L\'image-temps

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L'image-temps

Nicolas Marty
(doctorant, Université Paris-Sorbonne / IReMus)
(étudiant en composition, conservatoire de Bordeaux)
(chargé de cours d'informatique musicale, Université Bordeaux-Montaigne)

En juin 2015, j'ai présenté à Sheffield (EMS15) une perspective d'analyse
fondée sur l'utilisation des concepts d'image-mouvement et d'image-temps,
introduits par Deleuze pour décrire l'évolution du cinéma au 20e siècle.
Considérer une pièce de musique acousmatique comme une image-temps revient
à dire que la musique ne serait plus seulement un art du temps (dans lequel
le temps serait articulé par le mouvement), mais pourrait laisser de côté
l'articulation du temps au profit de son déploiement dans l'espace.


En parallèle de ce travail musicologique, j'ai produit une série de
quatre pièces acousmatiques. Il s'agissait aussi de montrer qu'en plus de
pouvoir être exporté pour l'analyse d'autres arts, les concepts deleuziens
peuvent servir d'inspiration pour la créativité esthétique. Il s'agit de
mettre en avant une conception moléculaire de la musique, non pas pour
rejeter la conception molaire de la musique comme art du temps (linéarité,
contrastes, tensions / détentes, énergie), mais pour mettre en avant une
autre possibilité, peu explorée en-dehors des drones et de la musique de
transe : celle de la musique où rien ne se passe, où quelque chose est
donné à voir plutôt qu'à vivre par sympathie kinesthésique.


Les trois premières explorent différents aspects de la durée, de l'espace
et du silence, dans un cadre cinématographique : même dans le cas d'une
diffusion sur acousmonium, les pièces doivent être diffusées sur le plan
frontal (sauf la quatrième pièce quadriphonique).
La première pièce, Funambules et autres abstractions (5'), donne au
silence un rôle prégnant, une existence propre. Il entoure les fragments
sonores apparaissant comme des percées dans le silence plutôt que des sons
articulés (image optique/sonore). La forme n'y est pas téléologique, mais
plutôt fragmentée, rhizomatique (image-cristal).
La deuxième pièce, Les lèvres d'Isis (2') est extrêmement proche du
silence complet, permettant aux sons « parasites » de la salle d'y prendre
part. La pièce révèle l'érotisme de ces sons. La forme est linéaire, bien
que fragmentée, et chacun des fragments constitue une image lisible, un
système de relations subtiles.
La troisième pièce, Le dormeur du val (3'), articule quatre identités
spatiales, mettant en avant la distance entre l'auditeur et le son
articulé. Encore une fois, les sons apparaissent comme sur un écran de
cinéma, sans que l'auditeur y soit immergé. La forme est rhizomatique.
Alors que la quadriphonie et l'espace tridimensionnel sont généralement
utilisés, en musique acousmatique, pour générer des mouvements immersifs
dans l'espace, elle sert dans la quatrième pièce, Une des chambres n'aurait
presque pas de fenêtre. (10'), à mettre en place une identité spatiale : le
haut-parleur arrière-gauche est notamment utilisé exclusivement pour
diffuser un texte en morse stylisé.


De manière globale, il s'agit de proposer une conception systémique,
rhizomatique, non-téléologique et non-causale de la forme musicale, par
opposition aux conceptions dominantes qui, en s'inspirant parfois des
propositions des sciences cognitives, mettent l'accent sur l'articulation,
la continuité, la dialectique et la rhétorique. Le même médium peut
proposer, à condition que l'auditeur veuille bien s'y prêter, une autre
manière d'écouter.

Mots-clés : acousmatique, cinéma, durée, espace, silence

Note biographique

Nicolas Marty est doctorant en musicologie à l'université Paris-Sorbonne,
où il étudie l'écoute des musiques acousmatiques. Ayant terminé ses études
de Musique Assistée par Ordinateur en 2010 au conservatoire de Bordeaux, il
y suit actuellement les cours de composition instrumentale de Jean-Louis
Agobet et les cours de composition électroacoustique de Christophe Havel.
Il est chargé de cours en informatique musicale à l'Université Bordeaux
Montaigne, a coordonné avec François Delalande le numéro 8 de la revue
Musimédiane (« Musique électroacoustique ») et a organisé la session
euroMAC2014 « Listening to electroacoustic music through analysis », dont
il prépare actuellement les actes pour publication chez Delatour fin 2015.


Son esthétique compositionnelle repose sur une forme de temporalité
étendue et contemplative. L'élément pulsé ou strié est relégué au second
plan, au profit d'un déploiement lisse (bien que ponctuellement articulé)
de l'espace. L'élément humain est mis de côté autant que possible pour lui
privilégier d'autres formes d'existence.


http://marty.nicolas.chez.com / [email protected]
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