œuvres de ce néoimpressionniste. Vincent Van Gogh (1853-1890) eut la révélation des estampes japonaises vers 1885. Il écrase la couleur sur sa toile à l’aide de ses doigts, afin d’obtenir le climax d’expression. A Paris, il découvre l’impressionnisme et les cafés de Montmartre. Il y découvre la touche impressionniste et la couleur, qu’il ne cessera d’explorer jusqu’à l’obsession. En 1888, il quitte Paris pour le Midi pour Arles. Entre ses crises de démence, il peint avec frénésie jusqu’au dernier Champ de Blé en juillet 1890.

Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) ouvre en 1884 un atelier rue Fontaine où Degas vient travailler. En 1886, il rencontre Van Gogh. Son génie est dédié à la femme déchue et aux cabarets. Ses rares paysages et scènes de courses hippiques sont sensibles à la pleine lumière, qui fait disparaître la dimension de l’espace. La guerre franco-prussienne de 1870 blesse cruellement le chauvinisme français, quel en est l’effet sur les impressionnistes ? Les peintres jeunes s’enrôlent dans l’armée française. Fréderic Bazille se fait tuer à 30 ans. Monet reste au Havre, puis il gagne Londres où Pissarro le rejoint (1870-71). Daubigny y est déjà. Ils admirent Constable et Turner. Ils y rencontrent le marchand Durand-Ruel qui a ouvert une galerie à New Bond street. Les éléments épars ayant renouvelé leur peinture, deviennent un style qui se propage partout en Europe et aux États-Unis. Les tableaux réalistes à thème d’exclusion sociale comme La Récolte du Foin (1877) de Bastien-Lepage, La Grève (1879) de Alfred-Philippe Roll, La Musique Russe (1881) de James Ensor et les Buveurs d’Absinthe (1881) de Jean-François Raffaëlli sont acclamées par la critique. Que fait Cézanne dans ce mouvement ? Paul Cézanne (1839-1906) est un rustre, d’humeur ombrageuse, né à Aix-en-Provence. Au collège, il devient l’ami d’Emile Zola. En 1861, il s’inscrit à Paris dans l’Académie Suisse, où il rencontre Camille Pissarro et Armand Guillaumin. Être tourmenté, ses premières œuvres qu’il expose au Salon en 1862 sont marquées par l’angoisse et le questionnement. Son œuvre est fortement marquée de ses problèmes personnels. Sa peinture lourde et puissante choque le jury des Salons. Contrairement à ses copains, il veut dégager la solidité permanente des choses. La sensation n’est pour lui qu’un moyen de dépasser durablement l’émotion. Il est analytique. Il dit : »Un artiste doit s’élever intellectuellement le plus possible, mais l’homme doit rester obscur. ». Emile Zola le défend en 1866, aimant la nature et le tempérament de l’artiste génial. Cézanne, redevable à Pissarro, change la peinture. La Maison du pendu (1873), peint chez le docteur Gachet à Auvers sur-Oise, ouvre une voie nouvelle et allégée. Les paysages lumineux qui ont baigné son enfance font que sa peinture gagne en clarté. En 1874, il participe à la première exposition impressionniste. Dans la solitude, il poursuit sa quête personnelle de l’harmonie picturale, qui disloquera l’espace impressionniste. Il ne fera jamais sienne la recherche de l’éphémère des impressionnistes, se consacrant à la construction statique et durable de l’œuvre peinte. La nature morte lui ouvre le champ d’un infini jeu de couleurs et de volumes, qu’il charge de sentiment. Le ciel du Midi le hante, après 1899, il ne quittera plus la région. La « soif impérieuse de soleil de la montagne Sainte-Victoire » sera son laboratoire de l’analyse du regard. En 1886, Félix Fénéon écrit l’article« Les impressionnistes », qui annonce le dépassement de ce mouvement par le néo-impressionnisme. Le monde artistique et littéraire parisien est en pleine ébulition. En 1885, les divergences s’expriment au sein de l’impressionnisme. Georges Seurat (1859-1891) fait naître le pointillisme, qui analyse scientifiquement la vibration lumineuse. Après sa mort

à 36 ans, la technique laborieuse du divisionnisme gagnera vite les autres pays européens et annonce le développement des grands mouvements de l’avant-garde du XXe siècle. Paul Signac (1863-1935) développe le suit dans son divisionnisme, comme le font Theodore Van Rijsselberghe, le luministe Emile Claus et d’autres. L’impressionnisme se répand en gardant en Belgique généralement une partie de sa couleur locale, moins légère et plus lourde. Henri Evenepoel et James Ensor pratiquent ce style depuis 1880. En 1888, Pierre Bonnard (1867_1947), Jean Edouard Vuillard (1868-1940), Maurice Denis (1870-1943) et Ker Xavier Roussel organisent le groupe des Nabis qui traduit le syncrétisme coloré de Pont-Aven. Au tournant du XXe siècle, Matisse, Nolde, Kandinsky et Macke adoptent une approche plus instinctive et expressive. Leurs tableaux représentant des jardins, les envisagent comme des rêves visionnaires. L’Expressionisme se met en marche. Le salon d’Automne de Paris en 1905 est la première manifestation de « La cage aux Fauves ». Regardant leurs œuvres placées devant une statue représentant un enfant, le critique Louis Vauxelles s’écria : » Donatello chez les Fauves ! ». Le fauvisme est né dans l’atelier de Gustave Moreau. Henri Matisse (1869-1954) et ses amis Albert Marquet (1875-1947), Maurice Vlaminck (1876-1958), Kees Van Dongen (1877-1968), Georges Rouault, Raoul Dufy, procèdent à des expériences hautement en couleur. Plus tard, André Derain (1880-1954) compara ses tubes de couleur à « des cartouches à poudre » et le fauvisme à « l’épreuve du feu ». Depuis 1905, Ferdinand Schirren (1872-1944), Adolphe Keller (1880-1968) Richard Baseleer (1867-1951) et Rik Wouters (1882-1916) en sont les représentants brabançons les plus purs., En 1907, quand le fauvisme pur se désagrège à Paris, Pablo Picasso, installé à Montmartre depuis 1901, montre à ses amis dans son atelier du Bateau Lavoir son tableau Les Demoiselles d’Avignon (1907). Ce fût la naissance du cubisme, inspiré en parti par la sculpture africaine. Tous le mouvements d’avant-garde seront tributaires aux expériences de l’impressionnisme, qui a détruit les conventions classiques et celle du rendu illusionniste de l’espace en inscrivant les variations du temps dans la couleur. Copyright Prof. Dr. Jan DE MAERE

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