Liposarcome gastrique : aspects tomodensitométriques

June 19, 2017 | Autor: Roland Rymer | Categoria: Computed Tomography, Gastrointestinal Tract
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J Radiol 2010;91:571-3 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lettre

digestif

Liposarcome gastrique : aspects tomodensitométriques P Soyer (1), M Boudiaf (1), J Nemeth (2), M Pocard (3), S Martin-Grivaud (1), F Duchat (1), D Tiah (1), L Hamzi (1) et R Rymer (1)

Key words: Computed tomography. Gastric neoplasm. Liposarcoma. Lipomatous tumor. Gastrointestinal tract.

e liposarcome est une tumeur relativement fréquente qui représente jusqu’à 20 % de l’ensemble des tumeurs mésenchymateuses malignes (1, 2). Cette tumeur est caractérisée histopathologiquement par la présence de cellules graisseuses immatures (lipoblastes). Alors que la localisation rétropéritonéale est de loin la plus fréquente, la situation intra-péritonéale est exceptionnelle. Histologiquement, les liposarcomes sont classés en quatre groupes : bien différencié, dédifférencié, myxoïde, et pléomorphe (1, 2). Nous rapportons un cas de liposarcome gastrique bien différencié, tumeur extrêmement rare, dont à notre connaissance seulement dix cas ont été rapportés dans la littérature à ce jour (3).

L

Cas clinique Un homme de 51 ans était adressé aux urgences chirurgicales pour asthénie et méléna. Le patient se plaignait de vertiges. Il n’avait aucun antécédent notable. Cliniquement, il existait une pâleur cutanée, une tachycardie et le toucher rectal décelait des filets de selles noires. Les examens biologiques ne révélaient pas d’anomalie en faveur d’une inflammation mais il existait une anémie avec une hémoglobinémie à 5,2 g/dl. Après transfusion de trois culots globulaires, une fibroscopie œsogastroduodénale montrait l’existence d’une volumineuse tumeur

(1) Service de Radiologie Viscérale, Hôpital Lariboisière, AP-HP, GHU Nord, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris cedex 10. (2) Service d’Anatomie et Cytopathologie Pathologiques, Hôpital Lariboisière, AP-HP, GHU Nord, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris cedex 10. (3) Service de Chirurgie Digestive, Hôpital Lariboisière, AP-HP, GHU Nord, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris cedex 10. Université Diderot-Paris 7. Correspondance : P Soyer E-mail : [email protected]

Mots-clés : Tomodensitométrie. Cancer gastrique. Liposarcome. Tube digestif. Tumeur graisseuse.

antrale, sous-muqueuse, ulcéro-végétante, occupant la face postérieure de la grande courbure. Trois biopsies se révélèrent négatives. Une nouvelle fibroscopie était effectuée. Six biopsies profondes étaient alors faites mais toutes furent encore négatives. Un examen tomodensitométrique confirmait l’existence d’une masse arrondie, développée aux dépens de la face postérieure de la grande courbure gastrique au niveau de l’antre. Cette masse qui mesurait environ 8 cm de diamètre dans le plan transversal contenait des zones de densité graisseuse avec des valeurs d’atténuation aux environs de -30 UH (fig. 1a, 1b) associées à des zones plus denses, rehaussant après injection intraveineuse de produit de contraste iodé. Il n’était pas observé de ganglion coelio-mésentérique ni de lésion hépatique d’allure secondaire. Une laparotomie était effectuée. Celle-ci confirmait la présence d’une masse molle développée aux dépens de l’antre. Il n’existait pas d’extension à l’épiploon ni de ganglion anormal. Une gastrectomie distale avec anastomose gastro-jéjunale était effectuée. L’examen extemporané de la pièce de résection montrait des limites de résection saines. L’étude macroscopique révélait une lésion exophytique, ulcérée de 9 cm de long sur 8 cm de large de la face postérieure de l’antre, adossée au pylore, de couleur jaunâtre à la coupe, évoquant la présence majoritaire de graisse. La tumeur refoulait la musculeuse et correspondait histologiquement à un liposarcome bien différencié, de sous-type inflammatoire, développé dans la sous-muqueuse, infiltrant par endroits la musculeuse, sans envahissement ganglionnaire (pas de ganglion atteint sur 21 examinés) (fig. 1c). La tumeur était hétérogène, à la fois faite principalement d’adipocytes matures, aux noyaux réguliers mais dont les va-

cuoles étaient de tailles inégales, avec quelques rares lipoblastes, et à la fois d’aspect fibroblastique, lâche accompagnée de cellules inflammatoires surtout mononucléés, et majoritairement lymphocytaires (fig. 1d). L’étude immunohistochimique excluait formellement le diagnostic de tumeur stromale.

Discussion Le liposarcome est le plus fréquent des sarcomes des tissus mous. Il survient chez l’adulte, avec un pic d’incidence entre la cinquième et la septième décade et peut virtuellement se développer aux dépens de n’importe quel organe, même si la localisation rétropéritonéale est la plus fréquente. Le siège gastrique est exceptionnel. Il s’agit alors typiquement d’une lésion exophytique, paraissant appendue à la petite courbure. Le liposarcome gastrique est formé de cellules mésenchymateuses indifférenciées provenant de la sous muqueuse ou de la musculeuse gastrique (2, 3). La symptomatologie clinique des différents cas rapportés est peu spécifique mais l’hémorragie digestive est le plus souvent en rapport avec des tumeurs agressives (1). Histologiquement, il existe quatre types de liposarcome. On distingue ainsi le liposarcome bien différencié comme dans notre cas, le liposarcome myxoïde, le liposarcome dédifférencié et le liposarcome pléomorphe. Le liposarcome bien différencié représente 40 % de l’ensemble des liposarcomes (2). Il est lui-même divisé en adipeux, scléreux, inflammatoire et à cellules fusiformes (4). La forme inflammatoire correspond à la présence de cellules inflammatoires mononucléées, surtout lymphoplasmocytaires, souvent agencées en amas. Le liposarcome bien différencié

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a b c d

Fig. 1 : a

b

c d

Homme de 51 ans ayant une tumeur gastrique découverte à l’occasion d’un méléna. Examen tomodensitométrique montrant une masse de l’antre gastrique (flèche), bien limitée, contenant une zone de densité graisseuse (tête de flèche) associée à une portion plus dense et plus hétérogène. À un niveau de coupe inférieur, tomodensitométrie montrant la prédominance de zones graisseuses hétérogènes (tête de flèche).

Coupe histologique (coloration hematoxyline-éosine-safran) montrant les rapports de la tumeur avec les structures avoisinantes. La tumeur refoule la muqueuse antrale (flèche) et le muscle pylorique. Coupe histologique (coloration hematoxyline-éosine-safran) montrant de nombreux adipocytes matures (têtes de flèche), un peu irréguliers et une composante inflammatoire (flèches).

a un risque élevé de récurrence locale mais ne donne généralement pas de métastase. Le liposarcome myxoïde est caractérisé par une matrice myxoïde et par la présence de cellules rondes et est considéré comme une tumeur de bas grade ou intermédiaire. Le liposarcome dédifférencié se caractérise par la présence d’adipocytes sans contenu lipidique. Le pléomorphe est de haut grade de malignité avec des anomalies nucléaires importantes, des zones hémorragiques et de nécrose (2, 4). L’examen le plus informatif est la tomodensitométrie abdominale : la présence de zones de densité graisseuse est quasiment pathognomonique de tumeur graisseuse (5) et l’association à des zones rehaussant est hautement évocatrice du diagnostic (6). La fibroscopie gastrique peut comme dans notre cas mettre en évidence une ulcération muqueuse (6). Les biopsies effectuées au cours de la fibroscopie sont, comme dans notre cas, rare-

ment contributives au diagnostic de certitude, ne montrant le plus souvent que des cellules graisseuses normales (7). Bien qu’il soit difficile d’établir un parallèle strict entre l’aspect tomodensitométrique et le type histologique, il apparaît que les liposarcomes bien différenciés comme celui de notre cas ont un aspect hétérogène avec une prédominance de zones de densité graisseuse. Le type myxoïde contient des remaniements kystiques de densité liquidienne et les deux autres types contiennent des zones solides non spécifiques qui rendent la caractérisation difficile (6, 8). En cas de liposarcome gastrique bien différencié, avec un fort contingent adipeux, le diagnostic différentiel radiologique inclut principalement le lipome gastrique. Le lipome gastrique est constitué de tissu adipeux bien différencié, circonscrit par une capsule fibreuse et dans 75 % des cas situé dans l’antre gastrique (1, 8, 9). En tomodensitométrie, le lipome a un contenu adipeux

exclusif et homogène. Cependant, certaines zones peuvent présenter une hétérogénéité. La distinction entre lipome gastrique et liposarcome bien différencié n’est donc pas toujours facile, d’autant que dans certains cas, le lipome gastrique peut s’ulcérer ou se nécroser. Comme dans notre cas, la présence de zones d’hétérogénéité marquée est un argument en faveur du liposarcome. Pour les autres types de liposarcome, peu différenciés ou à faible contingent tissulaire adipeux, le diagnostic différentiel radiologique inclut les tumeurs stromales gastriques (10), les tumeurs épiploïques primitives, le lymphome mésentérique, le liposarcome péritonéal, et certaines tumeurs hépatiques à contenu graisseux développées aux dépens du lobe gauche comme l’hépatocarcinome ou l’adénome (1). En conclusion, le diagnostic de liposarcome gastrique doit être évoqué devant la présence d’une masse gastrique, hétérogène, contenant des zones de densité graisseuse J Radiol 2010;91

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en tomodensitométrie, à développement exophytique. La résection chirurgicale, qui en est le meilleur traitement, en permet également le diagnostic de certitude.

3.

Références

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